Messieurs, assumons la responsabilité de nos propres tentations
par Loren Seibold | 20 juillet 2023 |
Il y a quelques temps, je lisais sur Facebook ce qu’avaient écrit sur le thème du vêtement les membres d’un groupe adventiste. La chose la plus frappante, c’est que bien que ce groupe comprenne une grande majorité d’hommes, il ne parle presqu’exclusivement que des femmes. Il n’est pas inhabituel d’y lire un commentaire tel que celui-ci: «Les femmes qui portent des robes courtes ou des pantalons font pêcher les hommes.»
De façon alarmante, l’un d’entre eux est même allé jusqu’à déclarer: «Les hommes ne peuvent absolument pas résister aux femmes qui ne sont pas décentes.»
Quelques femmes qui font partie de ce groupe adhèrent aussi à cette idée. Non seulement réprimandent-elles les autres femmes, elles sont aussi obsédées par l’invention de vêtements qui camoufleraient au mieux les formes naturelles de leurs corps.
Au sein de ce groupe, on ne mentionne que très rarement la responsabilité des hommes. L’idée sous-jacente semble être qu’en ce qui concerne le sexe, nous, les hommes, sommes comme les chiens de Pavlov les plus stupides. Nous apercevons une poitrine, ou simplement ses contours, et nous sommes poussés à avoir des relations sexuelles avec la personne à qui elle est attachée. Nous voyons des jambes, et nous ne pouvons pas contrôler notre désir pour la femme perchée au-dessus. Dans ce groupe, une excuse qui est souvent avancée, c’est que «les hommes sont tout simplement différents des femmes» – c’est-à-dire que leur maîtrise de soi est moindre.
Je trouve cela insultant. Tout comme n’importe quel gars hétérosexuel, la beauté féminine m’attire, mais cela ne signifie pas pour autant que c’est la faute de la femme si je ressens ces sentiments. Cette idée semble cependant être courante chez les hommes chrétiens: s’ils sont tentés, ils préfèrent blâmer l’objet de leur désir.
A un moment de la conversation, lorsque j’ai fait remarquer cela, certains de ces messieurs en ont pris ombrage. L’un d’eux a écrit qu’il s’inquiétait pour les femmes: «Le vêtement peut certainement être un reflet du cœur» – et il était capable de juger ce qu’elles avaient dans le cœur. (En psychologie, on appelle cela une «projection». Réfléchissez-y.) Une femme, quant à elle, a répondu que, selon Ezéchiel 3.18-21, les hommes doivent l’avertir quand ils se sentent excités – ce qui signifie qu’elle agit selon les instructions qu’elle reçoit de tous les hommes émoustillés qui ont des pensées érotiques à son égard. (C’est aussi une invitation à parler sexe dans un contexte inapproprié ou je ne m’y connais pas.)
Un autre homme a avancé un argument économique: «Il ne s’agit pas seulement de provoquer le sexe masculin mais aussi de s’habiller sans dépenser des fortunes.» Merci, messieurs, de vous préoccuper de la question au cas où ces filles fassent des folies avec leur carte de crédit! Bien sûr, nous ne gaspillons jamais – ô grand jamais – de l’argent pour ce qui n’est pas essentiel, n’est-ce pas, messieurs? Tous les outils électriques, les tickets d’évènements sportifs et la moto que j’achète moi sont absolument essentiels – pas comme ces rouges à lèvres superficiels pour lesquels les femmes gaspillent leur argent!
Les occasions de chute
En fin de compte, les conversations concernant la tenue des femmes semblent toujours revenir vers l’idée que leur apparence est une occasion de chute. «Malheur au monde à cause des pièges! Les pièges sont inévitables, mais malheur à l’homme qui en est responsable!» Matthieu 18.7.
Bien sûr, Dieu ne veut pas que je sois une occasion de chute pour les autres. Mais la théologie de la pierre d’achoppement que j’observe dans le milieu adventiste est différente de celle donnée dans les Ecritures. Elle a évolué, et au lieu de conseiller: «Toi, ne sois pas une occasion de chute pour les autres» – ce qui est de très bon conseil – elle explique maintenant qu’il s’agit d’une personne disant à une autre: «Je te tiens pour responsable si tu es pour moi une occasion de chute. Le seul moyen pour moi de ne pas pêcher, c’est que tu ne me tentes pas. Cesse donc d’être une tentation!»
Quelle bonne combine! «Je ne suis pas responsable de mon péché. C’est toi qui l’es.»
Dans le domaine des tentations sexuelles, il est loin de s’agir d’une nouvelle idée, car elle a été testée pendant de nombreuses années dans les cours de justice; et c’est la raison pour laquelle tant de femmes refusent de signaler un viol. «Mademoiselle Smith, que portiez-vous la nuit où, selon vous, M. Jones vous a violée?» Tristement, je crains que certains de mes lecteurs ne voient pas où est le problème dans cette question, aussi, pour être bien clair, je vais vous le dire. Cela implique que c’était la tenue de Mademoiselle Smith qui a fait que M. Jones a sauté de derrière la haie et a enfoncé son pénis en elle. Et puis, il y a aussi ces questions: «Mademoiselle Smith, êtes-vous vierge? Combien de partenaires sexuels avez-vous eu?» – ces questions impliquent que si, de par le passé, Mademoiselle Smith a fait l’amour volontairement, elle donne maintenant la permission à n’importe quel homme d’avoir avec elle des relations sexuelles, même contre sa volonté.
Tout cela au service de l’idée que les pensées et les actions sexuelles d’un homme ne sont pas de sa faute mais de celle des femmes.
Ne me tente pas
Cette façon de penser, poussée vers sa conclusion logique, pourrait transférer le blâme de tous les péchés sur les autres. Ta BMW fait que je t’envie, tu ne devrais donc pas avoir le droit d’en posséder une. Je suis jaloux parce que je ne joue pas du piano aussi bien que toi, tu ne devrais donc pas être autorisé à en jouer. Pourquoi ai-je tant d’embonpoint? C’est parce que toutes les publicités de fast-food que je vois à la télévision me tentent. En fait, c’est peut-être la faute de ma femme si je ne peux pas contrôler mon appétit – elle est vraiment une bonne cuisinière!
Un homme demande: «A ce moment-là, pourquoi ne pas se promener tout nu?» Parce que ce n’est pas légal. Parce que nous aurions froid et attraperions des échardes en nous asseyant sur les bancs publics. Ce ne serait pas prudent. Les moustiques s’en donneraient à cœur joie. Tout cela pour dire qu’on ne portent pas de vêtements seulement dans le but de contrôler nos désirs sexuels!
Par ailleurs, comment les autres peuvent-ils deviner ce qui provoque en nous la luxure? Lorsque vous dites à une femme ce qu’elle doit porter afin de ne pas vous tenter, c’est comme si sa responsabilité dépendait de vos sensibilités. Comment les gens qui vous entourent vont-ils pouvoir prendre en considération toutes vos pierres d’achoppement? Si ce sont les cheveux qui vous excitent, toutes les femmes devraient-elles porter un casque de scaphandre? Et si ce sont les pieds, toutes les femmes devraient-elles ne porter que des bottes de pluie? Et malheur à celle qui a trop de formes: y a-t-il quelque chose qu’elle pourrait porter qui ne vous excitera pas? Cette pauvre femme devra rester dans un isolement total. A Kabul, les femmes qui portent des burkas – le vêtement le plus déshumanisant qui soi – se font aussi violer. Il est donc évident que même la décence la plus totale n’est pas suffisante pour maîtriser les pensées sexuelles des hommes.
Les hommes qui croient sincèrement que l’apparence des femmes est la raison de leurs péchés se confronteront à bien des difficultés lorsqu’ils iront à la plage, porteront les yeux sur un panneau d’affichage ou allumeront leur ordinateur.
Assumons nos responsabilités
Je suggère donc de renverser la situation. Messieurs, même si toutes les femmes de monde se promenaient nues, nous devrions avoir la force spirituelle de détourner les yeux et de contrôler nos pensées. Quand Adam a dit, «La femme m’a tenté, et j’ai péché», Dieu n’a pas passé l’éponge. Jésus n’a pas dit non plus que, si nous sommes tentés, nous devons empiler des vêtements sur les femmes qui nous entourent. Non. Il a dit que si nous sommes tentés, nous devrions nous arracher les yeux!
Les chrétiens aiment «offrir» aux autres des conseils bibliques, alors qu’il est clair que leur but premier, c’est de les suivre soi-même. Les dix commandements ne disent pas: «Ta responsabilité, c’est de t’assurer que les autres obéissent à ces lois.» Le septième commandement déclare: «Tu ne commettras pas d’adultère.» Dans le sermon sur la montagne, au sujet de ce commandement, Jésus dit: «Si vous désirez une femme, vous avez commis l’adultère.» Il n’a pas placé la faute sur celle qu’on regarde, mais sur celui qui regarde!
Quant à l’argument de la pierre d’achoppement, selon Paul, qu’est-ce qui est vraiment une occasion de chute? Les jugements que nous portons sur les autres! «Ne nous jugeons donc plus les uns les autres, mais veillez plutôt à ne pas placer d’obstacle ou de piège devant votre frère» (Romains 14.13 ). Pendant des dizaines d’années, nous, l’église adventiste du septième jour, avons été les champions de l’apparence féminine. Nous avons jugé les femmes lorsqu’elles portaient des bijoux ou du maquillage ou se teignaient les cheveux. Nos jugements ont été de plus grandes occasions de chute que tout ce que les femmes ont pu porter.
Le plus faible de nos frères
La Bible parle du plus faible de nos frères que nous devons chercher à ne pas faire trébucher. Cependant, nous aurions bien du mal à plaider en faveur de tous les hommes concupiscents qui se considèreraient un frère plus faible pendant toute leur vie – surtout s’il pense avoir l’argument spirituel de pouvoir dire aux femmes qu’elles ne devraient pas le tenter. Dieu ne s’attend-il pas à ce que nous croissions, messieurs? Ne s’attend-il pas à ce que nous apprenions à contrôler nos pensées plutôt que d’en rendre responsable quelqu’un d’autre? Pendant des années, les adventistes du septième jour ont permis aux plus faibles de leurs frères ou de leurs sœurs de dicter le comportement de tous les autres. Ce n’est pas biblique, ou bien ni Jésus ni Paul n’auraient été si sévères envers nos tendances à critiquer.
Il s’avère, messieurs, que nos yeux ont une caractéristique intéressante qui peut nous épargner bien des ennuis: nous pouvons les détourner et regarder ailleurs! Ce n’est pas au reste du monde de marcher sans cesse sur des œufs en notre présence pour ménager la susceptibilité spirituelle dans laquelle nous nous trouvons. Bref, nous n’avons pas le loisir de placer la cause de notre péché sur les autres. Il s’agit de notre responsabilité et de celle de personne d’autre – même si toutes les femmes du monde se promenaient nues.
Corriger ceux qui s’égarent
Alors que nous trouvons quelques références bibliques concernant le fait de reprendre ceux qui s’égarent, corriger les autres est un sujet mineur comparé au nombre de fois que la Bible nous demande de nous corriger nous-mêmes. «Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes» (2 Corinthiens 13.5). «Que chacun donc s’éprouve soi-même» (1 Corinthiens 11.28). «Recherchons nos voies et sondons, Et retournons à l’Eternel» (Lamentations 3.40). «Quel est le nombre de mes iniquités et de mes péchés? Fais-moi connaître mes transgressions et mes péchés» (Job 13.23). «Confessons nos péchés» (1 Jean 1.9) – et ne cherchons pas à corriger celui de quelqu’un d’autre.
Cependant, si vous décidez que c’est votre rôle de dire aux autres comment se comporter, comprenez s’il vous plaît ce que vous affirmez à votre encontre. «Que celui qui est sans péché jette la première pierre», a dit Jésus. Etes-vous assez purs pour affirmer cela? J’en doute.
Je vais me permettre d’exprimer ici ce qui, selon moi, est la chose la plus accablante en ce qui concerne ceux qui aiment critiquer les autres: ils sont souvent, d’après mon expérience, ceux qui ont le plus de problèmes. Cela est particulièrement vrai de ceux qui critiquent les femmes. Les hommes qui sont prompts à faire des commentaires sur l’indécence de certaines femmes sont aussi ceux qui sont le plus à même de leur taper sur les fesses, ou pire. (Voir Samuel Koranteng Pipim). Ces hommes essaient-ils de contrôler l’apparence des femmes parce qu’ils ne veulent pas contrôler leurs propres comportements? Cela les aide-t-il, en quelque sorte, à se sentir moins coupables? Je ne peux pas dire que je comprenne totalement ce phénomène; je ne fais que le constater.
Clarifications
Premièrement, je suis en train de parler de péché, pas de sécurité. Ceux qui blâment les femmes confondent sans cesse les deux. Ce ne serait pas très intelligent de ma part de me promener dans un quartier dangereux en agitant une liasse de billets de banque. Cependant, si je me fais voler, même si c’est le résultat de ma bêtise, ce n’est pas mon péché. Sachant que certains hommes veulent blâmer les femmes s’ils sont tentés, il serait plus prudent pour les femmes de chercher à minimiser leurs risques dans l’entourage de tels hommes – mais les paroles et les actions inappropriées de ces hommes ne sont cependant pas de la faute des femmes.
Deuxièmement, avoir du bon sens dans le choix de ses vêtements est un tout autre sujet. Si j’avais eu une fille, je suis certain que ma femme lui aurait expliqué comment s’habiller pour réussir et comment choisir des vêtements appropriés pour le travail qu’elle est appelée à faire. Elle lui aurait dit que certaines tenues qu’elle aime lui donneront peut-être une allure moins professionnelle et qu’elle sera peut-être moins prise au sérieux – et que même si elle peut choisir de s’habiller de cette manière, il serait plus judicieux qu’elle choisisse de ne pas le faire. Peut-être que cette question tombe dans la catégorie «Tout est permis, mais tout n’est pas utile» (1 Corinthiens 10.23). Les entreprises et les écoles ont des codes vestimentaires, et c’est une bonne chose – tant qu’ils s’appliquent à tous. (La plupart des codes vestimentaires créés par les adventistes concernent en grande majorité la tenue des femmes, communiquant ainsi très clairement l’idée absurde que, nous les hommes, ne pouvons nous contrôler qu’en contrôlant les femmes.)
Finalement, un participant à la discussion mentionnée au début de cet article a tenté de donner le coup de grâce en disant: «Ne sais-tu pas qu’il y a des femmes qui utilisent leur sex-appeal pour tenter les hommes?»
Bien sûr! Dans de bonnes circonstances, on appelle cela «romance», et c’est parfaitement naturel.
Mais s’il veut dire qu’il y a de mauvaises femmes qui veulent séduire les hommes à des fins égoïstes, eh bien oui, cela arrive. Bien sûr, il y a aussi de mauvais hommes qui prennent au piège, séduisent et abusent les femmes – et probablement plus souvent que l’inverse. Les séductrices ne caractérisent pas toutes les femmes, pas plus que les violeurs ne caractérisent tous les hommes. En fait, un scénario commun, c’est que les hommes attribuent la caractéristique de la séduction aux femmes parce qu’ils ressentent des pulsions sexuelles en les regardant, et ils prennent leurs désirs pour telle ou telle femme comme une invitation, alors qu’il n’y avait aucun intérêt sexuel de la part de celle-ci. Peut-être avez-vous déjà entendu un homme déclarer avec un regard lubrique: «Elle ne demande que ça.»
Dans toute cette histoire, il nous faut séparer les causes et les effets et cesser d’essayer de nous dépatouiller en avançant des arguments branlants et absurdes. Messieurs, nous vivons dans un monde où les individus s’habillent de façon révélatrice. Il y aura toujours des femmes ou des photos de femmes qui nous tenteront. Nous allons donc devoir, par nous-mêmes, faire preuve de diligence. Les femmes sont responsables de la manière dont elles s’habillent, mais elles ne sont pas responsables de nos pensées, de nos tentations ou des péchés que nous choisissons de commettre. Nous ne pouvons pas attendre des femmes qu’elles accommodent nos points faibles parce que, premièrement, cela n’arrivera jamais, et deuxièmement, «la femme m’a tenté» n’a pas fonctionné pour Adam, et cela ne fonctionnera pas non plus pour nous lors du jugement final.
Personne ne peut nous faire pêcher. C’est notre problème. Donc, messieurs, remontons nos bretelles et assumons la responsabilité de nos propres tentations.
Loren Seibold est directeur de rédaction à Adventist Today. A l’origine, cet article avait été publié en 2019 dans Adventist Today. La version anglaise de cet article est parue, d’abord en 2019, puis le 31 mai 2022 sur le site d’AdventistToday.