Ted Wilson sait-il quand le temps de grâce va prendre fin?
par Loren Seibold | 10 février 2025 |
Il n’y a pas longtemps, je suis à nouveau tombé sur un slogan que j’ai vu circuler pendant des années. Il s’agit de la légende accompagnant une photo de Ted Wilson: «Le temps sur cette terre est court. Le temps de grâce se termine bientôt. C’est maintenant qu’il faut se préparer à voir Dieu face à face en se repentant et en abandonnant le péché».
C’est la partie «Le temps de grâce se termine bientôt» qui m’a fait tiquer. Oh, les souvenirs! Les jours terrifiants de mon enfance après que notre moniteur de l’École du sabbat nous eut dit que Dieu allait soudainement, sans prévenir, mettre un terme à notre chance de salut. Puisque nous vivions à l’aube du retour du Christ, cela pouvait arriver à n’importe lequel d’entre nous à n’importe quel moment!
J’étais un enfant sensible et bien intentionné. Je voulais aimer Dieu, mais cette idée ébranlait ma confiance en lui. À cet âge, il ne m’est pas venu à l’esprit de me demander si Dieu était vraiment comme cela. Mes professeurs l’avaient dit et je les croyais. Je m’en suis voulu: il est clair que si j’avais été aussi bon que j’aurais dû l’être, je n’aurais pas eu si peur à ce moment-là!
La fin du temps de grâce revenait sans cesse, tout au long des années, de l’école primaire jusqu’à l’université. Les détails variaient en fonction du prédicateur ou de l’enseignant qui nous en parlait. L’un d’entre eux nous a dit que Dieu traitait nos dossiers, dans les cieux. Lorsqu’il aurait terminé, le marteau divin s’abattrait: Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est sale se salisse encore» (Apocalypse 22.9). Nous ne nous en rendrions même pas compte, selon certains. Peut-être était-il déjà trop tard, ce qui a fait dire à l’un de mes amis d’adolescence: «Eh bien, bon sang, à quoi bon essayer? Autant s’amuser».
Parfaitement logique, mais son courage a dépassé le mien. J’ai continué à essayer, au cas où. Sois bon et améliore-toi, car on ne sait jamais! C’était une menace et une incitation à bien se comporter, et cela a fonctionné sur moi, bien qu’avec un terrible effet secondaire concrétisé par une culpabilité et une anxiété intenses. Il était clair pour moi que le salut était un pari, et qu’il y avait de fortes chances que je n’y arrive pas.
La partie qui dépendait de mon bon comportement était incertaine, car je n’étais pas suffisamment résistant à la tentation. Pire encore: Dieu était là-haut en train de faire quelque chose à l’abri des regards, pour des raisons qui lui sont propres. Il pouvait mettre fin instantanément à mes perspectives de salut.
La citation de Wilson
J’ai passé des années à étudier ce sujet, et à la fin, je ne peux que totalement rejeter ce qui est affirmé par Wilson. J’avais pourtant commencé à espérer que dans une dénomination comme la nôtre, maintenant plus orientée vers la grâce, la notion même d’un Dieu retirant inopinément sa miséricorde aux êtres humains avait disparu. Je suis stupide! Il s’avère que l’un des principaux responsables de ma dénomination y croit – et il sait même quand cela se produira!
La première fois que je trouve cette déclaration de Wilson, c’est lors de la réunion du Comité exécutif de la Conférence générale de l’automne 2014. Je doute pourtant que ce soit la première fois qu’il l’ait faite. Il a en effet utilisé cette phrase à maintes reprises. Vous pouvez la lire dans une réponse à la question suivante: «Pourriez-vous rafraîchir notre mémoire au sujet de la venue prochaine de Jésus et, en tant qu’adventiste du septième jour, comment nous pouvons être préparés au mieux?» Voici une partie de la réponse:
Le temps passé sur cette terre est court. Le temps de grâce se termine bientôt. C’est maintenant qu’il faut se préparer à voir Dieu face à face en se repentant et en abandonnant le péché. Cela ne signifie pas pour autant que nous obtiendrons le salut par nos propres œuvres. En tant qu’adventistes du septième jour, nous croyons que ce n’est que par la grâce et la justice du Christ que nous avons la vie éternelle. Mais lorsque le temps de grâce se termine, l’œuvre médiatrice du Christ s’achève. Votre caractère sera fixé et votre destin éternellement décidé. C’est pourquoi, chaque jour, nous avons besoin d’être ravivés et réformés par notre étude de la Bible et notre lien de prière avec le Christ. Nous devons recevoir sa justice totale par la justification et la sanctification, de sorte que chaque jour, par sa puissance, nous devenions de plus en plus semblables à lui.
Si on fait l’exégèse de ce passage, on s’aperçoit qu’on en revient à la théologie perfectionniste des années 1950. Il semble que la justice du Christ nous sauve dans un sens technique, mais l’accent est surtout mis sur «l’abandon du péché». À la fin du temps de grâce, c’est votre discipline personnelle pour atteindre la perfection qui compte. En d’autres termes, lorsque «nous serons changés… en un instant, en un clin d’œil», vous ne serez peut-être plus coincé dans votre corps qui se meurt lentement, mais votre caractère aura déjà été rendu parfait par votre volonté diligente et votre travail acharné.
La plus notable arrogance de Wilson consiste toutefois à affirmer que «le temps de grâce se termine bientôt». Comment le sait-il? Ce sera quand bientôt? Assurément pas dans les 10 ans et quelques qui se sont écoulés depuis qu’il l’a dit en 2014, car il continue de nous mettre en garde à ce sujet.
La Bible ne dit pas cela!
Il n’est pas nécessaire de chercher dans les Écritures la fin du temps de grâce, car elle n’y figure pas. Certains croyants citent un passage, sorti de son contexte:
«Que l’injuste commette encore l’injustice et que l’impur vive encore dans l’impureté, mais que le juste pratique encore la justice et que le saint se sanctifie encore» (Apocalypse 22.11, TOB).
Il s’agit du tout dernier chapitre de l’Apocalypse, une ligne décrivant l’univers après que les sauvés sont sur la nouvelle terre. A moins que vous ne soyez prêts à dire que l’Apocalypse n’est pas chronologiquement cohérente, que les textes peuvent être réarrangés pour convenir à n’importe quelle période à laquelle vous voulez les appliquer, alors vous ne pouvez pas appliquer ce texte à aujourd’hui. L’Apocalypse probablement dit que sur la nouvelle terre, il n’y aura plus de choix pour ou contre le salut.
Non, cette doctrine étrange et sans cœur est tirée des écrits d’Ellen White. Que dit-elle au sujet de la fin du temps de grâce? Le White Estate a utilement rassemblé les sources significatives dans une compilation intitulée Last Day Events (Événements des derniers jours). En voici quelques extraits:
Ellen White et la fin du temps de grâce
«Dieu ne nous a pas révélé… quand le temps de grâce prendra fin» (Messages choisis, vol. 1, p. 223,224), «mais l’image de la bête [les forces imposant la loi du dimanche] sera formée avant la fin du temps de grâce.» Tout cela se produit après que Dieu a achevé le travail de «scellement» (quel qu’il soit) et juste avant les derniers fléaux (voir La Tragédie des siècles, p. 480).
«Juste avant d’entrer [dans la période de trouble], nous reçûmes tous le sceau du Dieu vivant. Puis […] je vis la famine, la maladie et l’épée, une nation s’élever contre une nation, et le monde entier était dans la confusion» (Day-Star, 14 mars 1846, dans The S.D.A. Bible Commentary vol. 7, p. 968).
Cela semble être lié au déroulement du jugement investigatif. Ellen White écrit: «Lorsque Jésus cesse de plaider pour l’homme, le cas de tous est à jamais décidé…. Le temps de probation prend fin; l’intercession du Christ s’interrompt dans les cieux». Seuls ceux qui se sont perfectionnés seront sauvés.
«Ce temps vient soudainement sur tous, et ceux qui ont négligé de purifier leur âme en obéissant à la vérité sont trouvés endormis» (Testimonies for the Church, vol. 2, 1871, p. 191).
Pourtant, et c’est important, personne ne le saura!
«Les hommes planteront et construiront, mangeront et boiront, complètement inconscients du fait que la décision finale irrévocable a été prononcée dans le sanctuaire céleste» (La Tragédie des siècles, p. 533).
Mais Dieu a cessé d’entendre les prières!
«Les ministres de Dieu ont accompli leur dernier travail, offert leurs dernières prières, versé leurs dernières larmes amères pour une Église rebelle et un peuple impie. Ils continueront d’avoir faim et soif en vain; leur soif ne sera jamais étanchée, ils ne peuvent trouver aucune consolation. Leur cas a été définitivement tranché pour l’éternité. C’est un temps terrible, épouvantable» (Manuscrit 1, 1857).
«C’est alors que les fléaux commencent. Nous sommes abandonnés par l’ange du pardon […]: les sept dernières plaies s’abattront sur la terre […] il n’y aura plus de répit jusqu’à la fin» (Testimonies to Ministers and Gospel Workers, p. 182 (1894).
Rappelez-vous ceci: à travers tout cela, personne ne peut changer son destin. En effet, «lorsque Jésus quitte le sanctuaire… les justes doivent vivre sous le regard d’un Dieu sans intercesseur» (La Tragédie des siècles, p. 666, 1911). Mais le peuple de Dieu sera en paix, n’est-ce pas? On pourrait le croire, mais non.
«Ils commenceront à craindre eux-mêmes que le Seigneur ne les ait livrés entre les mains de leurs ennemis. Ce sera un temps de terrible agonie. Jour et nuit, ils crieront à Dieu pour obtenir leur délivrance» (La Tragédie des siècles, p. 683).
Pire encore. Ils ne sont pas sûrs de leur salut! Pour saisir toute la monstruosité de ce que dit Ellen White concernant ce que Dieu permet aux justes de traverser, je dois citer cette section in extenso:
«Tandis que Satan accusera les enfants de Dieu, il lui sera permis de les assaillir de ses plus fortes tentations. Leur confiance, leur foi et leur fermeté seront soumises à rude épreuve. Il s’efforcera de les terrifier en leur présentant leur cas comme désespéré, et la souillure de leur péché comme ineffaçable. Ils espérera ainsi les faire succomber en reniant Dieu. Eux, en récapitulant leur passé, seront conscients de leur faiblesse et de leur indignité, ils ne verront que peu de bonnes choses dans tout le cours de leur vie, et leur foi sera ébranlée» (La Tragédie des siècles, p. 618, édition anglaise).
«Bien qu’entouré d’ennemis résolus à l’écraser, le peuple de Dieu ne sera pas inquiet à cause des persécutions. Il craindra de ne pas s’être repenti de tous ses péchés et de s’être privé, en raison de quelque faute, du bénéfice de cette promesse du Sauveur: ‘Je te garderai moi-même de l’heure de l’épreuve qui va venir sur toute la terre habitée, pour mettre à l’épreuve les habitants de la terre’ (Apocalypse 3.10). S’ils pouvaient avoir l’assurance du pardon, ils ne reculeraient pas devant la torture ou la mort; mais s’ils s’en montraient indignes et perdaient la vie à cause de leurs propres défauts de caractère, le saint nom de Dieu serait réprouvé» (La Tragédie des siècles, p. 619 de l’édition anglaise).
Les implications
Comprenez bien ce qui est dit ici. Après la fin du temps de grâce, la vie continue – pour tout le monde, les justes et les perdus, souffrant comme on n’a jamais souffert depuis que l‘homo sapiens a habité le globe! Pourtant, les méchants qui souffrent n’ont aucune chance de se repentir. Pendant ce temps, les justes ont déjà obtenu le salut, mais ils ne le savent pas et vivent dans une horrible agonie.
A quoi sert toute cette souffrance? Des amis adventistes m’ont dit qu’elle faisait partie d’une démonstration qui justifie la justice de Dieu. Sérieusement? Je pensais que la croix et la résurrection faisaient cela.
Quelqu’un d’autre a lancé l’idée que des êtres d’autres mondes observent notre monde comme dans la série The Survivor, et qu’ils ont besoin de nous voir souffrir inutilement pour comprendre que Satan était injuste dans ses accusations et que Dieu avait raison. Je vous en prie. Sont-ils à ce point stupides, eux des êtres parfaits n’ayant pas connu la dégradation du péché, pour ne pas comprendre ce que nous-mêmes avons compris?
Assez. C’en est assez. Cette idée ridicule a fait suffisamment de dégâts dans la vie spirituelle des personnes sincères qui cherchent Dieu. Il est temps de dire clairement qu’il s’agit d’une déformation grotesque de l’Évangile, d’une surcharge hideuse concernant l’espérance bénie du retour du Christ, qui n’a aucune justification dans les Écritures; c’est une injure contre Dieu! Nous nous devons de la dénoncer totalement.
Pour défendre quoi?
Certains – peut-être même dans les commentaires qui viendront à la suite de la publication de cet article – défendent cet enseignement cruel avec une terrifiante ardeur. Ils se triturent l’esprit pour dire qu’il est absolument nécessaire que nous croyions à cette cruelle aberration de l’enseignement chrétien. Ils diront que c’est ce que dit la Bible (ce n’est pas le cas) et que l’ensemble de la doctrine adventiste en dépend. Ils diront que c’est en fait le cœur de l’Évangile, que, d’une manière détournée, cela prouve l’amour de Dieu pour nous.
N’oubliez pas ceci: ils ne défendent pas la fin du temps de grâce. Ils ne défendent pas non plus Dieu. Ils défendent la notion que chaque mot et chaque idée qu’Ellen White a exprimés sont directement issus de l’esprit de Dieu. Ils sont prêts à jeter le bon caractère de Dieu par la fenêtre pour pouvoir continuer à dire qu’une mystique du 19e siècle a esquissé un plan précis pour la «tribu» adventiste du septième jour.
Je reconnais Ellen White comme une femme puissante, une dirigeante de notre Église. J’apprécie beaucoup ce qu’elle a accompli. Mais je ne peux pas défendre certaines des choses qu’elle a enseignées. Ce n’est pas seulement que beaucoup d’entre elles ont été empruntées à d’autres auteurs. Ce n’est pas seulement que certaines d’entre elles sont ridicules, comme la visite d’Énoch sur une autre planète; ou non scientifiques, comme le fait que la terre n’a que 6.000 ans ou que la masturbation transforme les enfants en monstres tordus et malformés; ou raciste, comme le fait que les Noirs sont le résultat d’amalgames; ou méprisant la grâce, comme le démontrent ses incursions répétées sur le terrain du perfectionnisme.
C’est déjà assez grave. Mais ce qui m’offense le plus, c’est lorsque, comme ici, elle fait de Dieu un être aussi cruel que son ennemi et au service d’un drame étrange qui doit se jouer dans les royaumes éthérés.
Permettez-moi de le dire clairement et sans compromis: la fin du temps de grâce est un enseignement inhumain, impie et totalement inutile. Tout dieu qui ferait souffrir des êtres vivants, sans possibilité de salut, dans le but de transmettre une leçon de choses à des extraterrestres plutôt lents à comprendre, est un monstre sadique avec lequel je n’ai pas envie de passer l’éternité.
Dans l’Écriture, Jésus dit: «Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde». Je m’appuie sur Jésus, pas sur Ellen White. Je rejette son eschatologie tribale tordue et je suis fier de ne l’avoir jamais répétée pendant plus de 40 ans de ministère. L’espérance bénie du retour du Christ tient très bien la route sans tous les fantasmes de persécution qu’elle a tissés autour de lui.
Un évangile hideux
Cette grotesque doctrine n’est qu’une des nombreuses notions eschatologiques injustifiables au cœur de notre évangélisation. Nous avons peut-être cru bien faire en nous appuyant sur l’anticatholicisme et sur des menaces imaginaires de persécution, mais utiliser la peur pour amener les gens au Christ (si, c’est bien ce que nous faisions) montrait que nous ne comprenions ni l’Évangile, ni le caractère de Dieu.
Bien qu’il soit probablement illusoire d’attendre de notre président de la Conférence générale qu’il réfléchisse de manière critique sur le sujet de la fin du temps de grâce, j’aimerais au moins qu’il ne dise pas que c’est pour «bientôt». Après presque 200 ans, on ne peut plus utiliser le mot bientôt pour n’importe quelle partie de l’eschaton, à moins que l’on ne veuille simplement dire que Jésus viendra un jour.
Oui, des choses terribles se sont produites dans le monde. Certaines ont impliqué des persécutions religieuses. Pour la plupart d’entre elles, les adventistes n’ont pas eu grand-chose à dire, si ce n’est «c’est terrible, Jésus va bientôt revenir!» Du début à la fin, l’histoire du monde a été centrée sur nous. Il s’avère que nous sommes parmi les personnes les plus bénies et les plus privilégiées du monde, nous vantant constamment de nos vérités, de notre croissance confessionnelle, de notre système éducatif, de nos hôpitaux et de notre longue durée de vie dans une zone bleue, tout en étant toujours immergés dans un bain de persécutions imaginaires.
J’aime mon Église. Mais ma foi est dans le Dieu de la Bible, pas dans l’Église. Et elle n’est certainement pas dans une eschatologie qui, après près de 200 ans, s’est révélée comme définitivement défectueuse. Si, comme certains le disent, l’ensemble de l’adventisme en dépend, et bien qu’il en dépende!
Mais je ne crois pas que tout l’adventisme tienne à cela. Après toutes ces années, nous pouvons cesser de croire que des monstres attendent de surgir des buissons et de nous persécuter parce que nous allons à l’église le sabbat matin, et encore moins que Dieu nous abandonnera lorsque nous avons besoin de lui. Quand cesserons-nous de terrifier des générations d’adventistes du septième jour avec toutes ces absurdités, et leur apprendrons-nous plutôt à avoir confiance en la bonté de Dieu?
Loren Seibold est un pasteur à la retraite et le directeur de rédaction à Adventist Today. La version originale de cet article a été publiée le 28 janvier 2025 sur le site d’Adventist Today. Il a été traduit par Jean-Claude Verrecchia et est également publié sur son blog.
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