Tante Louise, mon mari, qui est pasteur, me bat régulièrement
18 mai 2023 |
Chère tante Louise,
Mon époux est un pasteur de l’église Adventiste du septième jour. Souvent, lorsqu’il est en colère contre moi, il me frappe. J’ai eu des bleus sur tout le corps. Lorsque les membres d’église me posent des questions, j’invente toutes sortes d’excuses et j’explique que j’ai trébuché ou que je suis rentrée dans l’embrasure d’une porte.
Je ne suis d’ailleurs pas sûre qu’ils me croient parce que je vis dans une partie du monde où mon mari n’est pas le seul à se comporter de cette manière. Beaucoup de mes amies, à l’église, sont battues par leurs époux. J’ai entendu ces hommes en parler entre eux et même étouffer un petit rire, comme s’ils étaient fiers d’affirmer qu’ils savaient comment maintenir l’ordre dans leurs foyers.
J’ai dit à mon mari que ce comportement n’est pas biblique. Je lui ai dit que les pasteurs (et même les membres d’église) en Amérique du nord et en Europe ne traitent pas leurs épouses de cette manière. Mais il insiste que la Bible dit qu’il domine sur moi et que, s’il me bat, c’est pour mon bien. Si je le menace d’appeler la police, il répond: «Vas-y. Tu sais qu’ils prendront mon parti. Et après, je te punirai vraiment.»
Il a raison. Je ne peux pas partir parce qu’il n’y a pas d’endroit où je pourrais aller sans qu’il ne me retrouve, et les choses seraient pires qu’avant. Je suis parfois si désespérée que j’ai envie de me donner la mort.
Je n’ai pas vraiment de question. Je veux simplement que vous et vos lecteurs sachiez que cette situation n’est pas rare dans de nombreux endroits de l’église mondiale. Lorsque des représentants de l’église sont de passage, ils partagent sermons après sermons sur la fin des temps, la dîme, les nourritures saines ou interdites et l’importance d’aller à l’église. Mais je ne les ai jamais entendus prêcher qu’il ne faut pas frapper son épouse, même si je sais qu’ils sont conscients de ce qui se passe ici.
Sincèrement, Meurtrie, battue et sur le point d’abandonner
Chère Meurtrie,
Je dois avouer qu’après avoir lu votre lettre, je suis en larmes. Et tristement, je ne sais pas comment vous aider dans la situation dans laquelle vous vous trouvez.
Tatie a parlé avec quelques amis qui se trouvent à la tête de l’église, et ils admettent, à contrecœur, qu’ils ont entendu des histoires similaires à la tienne au cours de leurs voyages de par le monde. Lorsque tatie leur demande ce qu’ils ont fait à ce sujet, ils admettent qu’ils n’ont rien fait. Ils ignorent la question en la plaçant derrière l’excuse qu’il s’agit d’une différence de culture.
Même si tatie ne peut pas vous aider directement, sachez que vous ne méritez pas ces mauvais traitements, et que tatie continuera à défendre les femmes dans votre situation. Tatie prie pour que quelqu’un dont la voix a du poids dans l’église lise votre appel et se penche sérieusement sur ce qui apparaît être un problème qu’il serait grand temps de régler.
Affligée à vos côtés,
Tante Louise
Dès le lendemain de la parution de cet article, une lectrice d’Adventist Today a écrit à Tante Louise pour lui faire part de sa déception. Voici sa lettre.
Chère tante Louise,
J’ai été déçue par votre réponse à Meurtrie et Battue. Cette lettre aurait dû être adressée à Mme Courage, parce qu’il a fallu beaucoup de courage à cette femme pour prendre la parole – surtout pour parler contre l’église qui emploie son violent mari et ferme les yeux sur son comportement!
Oh, je vous suis profondément reconnaissante d’avoir publié sa lettre et donné ainsi la parole à toutes celles qui se trouvent dans la même situation. Alors que vous aviez l’attention et le spotlight, j’ai le sentiment que la réponse de tante Louise (qui se résume en fait à «de bonnes pensées et des prières») a été une occasion manquée d’éduquer le monde adventiste sur les violences perpétrées au sein de l’église et sur les ressources disponibles aux femmes qui se trouvent dans la même situation.
Cette lectrice dit la vérité: comme elle-même, beaucoup de femmes ne possèdent pas les ressources ou les informations dont elles ont besoin, et elles ne savent pas vers où se tourner. Mais tatie aurait pu lui en fournir quelques-unes plutôt que de simplement constater ses sentiments de désespoir suicidaire. Au minimum, la page web, End It Now, publiée par notre église, aurait pu être incluse. Cela aurait dirigé l’autrice de cette lettre, et d’autres femmes dans la même situation, vers une page non-adventiste, Hot Peach Pages, qui partage des ressources dans 115 langues ainsi que le nom d’agences d’aide dans tous les pays du monde.
Non seulement, ces ressources l’auraient aidée, elle, mais cela aurait été aussi utile à quiconque viendrait en contact avec une personne dans la même situation à savoir quoi faire et vers où se tourner, plutôt que de rester des spectateurs silencieux.
La réponse de tante Louise aurait aussi pu rappeler à tous que de telles violences sont perpétrées aussi dans les familles de l’église occidentale. Cette femme courageuse réside dans une autre partie du monde, mais l’Amérique n’aiment pas particulièrement parler de la fréquence à laquelle ces agressions se produisent au sein de ses propres congrégations. Une étude conduite en 2006 dans des églises du Montana, de l’Idaho, de l’Oregon, de l’état de Washington et de l’Alaska a conclu que le nombre des violences conjugales était identique dans l’église et au dehors. 46% des personnes interrogées avaient eu à faire face à des violences et 10% avaient subi des agressions physiques graves.
Ces nombres ne sont pas bien différents de ceux rassemblés dans une étude faite en 1994 par le comité du ministère de la vie de famille de la Conférence de la Californie du sud-est. 56% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles avaient fait l’expérience de violences physiques dans leur foyer, perpétrées sur elles-mêmes ou sur leurs frères et sœurs.
Toujours en 1994, l’étude sur la famille adventiste conduite par le département de la vie de famille de la Conférence Générale donne à réfléchir. Pour citer l’article du magazine Ministry,
Des nombres importants d’abus physiques, émotionnels et sexuels ont été rapportés par environ 8000 personnes interrogées et choisies au hasard pour l’étude sur la famille adventiste… maintenant achevée dans certaines parties des sept divisions du monde. Dans la division signalant l’incidence la plus élevée, 18% des femmes interrogées ont mentionné des abus sexuels. Pas moins de 43% des femmes d’une division ont signalé des violences physiques. Au sein des divisions participantes, le nombre impressionnant de 69% représente les femmes qui ont déclaré avoir été victimes de violences psychologiques.
Voici le problème: 1994! J’avais cinq ans lorsque ces statistiques ont été générées!
Je fais partie des deux tiers de chanceuses qui n’ont pas subi d’agressions, sexuelles ou autre, au cours de leur vie. Mais je suis, et je pense à juste titre, en colère contre mon église qui réagit si lentement que des lettres comme celles de Meurtrie et Battue sont encore écrites. Je veux savoir où envoyer mes offrandes pour qu’ils puissent faire tout leur possible pour «y mettre fin maintenant» (end it now). Je veux savoir comment je peux pousser l’église à faire des progrès pour régler ce problème. Je veux savoir qui le ou la membre d’église peut contacter pour mettre en œuvre des changements à tous les niveaux où de telles études et de telles ressources sont générées.
Et je veux savoir ce que les dirigeants de l’église font, à tous les niveaux, lorsqu’ils apprennent (car je me doute que c’est le cas) que certains hommes qu’ils emploient comme pasteurs sont violents avec leurs épouses.
Sincèrement,
Laura Leeson (Hollister, Californie)
Voici la réponse de tante Louise à cette lettre.
Chères Laura et bien d’autres,
Tatie reconnait que sa réponse était inadéquate, et elle vous remercie (ainsi que les nombreuses autres personnes qui ont commenté) pour le rappel bien nécessaire qu’il existe des ressources. Tatie pense comme vous qu’il est grand temps de mettre à jour ces vieilles études et d’encourager les ministères antiviolences conjugales avec une vigueur renouvelée.
Je me demande ce que les départements du ministère de la vie de famille pensent de cette idée?
Avec reconnaissance,
Tante Louise
Les lecteurs écrivent à tante Louise (Aunt Sevvy en anglais) et lui posent leurs questions sur des sujets très divers. Tante Louise rédige sa propre rubrique, et ses opinions ne sont pas nécessairement celles des éditeurs d’Adventist Today. La version anglaise de cet article est parue le 20 février 2023 sur le site d’AdventistToday.