Serai-je perdu si j’ai tort?
par Mark Gutman | 10 août 2023 |
Il y a quelques années, un sabbat matin, j’ai fait 150 kilomètres pour aller prêcher dans une église. A mon arrivée, j’ai appris que j’avais une semaine d’avance.
J’ai vérifié sur mon agenda, et j’ai découvert que j’avais mal lu: sous une date différente, j’avais inscrit en tout petit la date correcte, et j’avais été induit en erreur. Zut! Ce jour-là, j’ai raté l’école du sabbat que j’apprécie tant, et j’ai parcouru 300 kilomètres supplémentaires pour me rendre à l’église. Tout cela parce que j’avais fait une erreur.
J’avais tort. Mais ai-je compromis mes chances d’aller au ciel?
Incorrect ou mauvais?
Mon salut éternel a-t-il quelque chose à voir avec le fait d’avoir tort?
Il semblerait que oui si j’en crois ce que je lis dans certains commentaires en ligne ou dans des livres et des articles de magazines. Si je choisis de me positionner du mauvais côté du débat sur l’ordination des femmes, ou des débats sabbat-dimanche ou évolution-création, je choisis l’enfer plutôt que le paradis.
Mais, si je me repens et commence à croire les mêmes choses que ceux qui se positionnent de l’autre côté du débat, il y a peut-être de l’espoir pour moi. Est-ce que je fais partie des méchants lorsque je crois quelque chose d’incorrect?
A l’école, j’étais embarrassé lorsque je donnais de fausses réponses ou que je ne pouvais tout simplement pas donner de réponse du tout. Mais j’ai appris de mes erreurs. J’ai appris que je devais mieux étudier. Ou que je devais lire la question plus attentivement. Ou que j’avais confondu Magellan et Drake. Ou que 9 x 9 ne faisait pas 78. Parfois, je n’ai fait une certaine erreur qu’une seule fois, mais j’en ai répété d’autres maintes fois.
Mes professeurs ont peut-être été déçus lorsque je n’ai pas bien appris ma leçon, ou ils ont pensé que j’étais paresseux ou que le sujet ne m’intéressait pas. Mais je n’ai jamais eu l’impression qu’un enseignant pensait que j’étais méchant parce que j’avais donné la mauvaise réponse dans un devoir. Mes mauvaises réponses prouvaient que j’avais encore quelque chose à apprendre. Signifiaient-elles aussi que j’étais mauvais?
Quand je fais une erreur de calcul, mon erreur n’est pas une question d’opinion. Peu importe si je veux que 2 et 2 fasse 6, cela fait 4, et tout le monde se demanderait comment j’en suis arrivé à 6. Si je pense que Las Vegas est la capitale de l’état du Nevada, il est tout simplement indiscutable que j’ai tort. Et tandis que les gens pourraient me dire de revoir ma géographie, personne ne me dira que je devrais passer plus de temps à genoux parce que je ne me souviens pas de la capitale du Nevada.
Mais si je fais une erreur en ce qui concerne quelque chose qui est difficile à prouver, comme la façon dont la mort de Jésus affecte l’humanité, ou si les femmes doivent ou non être ordonnées, certaines personnes pensent que je devrais finir en enfer. Ainsi, elles considèrent normal que je me trompe parfois en ce qui concerne des faits incontestés, mais elles ne m’accordent pas la même liberté en ce qui concerne des choses qu’une minorité de personnes dans le monde croit. Quelle que soit leur confession, les personnes pieuses conviennent que Carson City est la capitale du Nevada (bien que la plupart aient sans doute besoin de rechercher l’information); mais leurs opinions diffèrent sur la Trinité, l’eschatologie ou la consommation d’alcool. Devons-nous en conclure que la raison pour laquelle ces gens ne partagent pas notre point de vue, c’est qu’ils sont mauvais?
Même si leurs préférences diffèrent, la plupart des gens seront indulgents, voire amusés, par mes préférences concernant une équipe sportive, les arts ou les couleurs. Ils seront peut-être moins charitables en ce qui concerne nos divergences politiques, surtout s’ils assimilent le point de vue de leur parti (ou candidat) à la voix de Dieu.
Mais les différences ou les préférences religieuses se situent dans une tout autre catégorie; un contexte dans lequel je peux vous menacer de la colère de Dieu. Je peux vous dire que vos opinions sont incohérentes, erronées ou blessantes. Mais dans le monde religieux, je suppose que la meilleure façon de vous faire savoir que je n’aime pas ce que vous croyez, c’est de vous dire que Dieu va vous avoir au tournant parce que vous ne croyez pas ce que je crois.
La loi ne me permet pas de vous passer à tabac, et cela ne serait pas bien vu si j’essayais, mais je peux apparaître totalement fidèle si je vous menace de la colère de Dieu. Prenons par exemple la condamnation en 2013 prononcée par un jury de l’église méthodiste unie contre Frank Schaefer pour avoir célébré le mariage homosexuel de son fils. Le juge a dit aux jurés que c’était leur devoir de condamner Schaefer. «Vous en rendrez compte au dernier jour, a-t-il déclaré au jury, comme nous le ferons tous.»
Les gens en ont eu le souffle coupé – et ce n’est pas étonnant car il déclarait que Dieu allait les punir s’ils ne voyaient pas les choses à sa manière. Et Schaefer a été «défroqué».
Rétribution ou conséquences?
Mais cela soulève une question: qu’est-ce que la colère de Dieu? J’ai grandi avec l’idée que c’était la «justice rétributive» de Dieu, ce qui ressemblait à un terme sophistiqué pour parler de revanche. Plus tard, j’en entendu l’explication qu’il s’agissait de Dieu laissant les gens récolter les conséquences naturelles de leurs choix rebelles, ce qui me semble plus logique. Si, selon Matthieu 5.43-48 et Luc 6.32-36, Dieu traite les bons et les méchants de la même manière, cela ne lui ressemble pas de prévoir un temps où il installera ses amis dans le luxe alors qu’il torturera ses ennemis.
Nous comprenons qu’il nous faut laisser nos enfants apprendre certaines choses difficiles par eux-mêmes. Mais nous ne tuons pas nos enfants désobéissants.
Je prends de l’insuline pour le diabète, mais je n’ai rien à craindre de mon médecin si je décide d’arrêter; je crains les conséquences naturelles. Mon médecin décrit pour moi les conséquences auxquelles j’aurai à faire face si j’arrêtais de prendre de l’insuline, mais il ne m’inflige aucune punition si j’ignore ses explications.
Si je crois que Dieu «attrape au tournant» ceux qui croient ou agissent de la mauvaise façon, je me sentirai probablement justifié de traiter sans pitié ceux qui ne sont pas d’accord avec moi. Parler d’une «indignation juste» sonne mieux que d’être décrit comme «intolérant», «dogmatique» ou même «haineux». Mais cela donne toujours l’impression qu’on est en train de parler de vengeance.
Le livre, Ce que croient les adventistes… (page 373, 374) décrit la mort définitive des méchants dans un langage qui pourrait être qualifié de «conséquences naturelles». Le livre dit que les pécheurs perdus
récoltent ce qu’ils ont semé, non seulement pendant cette vie mais à travers de leur destruction finale. En présence de Dieu, la culpabilité qui les tenaille à cause des péchés qu’ils ont commis leur fera subir une indescriptible agonie. Et plus la culpabilité sera grande, plus terrible sera l’agonie.
Quand je fais une erreur de calcul, cela peut me coûter cher maintenant. Mon compte bancaire sera peut-être à découvert ou je découvrirai que je n’ai pas assez pour payer pour tous les articles qui se trouvent dans mon panier. Une erreur de nutrition peut affecter ma santé ou me rendre plus vulnérable face aux attaques quotidiennes. Une erreur de théologie peut également affecter la façon dont je perçois l’avenir ou traite les autres. La vie est remplie d’ajustements de nos croyances et de nos actions en raison des conséquences naturelles que nous subissons.
Puisque je suis encore en train d’apprendre – et que ce que je crois aujourd’hui est différent de ce que je croyais il y a des années – je vous accorderai la liberté de continuer à apprendre au rythme dicté par votre hérédité et votre contexte personnel. Si vous faites 300 kilomètres parce que vous vous êtes trompés en inscrivant quelque chose dans votre agenda, vous apprendrez quelque chose de votre erreur (il faut l’espérer).
Ne soyons pas prompts à juger
Parfois, il nous faut plus de temps pour reconnaître les conséquences négatives de nos choix. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les croyances religieuses. Ne portons donc pas de jugements envers ceux qui ne sont peut-être pas aussi informés que nous ou qui ont choisi de croire différemment. Travaillons pour empêcher les autres de s’attacher à des croyances erronées (selon nous) et préjudiciables. Mais faisons-le de façon courtoise, de la même façon que nous aimerions être traités par les autres quand ils pensent que nous avons tout aussi tort.
Il serait peut-être bien de finir avec la citation d’Ellen White qui se trouve dans Messages choisis, volume 1, page 37.
Nous avons beaucoup à apprendre, et beaucoup à désapprendre. Seuls Dieu et le ciel sont infaillibles. Ceux qui s’imaginent n’avoir jamais à abandonner une idée chère, ou n’avoir jamais l’occasion de changer d’opinion, seront déçus.
Elle ne dit pas à quel âge cela cesse d’être vrai. Apparemment, cela ne cessera jamais de l’être.
Mark Gutman a travaillé en tant que pasteur, enseignant et contrôleur de gestion pour l’église. Il est maintenant à la retraite et vit avec sa femme, Heather, à Battle Ground, dans l’état de Washington. La version de la Bible utilisée dans cette traduction est la Segond 21. La version anglaise de cet article a été publiée en décembre 2013, puis le 31 mai 2023 sur le site d’Adventist Today.
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