Pas de leaders masculins. Pas de leaders féminins. Des leaders, tout simplement.
par Thandazani Mhlanga | 17 janvier 2025 |
Nous autres, dans le monde occidental, avons été grandement influencés par la Grèce antique. Aristote avait des opinions bien arrêtées – sur la question du genre, par exemple, et celui des femmes, en particulier. Il leur attribuait un statut de deuxième classe et pensait qu’elles étaient des «mâles déformés».
Ainsi, les difficultés que nous avons sur le sujet et que nous observons clairement au sein de la société moderne civile et religieuse ne devraient pas nous surprendre. Selon le Reykjavik Index for Leadership, la plupart des gens sont encore inconfortables avec l’idée de voir une femme à la tête d’un gouvernement.
Est-ce toujours une idée controversée de vouloir reconnaître et rétribuer, de la même manière que leurs collègues masculins, les femmes travaillant dans le ministère?
Depuis toujours, on nous a dit que Dieu l’avait ordonné de cette manière. Mais est-ce bien vrai?
Limitations
Je ne prétends pas être capable de totalement comprendre ce que signifie être une femme. Il me semble d’ailleurs que la dernière chose dont les femmes ont besoin, c’est d’un autre homme qui essaie d’être le visage du féminisme. Les femmes de ce monde sont, et devraient être, les championnes de la cause. Je prends donc ici la parole en tant que supporteur des femmes qui se trouvent en première ligne dans le combat contre cette grande injustice sociale et spirituelle. Je me tiens à leurs côtés et je parle avec elles, pas à leur place.
Il ne m’est pas non plus possible d’expliquer, dans les limites de cet article, ce que je crois en ce qui concerne la genèse de nos idées religieuses et sociales sur le sujet de la féminité. Ce que j’espère offrir, c’est une vue claire, même si elle restera incomplète.
Le commencement
On pense souvent qu’Adam est le nom du premier homme. Ce n’est pas le cas. L’histoire de la création nous dit, dans sa langue d’origine, que Dieu a créé mâle et femelle comme des «adams» (Genèse 1.27). Wikipédia (en langue anglaise) explique cela plutôt bien:
La Bible utilise le mot אָדָם (‘adam) dans tous ses sens: collectif («humanité», Genèse 1.27), individuel (un «homme», Genèse 2.7), faisant référence à un genre non spécifique («homme et femme», Genèse 5.1-2) et désignant un mâle (Genèse 2.23-24).
La conséquence, c’est que, dans ces premières histoires, il y a beaucoup d’ambiguïté en ce qui concerne le genre et l’identité personnelle – une ambiguïté qui n’est pas apparente à ceux qui lisent une traduction. Eve était, selon Genèse 3.20, le surnom affectueux que l’adam mâle donnait à l’adam femelle.
Ainsi, en toutes apparences, les hommes et les femmes ont été créés égaux. Leur égalité était le reflet de leurs créateurs divins (Genèse 1.26), à laquelle Jésus fait référence lorsqu’il dit à Philippe: «Celui qui m’a vu a vu le Père» (Jean 14.9).
Nous entrevoyons cette égalité divine dans certaines civilisations anciennes; ce qui nous indique qu’il ne s’agit pas simplement d’une théologie créative, mais d’une expérience vécue. Les archives historiques suggèrent que, pour les anciens sumériens (au sud de l’Irak actuel), l’égalité entre les genres était commune dans tous les aspects de la vie. Dans le village le plus vieux du monde, Çatal Höyük (un site archéologique près de Konya en Turquie), il existait une structure sociale égalitaire entre les genres.
A la lumière du récit biblique et des archives historiques de ces sociétés anciennes, il nous faut considérer que nos idées sur la féminité sont peut-être un concept de société plutôt qu’une ordonnance divine. Dans nos communautés civiles et religieuses, bon nombre d’idées et de comportements misogynes ont reçu un laissez-passer grâce à l’excuse, «C’est comme cela que le bon Dieu l’a ordonné», alors qu’en réalité, c’est comme cela que les hommes l’ont ordonné.
Des changements
Lorsque les akkadiens ont pris le pouvoir sous la gouvernance de Sargon d’Akkad, le droit des femmes a été anéanti. Les akkadiens ont voté des lois qui empêchaient les femmes d’avoir accès aux espaces publics et à des positions de pouvoir. Elles sont devenues des citoyens invisibles de deuxième classe, soumises aux hommes de leur entourage.
Les cas de viols étaient de plus en plus souvent perçus comme un délit économique commis contre l’homme dominant dans l’entourage de la femme et non comme une offense physique contre la femme elle-même. Lorsqu’un viol était commis, c’est le père de la fille qui recevait une compensation.
De plus, puisque seuls les hommes pouvaient être propriétaires de terrains et de biens immobiliers, le désir de conserver les propriétés dans la famille plaçait inévitablement les héritiers de sexe masculin à un niveau supérieur et cimentait ainsi la patriarchie.
Avec le temps, alors que la patriarchie se légalise, les hommes deviennent les propriétaires légaux du système reproducteur féminin. La virginité des femmes avant le mariage devient la manière de le contrôler, et la tradition de voiler les femmes commence.
Dans la loi d’Hammurabi, les quelques droits que les femmes avaient leur étaient donnés par les hommes. Et ces droits étaient rapidement retirés si cela s’avérait avantageux pour ceux-ci.
A notre époque, les choses ont-elles considérablement changées?
La misogynie en héritage
Historiquement parlant, en un cours laps de temps, certaines cultures anciennes ont transformé les femmes en marchandises et les ont placées sous la domination masculine. Les dieux féminins étaient largement les dieux de la reproduction et de la nature, alors que les dieux masculins étaient les gouvernants. Une façon efficace que les hommes ont eu de faire dieu à leur image!
Ces tendances misogynes ont été adoptées et parfois réinterprétées par les générations futures qui, à leur tour, les ont transmises à leurs descendants.
Dans l’Ancien Testament, il est intéressant de remarquer comment Dieu interagit avec un monde dans lequel son propre peuple suit les exemples de ces autres cultures et abandonne son dessein originel en ce qui concerne la manière dont les femmes doivent être traitées. Ce serait là un sujet trop long à développer ici, mais il est à noter que nous avons derrière nous une longue et triste histoire de misogynie. Il n’existe que de rares exceptions – lorsque certains décident de ne pas perpétuer le traumatisme générationnel contre les femmes.
Ces exemples sont rarissimes, mais l’un d’eux est celui du Messie Jésus qui discutait souvent publiquement avec les femmes et les traitait avec respect (Jean 8.1-11). Par ailleurs, en dépit des critiques et très certainement des rumeurs à son sujet, il avait inclus des femmes dans son équipe de disciples.
Où en sommes-nous aujourd’hui?
De l’époque des akkadiens et des assyriens jusqu’à celle de la chrétienté, en passant par l’ère romaine et grecque, la misogynie a eu une longue vie d’indignité.
De nos jours et dans certaines cultures, le voile est encore utilisé pour contrôler, classer et catégoriser les femmes. Je me souviens encore de l’époque où une mariée qui n’était pas vierge n’était pas autorisée à couvrir son visage d’un voile en entrant dans l’église – en supposant que le couple ait été autorisé à se marier à l’église.
Dans les cercles religieux, on enseigne encore aux femmes à préserver leurs corps, tel un cadeau pour leurs futurs époux. Qu’est-il advenu de l’idée de se donner entièrement à Dieu?
Par ailleurs, dans ces mêmes cercles, le poids émotionnel d’être divorcées pèse lourdement sur les femmes. Pourquoi sommes-nous prompts à punir et à cataloguer les femmes qui choisissent de divorcer, plus que nous ne le faisons pour les hommes?
L’interprétation que nous faisons de la Bible continue de protéger l’institution de la patriarchie. Nous continuons d’argumenter que puisque les Ecritures déclarent que «l’évêque soit […] mari d’une seule femme» (1 Timothée 3.2, LSG), seuls les hommes peuvent servir en tant que pasteurs.
Cela prouve un manque de discernement tragique quant au monde dans lequel ces auteurs écrivaient et quant à la plénitude du plan divin idéal. Nous ne traitons pas d’autres préceptes scripturaires de la même manière. Nous ne prenons pas, par la force, la propriété d’autrui parce que Dieu nous a dit de le faire, comme il l’a dit à Josué. Nous ne mangeons pas tout ce que Dieu a créé parce que tout a été déclaré bon.
Pourquoi donc continuons-nous à imposer la patriarchie?
Je ne suis ni en train de prêcher pour la matriarchie en lieu et place de la patriarchie, ni pour la remise en place de ce que bon nombre de personnes religieuses décrivent comme une patriarchie responsable. Je suis en train de développer un argument pour le plan originel: l’égalité. Je me tiens aux côtés de Sheryl Sandberg, femme d’affaires américaine, lorsqu’elle déclare: «Dans le futur, il n’y aura plus de femmes leaders; il y aura simplement des leaders.»
Je m’engage à être «le changement que je veux voir dans le monde», le changement qui sera la preuve positive que j’ai appris à connaître le Christ (Jean 13.35).
Bibliographie
- Aristotle, Immanuel Bekker, W.E. Bolland, Andrew Lang, and Aristotle. 1877. Aristotle’s Politics: books III. Londres: Longmans, Green.
- “Mesopotamian Women (Chapitre 2)” – Women’s Writing of Ancient Mesopotamia. Cambridge Core. Cambridge University Press.
Thandazani Mhlanga est un pasteur, éducateur, conférencier et auteur. Il travaille en tant que pasteur en Colombie-Britannique. Thandazani et sa femme, Matilda, ont trois filles qui sont leur joie de vivre. Son site web est le suivant: themscproject.com La version anglaise de cet article est parue le 7 janvier 2022 sur le site d’AdventistToday.