Les femmes sous un dôme de verre
par Hannele Ottschofski | 15 juin 2023 |
Nous avions prévu d’aller jusqu’au dernier étage de la tour ronde du Centre Azrieli de Tel-Aviv pour découvrir la vue panoramique sur la ville. Nous avons trouvé l’ascenseur, mais ce jour-là, l’accès était fermé. Nous ne pouvions admirer la haute tour que d’en bas, à travers le dôme en verre du centre commercial. Comme il aurait été agréable de profiter, depuis là-haut, de la vue qui s’étendait dans toutes les directions! Mais cela n’était pas possible. Nous ne pouvions que lever les yeux avec envie. Ce jour-là, nous n’avons pas atteint notre destination.
Cela me rappelle la situation des femmes dans le monde. L’expression «plafond de verre» fait référence à la façon dont certains groupes de personnes sont entravés dans leurs carrières par les traditions, les préjugés et le statu quo. (Curieusement, cette métaphore est typiquement américaine, et pour nous, en Europe, elle n’est pas courante.) La plupart du temps, cette expression fait référence aux opportunités de carrière des femmes et des minorités et à la façon dont elles sont limitées, pour ainsi dire, par un plafond de verre qu’il faut casser.
Je souhaite cependant utiliser cette figure de style dans un sens plus large et l’appliquer à la situation des femmes en général.
Retenues par le dôme
Aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire, nous constatons que les femmes ont été, la plupart du temps, traitées comme des individus de seconde classe. Le patriarcat les a empêchées de réaliser leur potentiel et d’atteindre leurs objectifs. Donc, pour continuer la métaphore, elles ont été retenues par un dôme en verre. Il ne s’agissait pas nécessairement de leurs carrières mais de tout ce qui pouvait limiter la vie d’une femme. Un regard sur l’histoire révèle à quel point les femmes avaient peu d’opportunités. A ce stade, nous devons nous demander pourquoi, pendant des centaines et des milliers d’années, les femmes ont été considérées comme des créatures inférieures qui pouvaient être assujetties par les hommes.
Pour être guidés, les croyants se tournent vers la Bible. Si on considère qu’à la création, Dieu a créé les êtres humains à son image, telle une paire se tenant au même niveau, la discrimination à l’égard des femmes est ahurissante. Bien sûr, nous savons que ne vivons plus dans le monde idéal créé par Dieu, et que les choses ont terriblement mal tourné dès que le premier couple a décidé de tester son libre arbitre. Adam et Eve ont tous deux mangé du fruit défendu: Eve parce qu’elle aspirait à plus de connaissances, et Adam parce qu’il a sciemment choisi de désobéir à l’ordre divin. La conséquence fut que ce monde idéal a été détruit. Pendant des milliers d’années, ce sont les femmes qui ont le plus souffert de l’oppression et de la discrimination qui en ont résulté.
Le plan de Dieu était de restaurer ses enfants à leur état d’origine mais, chacune leur tour, les religions du monde ont contribué à limiter la position des femmes et à dénigrer leur valeur. Le fondement de notre religion chrétienne est le plan du salut par lequel Dieu a promis d’éradiquer les conséquences du péché et de créer un nouveau monde idéal où règnent la justice et le bonheur. Le prix qu’il a payé pour cela a été la vie de son fils, Jésus-Christ. Si le Christ était prêt à mourir pour chaque être humain, qui sommes-nous pour traiter la moitié de l’humanité comme des êtres de moindre valeur? Malheureusement, nous devons admettre que la religion chrétienne a utilisé des déclarations tirées de la Bible pour maintenir les femmes sous ledit dôme de verre.
La Parole réparatrice de Dieu
En tant que chrétiens, nous croyons que la Parole de Dieu devrait être notre guide. Devrait-elle, cependant, être vue au travers du regard des hommes? Nous devons garder à l’esprit que tous les traducteurs de la Bible, tout au long de l’histoire de l’église, étaient des hommes, et que les préjugés sexistes sont apparus très tôt dans l’histoire humaine. Les hommes qui ont traduit la Bible vivaient dans leur propre environnement culturel dont les attitudes étaient souvent chauvines. Pourtant, je ne dirais pas qu’ils étaient conscients de l’influence que leurs traditions culturelles pouvaient avoir sur leurs traductions. Ils étaient et sont des érudits honnêtes qui craignent Dieu et font de leur mieux pour communiquer fidèlement le message de la Bible aux lecteurs d’aujourd’hui. Mais il est si facile pour des traducteurs d’incorporer des idées personnelles dans leurs traductions.
Cette tendance a certainement eu un impact sur la place des femmes. Je suis certaine que nous pouvons tous convenir qu’une bonne traduction ne peut pas être faite mot à mot. Le langage doit couler de façon naturelle, ce qui n’est pas possible dans une traduction mot à mot. Un bon traducteur essaie de discerner ce que l’auteur a essayé de communiquer, puis il cherche à l’exprimer aussi précisément que possible dans la langue idiomatique du lecteur. A ce stade, les idées préconçues du traducteur font parfois obstacle. Personne ne sait avec certitude ce que Paul avait en tête. Mais les traducteurs devraient-ils «l’éclaircir» en ajoutant, à ses déclarations, leurs propres interprétations? Des traductions tendancieuses de la Bible ont été utilisées à travers les âges pour confiner et dominer les femmes.
Il n’est pas étonnant que les églises chrétiennes soient rejetées par les plus jeunes, en particulier par les jeunes femmes qui réagissent négativement à tout ce qui a un lien avec le patriarcat. La société devient plus laïque parce que l’église est associée au patriarcat. Dans le monde égalitaire d’aujourd’hui, il n’y a pas de place pour le patriarcat, ce qui conduit également au rejet de l’église. La prochaine génération s’intéressera encore moins à la religion parce que la famille est l’endroit où la foi est nourrie. Si les mères (et les pères) ne voient pas la religion comme faisant partie de leur vie, cela aura certainement un impact sur les chances que leurs enfants auront d’y être initiés. Cela devrait concerner toute confession religieuse soucieuse de son avenir.
Aujourd’hui, la situation des femmes s’est améliorée, et beaucoup a été fait. Mais, dans de nombreuses régions du monde, les femmes vivent encore dans une oppression terrible. Nous devons les aider à surmonter les obstacles qui se dressent sur leur chemin. Aussi différentes que soient les vies des femmes dans le monde, les obstacles auxquels elles sont confrontées le sont aussi. Ceux-ci doivent être surmontés. Dieu a donné aux femmes des dons à utiliser, et elles ne devraient pas être empêchées de le faire. Dans les églises chrétiennes, nous pouvons admirer de beaux vitraux. Peu importe leur beauté. S’ils empêchent les femmes d’atteindre leur potentiel, ils doivent être brisés.
Dans son nouveau livre, Die gläserne Kuppel: Frauen in Kirche und Gesellschaft zwischen Patriarchat und Feminismus, Hannele Ottschofski partage des pensées stimulantes sur le thème des femmes dans l’église et la société, entre patriarcat et féminisme. La version anglaise de cet article est parue le 28 février 2023 sur le site d’AdventistToday.