Le pouvoir des mots
par Melissa Brotton | 6 juillet 2023 |
«Une source fait-elle jaillir par la même ouverture de l’eau douce et de l’eau amère?» Jacques 3.11
Crystal ralentit, gare sa voiture devant chez elle et sourit. Sa journée a été parfaite. Tôt dans la matinée, sa conversation avec sa sœur l’a dynamisée alors qu’elles parlaient de leurs récentes créations artistiques et s’encourageaient mutuellement. Plus tard, au travail, son supérieur l’a complimentée au sujet d’un rapport qu’elle avait rendu, et le déjeuner, avec son époux, Gary, a été ponctué de mots affectueux. Le cœur plein, Crystal s’approche presqu’en dansant de la porte de sa maison et pénètre à l’intérieur. Elle est prête à savourer une soirée merveilleuse.
Crystal ralentit, gare sa voiture devant chez elle et éclate en sanglots. Sa journée a été désastreuse. Juste après le déjeuner, sans crier gare, un de ses collègues a fait, à son encontre, un commentaire désobligeant et déplacé. Plus tard, sur le parking, elle a entendu deux personnes en colère se disputer bruyamment. Etant de nature sensible, en entendant leurs paroles violentes et leurs insultes, elle a senti le stress et la peur l’envahir. Au déjeuner, Gary a mentionné qu’elle n’était pas vraiment elle-même et qu’elle manquait d’entrain. Découragée, Crystal se traîne jusqu’à la porte de sa maison et s’effondre sur le canapé en se demandant comment quelques 24 heures peuvent faire une telle différence quant à son état d’âme.
La capacité qu’ont les mots d’affecter nos vies est sous-estimée, c’est le moins qu’on puisse dire. Des paroles négatives ou positives peuvent transformer la journée de quelqu’un et, très probablement, la trajectoire de toute une vie. Grâce à des études menées par des scientifiques tels que J. Lodge et ses collègues, nous savons cela depuis un certain temps déjà. Ils ont en effet découvert que les discours intérieurs négatifs chez les préadolescents contribuent à un accroissement de leur anxiété.[1]
Considérez ce qui se passe lorsqu’un enfant ne rompt pas avec ce schéma de monologue intérieur négatif et lui permet de l’accompagner dans l’adolescence et l’âge adulte. Selon les neurosciences, même un seul mot a la capacité d’augmenter notre stress au niveau cellulaire. Andrew Newberg, M.D., et Mark Robert Waldman, auteurs de Words Can Change Your Brain, ont identifié 12 stratégies conçues pour réduire ou interrompre le cycle des pensées négatives. De nouvelles habitudes, telles que développer la paix intérieure, se remémorer de bons souvenirs, faire preuve de gratitude et s’adresser aux autres de façon amicale offrent un plan d’action utile pour interrompre le cercle vicieux des pensées négatives.
Le fait de se concentrer sur une parole positive déclenche les zones linguistiques du cortex frontal et, alors que nous continuons à nous concentrer sur ce mot, entraîne des répercussions sur d’autres parties du cerveau. Selon ces auteurs, les stratégies de communication avec lesquelles nous avons grandi sont inadéquates pour promouvoir une bonne communication et ne sont que de simples vestiges de nos années d’enfance et d’adolescence. Afin d’augmenter la compassion et l’efficacité dans nos communications, nous devons réentraîner nos cerveaux.[2]
Sur la liste de Newberg et Waldman, deux autres éléments ont attiré mon attention: «parler brièvement» et «écouter attentivement»; ces suggestions me rappellent en effet les Ecritures qui me conseillent de limiter le nombre de mes paroles (Eccl. 5.2). Etant quelqu’un qui aime participer à de bonnes conversations substantielles, le premier conseil présente pour moi de nombreux défis. En tant qu’enseignante, l’écoute est une compétence que je cultive depuis longtemps, mais il y a, bien entendu, toujours des progrès à faire.
Si on se penche sur ce que nous disent les Ecritures, le sermon de l’apôtre Jacques sur l’apprivoisement de la langue est un bon point de départ. Dans un langage vigoureux, il décrit le potentiel destructeur des mots, ainsi que notre besoin désespéré de contrôler nos langues. En comparant la langue humaine au mors dans la bouche d’un cheval, au gouvernail d’un bateau et même à un petit feu qui embrase toute une forêt, l’apôtre Jacques démontre comment les mots que nous utilisons à propos de nous-mêmes et des autres ont des effets durables et le pouvoir d’affecter l’avenir de nos vies (Jacques 3.2-12). Alors que nous comprenons pourquoi Jacques explique que nos paroles ont des effets durables sur nous-mêmes, que ce soit en bien ou en mal, il poursuit en comparant nos langues à un microcosme de méchanceté qui corrompt le corps tout entier et déploie un feu destructeur sur le cours de notre existence (Jacques 3.6). En s’inspirant du sermon de l’apôtre Jacques, le rabbin Kirt A. Schneider énumère quatre façons dont nos paroles nous affligent de façon négative:[3]
- L’abondance des mots (trop parler): lorsque nous sommes économes avec nos paroles, nous conservons contrôle et bonté dans nos vies.
- Les paroles négligentes: lorsque nous cessons de parler à tort et à travers, sans réfléchir à la manière dont nos mots affectent les autres, nos relations deviennent plus paisibles.
- Les paroles négatives et les plaintes: lorsque nous échangeons des paroles négatives pour des paroles positives, la paix et la bonté sont reflétées dans nos vies.
- Les jugements et les critiques: une fois que nous cessons de parler des défauts des autres de manière non constructive, nous libérons, dans nos vies, un potentiel pour le bien et l’espoir.
En prêtant attention à ces quatre domaines au sujet de la façon dont nous utilisons nos paroles, nous commençons à voir surgir, dans nos vies, un chemin plus lumineux. A son tour, ce changement transformera notre perspective et la fera passer de la morosité à la félicité. Pour être claire, je ne suggère pas de porter des lunettes roses et de négliger de rester ancrés dans la réalité. Je parle plutôt d’une nouvelle habitude à développer qui sera contrôlée par des principes plutôt que par des émotions. Selon l’apôtre Jacques, une telle vie est riche en connections relationnelles et spirituelles solides.
Bien qu’il soit difficile d’apprivoiser la langue, Jacques affirme que cela est, non seulement possible, mais vital. Son exhortation, toujours d’actualité, a probablement aidé de nombreuses personnes à transformer leur vie d’affliction et d’impuissance en une vie de vitalité et de force. Alors que nous mettons en pratique ces principes de communication, savoir qu’il est possible de faire ce changement courageux devrait remplir nos cœurs d’espoir. Ainsi, comme le déclare Jacques, une source d’eau douce et non d’eau amère jaillira de nos cœurs.
- Lodge, J., D.K. Harte, et G. Tripp. «Children’s Self-Talk Under Conditions of Mild Anxiety.» Journal of Anxiety Disorders. 12.2 (mars-avril, 1998), p.153-76. ↑
- Newberg, Andrew et Mark Waldman. Words Can Change Your Brain: 12 Conversation Strategies to Build Trust, Resolve Conflict, and Increase Intimacy. New York: Avery, 2012. ↑
- Schneider, Kirt A. “How Words Control You.” YouTube. Téléchargé par Discovering the Jewish Jesus. 19 fév. https://www.youtube.com/watch?v=ZSZX9-WP2qQ.
Melissa Brotton donne des cours de création littéraire et de littérature à l’Université de La Sierra. Ses spécialités sont la littérature britannique du XIXe siècle et les études religieuses. Ses écrits sur la poétesse Elizabeth Barrett Browning et sur l’écologie biblique ont été publiés. Elle passe beaucoup de temps dans la nature, ce qui l’inspire à peindre et à rédiger des histoires et des poèmes. La version de la Bible utilisée dans cette traduction est la Segond 21. La version anglaise de cet article est parue le 24 février 2023 sur le site d’AdventistToday.