La séduction de l’homme fort
par Christopher C. Thompson | 24 décembre 2023 |
«C’est une ironie populiste: l’homme fort arrive au pouvoir en faisant des promesses impossibles et destructrices aux plus démunis. Ont-ils réellement l’intention d’aider ces personnes? Bien sûr que non. En fait, ils bloqueront activement toute réforme susceptible de rendre le système plus équitable. Tout ce qui compte, c’est leur emprise de fer sur les masses ignorantes et le pouvoir qui en découle.» Ryan Holiday, Lives of the Stoics: The Art of Living from Zeno to Marcus Aurelius
Depuis quelques temps, les hommes forts m’ennuient passablement. Je ne parle pas des bodybuilders. J’en suis d’ailleurs fan, car la discipline nécessaire pour transformer son corps en une magnifique sculpture est admirable.
L’homme fort auquel je fais référence ne maîtrise pas sa propre chair mais manipule les masses pour son bénéfice personnel.
Aujourd’hui, je suis en colère parce que les masses s’enivrent du vin des promesses faites dans ces discours de promotion. Elles sont aveuglées par le chant des notes dorées de l’homme fort. Celui-ci exploite son pedigree, sa richesse, son pouvoir politique ou tout autre insigne perçue comme lui donnant droit au meilleur de ce que le pays a à offrir.
Une constante, c’est que les hommes forts semblent consolider leur pouvoir en s’entourant de personnes qui leur ressemblent et pensent comme eux. Ils veulent des acolytes et des béni-oui-oui plutôt que des penseurs critiques.
La prolifération des hommes forts
Même si je suis conscient qu’il y a toujours eu des hommes forts, le monde semble soudain en être envahi. Se comporter en homme fort semble être à la mode. Ceux-ci s’évertuent bruyamment à convaincre leurs adeptes en difficulté et effrayés que leurs stratégies les amèneront une fois de plus à triompher et que les jours glorieux de la domination pourront être restaurés.
Ils mentent ou ils délirent, ou bien les deux ensembles. Il n’existe aucune tactique fondamentaliste ou nationaliste qui puisse arrêter la vague de diversité, de tolérance, d’innovation et de révolution qui arrive – et qui est d’ailleurs déjà là.
Pourtant, l’homme fort ne cède pas. Avec une force brutale et violente, il veut forcer le groupe à se soumettre et à se conformer – même si c’est la dernière chose qu’il fait. Il cherche à démontrer sa puissance, et donc «leur» domination – même si tout s’écroule autour de lui. Il veille, par le biais de lois, de décrets, d’actions habilitantes ou toute autre manipulation du processus politique, à ce que le pouvoir soit toujours plus consolidé en lui et autour de lui.
Pas de pouvoir pour le peuple
Le pouvoir au peuple? Oh non! Jamais lorsque l’homme fort a son mot à dire. On ne peut certainement pas confier au peuple la croissance, la gestion et le maintien de sa propre communauté. Ce travail est exclusivement réservé aux hommes forts. Et c’est là le cœur de ce qui est problématique. Ces individus sont avides; ils ont été trompés et ensorcelés par l’attrait du pouvoir. Ils croient que le but du pouvoir, c’est de contrôler les autres et de se protéger soi-même. Pourtant, ce n’est pas là la vocation du pouvoir. Sa meilleure utilisation, celle qui est bénie, c’est lorsqu’il est utilisé pour faire grandir les autres. Soit les hommes forts ne le savent pas, soit ils rejettent l’idée.
C’est là le test décisif et universel du pouvoir. Si jamais vous voulez savoir à quel point la structure d’un établissement est toxique, demandez-vous (et demandez à votre entourage), dans quelle mesure il aide les autres à s’élever? Ceux qui sont au pouvoir, lorsqu’ils montent en grade, élèvent-ils les autres avec eux? Les personnes faibles et vulnérables, ont-elles une voix? Et ceux qui sont dans le besoin, sont-ils mis de côté et laissés pour compte?
Le vice-président Hubert Humphrey a un jour déclaré:
Le test moral ultime de tout gouvernement est la manière dont il traite trois groupes de citoyens. Premièrement, ceux qui se trouvent à l’aube de la vie: nos enfants. Deuxièmement, ceux qui avancent dans l’ombre: nos nécessiteux, nos malades, nos handicapés. Troisièmement, ceux qui approchent le crépuscule de la vie: nos personnes âgées.
L’homme fort qui se place du côté des plus démunis
C’est dans ce contexte que je me souviens de l’une des raisons pour lesquelles j’aime tant Noël. Noël, c’est l’essence même de l’espoir pour les plus vulnérables. Voici pourquoi: le Roi des rois est venu; non pas comme un champion intrépide ou un redoutable maraudeur. Non. Il est couché dans une mangeoire, emmailloté dans des haillons (peut-être arrachés à la tunique de son père). Pourtant, dans sa faiblesse, dès sa naissance et tout au long de sa vie, ce petit garçon a défié le pouvoir des hommes forts. Puis, dans un dernier acte de défi, il s’est abandonné entre les mains de l’homme fort et a subi une mort ignominieuse et humiliante.
Il a été maltraité, il s’est humilié et n’a pas ouvert la bouche. Pareil à un agneau qu’on mène à l’abattoir, à une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’a pas ouvert la bouche.
Mais voici un avertissement: même au sein de cet abandon total, il a fait une distinction claire – plusieurs, en fait. Il a dit à Pilate: «Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’était donné d’en haut.» Auparavant, il avait dit à un autre groupe d’hommes forts:
Le Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre. Tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père.
Mais pourquoi, ayant tout pouvoir à sa disposition, l’abandonnerait-il volontairement aux démons crapuleux et barbares de l’histoire du monde? Pourquoi lui, le Créateur, céderait-il à la création désordonnée et rebelle? C’est une réponse déroutante et profonde. Par cet acte courageux de bravoure, de vulnérabilité et d’acceptation d’une punition injuste infligée par des hommes avides de pouvoir, il a en fait donné, à tout un chacun, le pouvoir de vaincre.
Pourtant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. Et nous, nous l’avons considéré comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il était blessé à cause de nos transgressions, brisé à cause de nos fautes: la punition qui nous donne la paix est tombée sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris.
C’est un changement soudain et subversif de la dynamique de pouvoir. Jean a dit que d’autres choses se sont produites à la suite de ce grand sacrifice.
Elle [la vraie lumière] était dans le monde et le monde a été fait par elle, pourtant le monde ne l’a pas reconnue. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas accueillie. Mais à tous ceux qui l’ont acceptée, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le droit de devenir enfants de Dieu.
Voici donc la nuance qui est essentielle. Le mot pouvoir ne fait pas référence à la force en général ou à la force physique en particulier. Cela va plus loin. Il s’agit de juridiction et de droits légaux. Il s’agit du droit légal de vivre sans être confrontés à la déshumanisation, à l’assujettissement et à l’oppression. Il s’agit de liberté.
La fin ultime de l’homme fort
Voici ce qui fait chuter l’homme fort: pour une raison quelconque, alors qu’il s’élève, il ne semble jamais remarquer les plus faibles. Néanmoins, la vague déferle. La liberté se répand, telle une inondation. Pour une raison ou une autre, l’homme fort ne comprend jamais que Dieu est notre force.
Dieu est pour nous un refuge et un appui,
un secours toujours présent dans la détresse.
C’est pourquoi nous sommes sans crainte quand la terre est bouleversée,
quand les montagnes sont ébranlées au cœur des mers
et que les flots de la mer mugissent, écument,
se soulèvent jusqu’à faire trembler les montagnes.
Les bras d’un fleuve réjouissent la ville de Dieu,
le sanctuaire des demeures du Très-Haut.
Dieu est au milieu d’elle: elle n’est pas ébranlée;
Dieu la secourt dès le point du jour.
Des nations s’agitent, des royaumes sont ébranlés:
il fait entendre sa voix, et la terre tombe en défaillance.
L’Eternel, le maître de l’univers, est avec nous,
le Dieu de Jacob est une forteresse pour nous.
Venez contempler ce que l’Eternel a fait,
les actes dévastateurs qu’il a accomplis sur la terre!
C’est lui qui a fait cesser les combats jusqu’aux extrémités de la terre;
il a brisé l’arc et rompu la lance,
il a détruit par le feu les chars de guerre.
«Arrêtez, et sachez que je suis Dieu!
Je domine sur les nations, je domine sur la terre.»
L’Eternel, le maître de l’univers, est avec nous,
le Dieu de Jacob est pour nous une forteresse.
Psaume 46
Christopher C. Thompson écrit à propos de sujets concernant la culture et la communication sur thinkinwrite.com. Il est l’auteur de Choose to Dream. Lorsqu’il n’écrit pas, il fait du jogging ou regarde Designated Survivor. Il est marié à Tracy qui enseigne à l’Université d’Oakwood. La version de la Bible utilisée dans cette traduction est la Segond 21. La version anglaise de cet article est parue le 22 décembre 2023 sur le site d’AdventistToday.