Devrions-nous nous inquiéter du changement climatique?
par Raj Attiken | 12 novembre 2023 |
Un lecteur d’Adventist Today a partagé le résumé d’un sermon prêché récemment par un pasteur adventiste. Celui-ci y affirmait que le changement climatique était une punition divine en raison du péché des humains et que l’espoir des adventistes, ce n’était pas d’essayer d’empêcher cette planète de se réchauffer de deux degrés mais d’attendre et d’espérer que Jésus nous emmène loin d’ici. Ce pasteur insistait aussi que les chrétiens ne devraient pas s’inquiéter des souffrances et des dommages, présents ou futurs, que le changement climatique causait à la vie, humaine ou non. Au contraire, affirmait-il, nous devrions nous en réjouir, car le changement climatique est un signe que Jésus revient bientôt.
Après avoir écouté ce sermon, le lecteur en question se posait la question suivante: «En tant que laïc dans l’église, que dois-je retenir des arguments présentés regardant le changement climatique? Représentent-ils la vision la plus biblique concernant la manière dont les chrétiens devraient considérer le changement climatique et y réagir?»
A la lumière de la croyance dans le second avènement de Jésus, les opinions du pasteur reflètent le malaise que certains ressentent lorsqu’on parle de s’efforcer de préserver la Terre pour un avenir à long terme. Si, à son retour, notre planète doit être brûlée, à quoi bon en prendre soin?
Comment notre anticipation du second avènement devrait-elle nous influencer sur la façon dont nous traitons les questions du changement climatique, de la dégradation de l’environnement et de leurs effets sur la vie humaine et non humaine? Quelles influences façonnent les opinions et les actions des adventistes en ce qui concerne la protection de la planète?
Une question de vie ou de mort
Le changement climatique est bien plus qu’une théorie ou une hypothèse qui mérite d’être discutée ou débattue. Pour les quelque vingt millions de personnes qui seraient directement affectées chaque année par des catastrophes liées au climat, le changement climatique est souvent une question de vie ou de mort. Il est ressenti et vécu de façon intense, en particulier par ceux qui vivent dans la pauvreté – bien qu’ils soient les moins responsables de cette crise. Ils sont au moins quatre fois plus susceptibles d’être déplacés pour des raisons de conditions météorologiques extrêmes que les habitants des régions plus riches. Pour eux, la question est plus qu’académique. Ils vivent avec la réalité indéniable des sécheresses, des famines, des ouragans, des inondations, des incendies de forêt et des tremblements de terre.
Malgré tout cela, il existe aujourd’hui une portion de la population qui ne croit tout simplement pas en la réalité du changement climatique ou au fait que les actions humaines y contribuent. Les fluctuations climatiques ont toujours été une caractéristique de la planète, expliquent-ils. Ce sont les rythmes normaux des forces de la nature. Certains nient le fait que l’action humaine contribue au changement climatique. D’autres reconnaissent que le climat est en train de changer, mais parler de crise n’est qu’un discours alarmiste.
Science et politique
Le paysage politique américain actuel comprend ceux qui rejettent toutes données scientifiques en les qualifiant d’erronées, et ils sont fermement opposés à toute idée selon laquelle le changement climatique est réel ou que l’homme joue un rôle dans la dégradation de l’environnement. L’antiscience, telle qu’elle est adoptée par le système politique américain, est devenue une force sociale puissante, et elle a des origines délibérées, bien organisées et bien financées. Aux Etats-Unis, la position adoptée par certains adventistes sur cette question s’aligne davantage sur une telle politique conservatrice que sur des convictions religieuses.
Aux Etats-Unis, de nombreux adventistes alignent également leurs opinions politiques et religieuses sur celles des chrétiens évangéliques. Cela peut également être vrai dans d’autres parties du monde. Les recherches montrent que les chrétiens évangéliques américains s’identifient comme écologistes dans une proportion très faible par rapport à la population générale. Alors que 62% des adultes américains non affiliés à une religion conviennent que la Terre se réchauffe principalement en raison de l’action humaine, seuls 24% des protestants évangéliques blancs sont de cet avis. Parmi les américains les plus fervents religieusement – ceux qui prient quotidiennement, assistent à des services religieux au moins une fois par semaine et déclarent que la religion prend une grande place dans leur vie – 61% sont climato-sceptiques.
La manière dont nous réagissons aux problèmes liés au changement climatique est également influencée par notre âge. Chaque génération est définie par des attitudes et des choix de vie distincts. La Génération X (née entre 1965 et 1979) était passionnée par l’environnement dès son plus jeune âge, et elle a continué à manifester un grand intérêt pour les questions environnementales. Il en va de même pour les Millennials (membres de la Génération Y, nés entre 1980 et 1994), bien que dans une moindre mesure. Dans le sondage du Pew Research Center de 2021, 71% des Millennials ont déclaré que «le climat devrait être la priorité absolue pour assurer la survie de la planète pour les générations futures».
Et la science?
Les recherches, évaluées par des pairs et menées par de nombreux scientifiques travaillant dans de nombreuses branches différentes, ont démontré de manière convaincante que notre planète se réchauffe, que les forêts tropicales rétrécissent, que les océans s’acidifient et que les humains en souffrent. Les scientifiques observent des tendances dans le climat et dans les variations que présentent les systèmes physiques et biologiques. En observant ces données, bon nombre d’entre eux sont contraints d’en conclure que, dans le monde entier, les températures se réchauffent en raison des gaz à effet de serre qui emprisonnent davantage de chaleur dans l’atmosphère, que les sécheresses sont plus longues et plus extrêmes et que les tempêtes tropicales sont plus violentes en raison du réchauffement des eaux océaniques. Les données publiées par la communauté scientifique sont nombreuses. Avec l’abondance d’informations scientifiques désormais disponibles, ces chercheurs insistent sur le fait que le changement climatique n’est ni spéculation, ni complot, ni fiction. C’est une réalité qui exige une réponse de la part de la famille humaine.
Les déclarations de l’église
Au fil des années, le Comité administratif de la Conférence générale (ADCOM) a voté quelques déclarations officielles concernant le changement climatique et la protection de la création. Une déclaration votée en 1995 et publiée en octobre 1996 exprimait le regret que
les hommes et les femmes sont de plus en plus impliqués dans une destruction irresponsable des ressources de la Terre, entraînant, de par le monde, des souffrances, une dégradation de l’environnement et la menace du changement climatique.
En 2009, le département du Ministère de la gestion chrétienne de la vie de la Conférence générale a publié un article intitulé «Les adventistes et l’environnement» qui énumérait dix choses que les églises pouvaient faire pour plaider en faveur d’une réforme dans ce domaine. Environ une décennie après cette publication, en 2019, l’Adventist Review y a consacré un numéro entier: «Etre vert: les adventistes et l’environnement». Dans son éditorial intitulé «Un bon héritage», Bill Knott, alors rédacteur en chef, concluait que
notre souci de la Terre naît d’une gratitude pieuse envers le Seigneur qui a gracieusement pris soin de nous. Le même Dieu qui a créé et embelli la Terre demande que nous honorions qui il est par la façon dont nous traitons ce qu’il a créé.
La théologie du jetable
Comment la théologie nous informe-t-elle sur le soin à apporter à la création? Certains soutiennent que, dans Genèse 1.26, lors de la création, les humains ont reçu autorité sur le monde non humain et que cela implique une domination sur tout ce qui a été créé. Ils soutiennent donc que nous pouvons nous comporter envers la Terre et la vie non humaine comme bon nous semble. Il y a aussi la croyance concernant la souveraineté de Dieu – l’idée que Dieu a organisé ce monde, et si nous, humains, modifions d’une manière ou d’une autre quelque chose créé par Dieu, cela remet vraiment en question les desseins et l’autorité de Dieu dans l’univers.
La raison la plus importante en ce qui concerne l’indifférence ou le mépris des adventistes sur la question du changement climatique, c’est peut-être la croyance dans le retour de Jésus et des changements qui se produiront à ce moment-là. Parmi les textes bibliques qui conduisent à cette position se trouve 2 Pierre 3.10: «Le jour du Seigneur viendra comme un voleur [dans la nuit]. Ce jour-là, le ciel disparaîtra avec fracas, les éléments embrasés se désagrégeront et la terre avec les œuvres qu’elle contient sera brûlée.» Utiliser ce verset et des passages similaires pour expliquer une vision de la planète selon laquelle «tout va brûler de toutes façons» pourrait facilement dissuader quiconque d’œuvrer pour protéger et préserver la Terre ou de travailler à son épanouissement. Si la création actuelle doit être remplacée par une «nouvelle création» avec un nouveau ciel et une nouvelle terre, pourquoi s’investir dans la protection de la Terre contre le changement climatique? Cette théologie fait du monde créé un patrimoine jetable.
La Bible et le soin à apporter à la création
L’un des thèmes centraux des premiers chapitres de la Genèse, c’est que la création toute entière est bonne. Même avant que les humains ne soient introduits sur scène, Dieu voit du bien partout. Et les humains, en tant que porteurs de l’image divine, sont placés dans une relation avec Dieu, avec les uns et les autres et avec le reste de la création. Le jardin devient un espace semblable à un temple où Dieu demeure intimement proche de ses créatures, et il devient plus tard le modèle du tabernacle et du temple d’Israël. Genèse 2.15 décrit le rôle que les humains doivent jouer dans le temple-jardin: «L’Eternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour qu’il le cultive et le garde.» Notre vocation humaine, c’est de travailler et de prendre soin du lieu où Dieu nous a placés.
L’expérience du sabbat donne aux adventistes une autre raison importante de prendre soin de la création. Le sabbat est un rappel perpétuel du fait que Dieu est le véritable propriétaire et soutien de la Terre. C’est aussi une invitation à une retenue appropriée en ce qui concerne l’utilisation et l’épuisement des ressources que Dieu nous donne. Le sabbat est «à la fois un acte de résistance et une alternative», affirme Walter Brueggemann dans son livre paru en 2014, Sabbath as Resistance. Le sabbat est «une résistance visible qui déclare que nos vies ne sont pas définies par la production et la consommation de biens» (p. xiii-xiv). Le sabbat offre également des opportunités de passer du temps dans la création de Dieu, de la contempler délibérément et de s’engager activement au sein de ce monde rempli de beauté et de diversité. La célébration du sabbat par Israël devait inclure, la septième année, un temps de repos pour la terre: lorsque «la terre se reposera, il y aura un sabbat en l’honneur de l’Eternel» (Lév. 25.2) – sans semailles, ni élagages, ni récoltes.
Jésus n’a pas parlé du changement climatique. Il était cependant profondément attentif au monde naturel. Il utilisait souvent des images de la nature dans ses paraboles. Il décrivait le Père comme se souciant des moineaux et pourvoyant aux lys et aux corbeaux. En demandant à ses disciples de rassembler les restes de nourriture après avoir nourri cinq mille personnes (Jean 6.12), Jésus a donné une leçon selon laquelle les dons de la création ne doivent pas être gâchés, laissés pourrir ou gaspillés.
La Terre: remplacée ou restaurée?
Qu’est-ce qui attend cette planète lorsque Dieu fera «toutes choses nouvelles»? (Apocalypse 21.5). Ce n’est que dans notre imagination que nous pouvons concevoir à quoi ressemblera, pour la vie non humaine, la «nouvelle terre» (Apocalypse 21.1). La vision d’Esaïe qui explique que «le loup habitera avec l’agneau et la panthère se couchera avec le chevreau; le veau, le jeune lion et le bétail qu’on engraisse vivront ensemble … La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits un même enclos, et le lion mangera de la paille comme le bœuf» (Esaïe 11.6,7) s’accomplira-t-elle littéralement? Le feu de 2 Pierre 3.10 sera-t-il un feu dévorant ou un feu affinant – ou encore le feu de la présence de Dieu, tel le buisson ardent (Exode 3), représentant la puissance transformatrice de Dieu qui peut rendre l’ordinaire extraordinaire?
Qu’est-ce qui attend cette planète? Continuité ou discontinuité? Rédemption ou anéantissement? Nous ne pouvons que conjecturer ce que Paul voulait dire lorsqu’il écrivait que les souffrances et les soupirs de la création seront un jour une chose du passé (Romains 8.19-22). Il décrit explicitement l’avenir de la création: «Elle a l’espérance d’être elle aussi libérée de l’esclavage de la corruption.» Paul affirme ensuite qu’elle prendra «part à la glorieuse liberté des enfants de Dieu». Paul semble dire que le dessein de Dieu de glorifier son peuple s’étendra également à l’ensemble de sa création. La création partagera la liberté qui accompagnera cette gloire et deviendra «un nouveau ciel et une nouvelle terre où la justice habitera» (2 Pierre 3.13). Dans cette perspective, le monde créé sera «réconcilié» (Colossiens 1.20) et «libéré» (Romains 8.21).
Quel que soit l’avenir de la Terre, il demeure impératif que notre devoir, c’est de prendre soin du monde créé. Quelles que soient nos opinions sur le destin de notre planète, elles ne doivent en aucun cas nier ou diminuer l’enseignement de l’Ecriture selon lequel Dieu a confié aux humains la responsabilité de prendre soin de ce monde – aussi longtemps qu’il subsistera. Même si nous savions que la Terre serait un jour détruite mais que, d’ici là, des générations d’humains y vivraient encore, nous aurions des raisons d’en prendre soin. Un ancien proverbe amérindien met les choses en perspective: «Traitons bien la Terre. Elle ne nous a pas été donnée par nos parents, elle nous a été prêtée par nos enfants. Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.»
Dans la Bible, l’histoire de la création commence et finit par un acte divin. Nous ne pouvons pas créer l’Eden sur terre; seul Dieu peut le faire – et il le fera! Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de vocation ni de rôle à jouer dans l’acte d’accompagnement de la création vers le but que Dieu a, pour elle, à l’esprit.
Raj Attiken est professeur adjoint à Kettering College. Il a travaillé dans l’église pendant quarante-deux ans – les seize dernières années en tant que président de la Conférence de l’Ohio. Raj a commencé son ministère pastoral au Sri Lanka, son pays de naissance. Lui et sa femme, Chandra, ont deux enfants et deux petits-enfants. La version de la Bible utilisée dans cette traduction est la Segond 21. La version anglaise de cet article est parue le 10 octobre 2023 sur le site d’AdventistToday.
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