Dans notre soutien envers les personnes LGBTQ+, les mots que nous choisissons ont de l’importance
par Bryan Ness | 19 octobre 2023 |
Le 23 juillet, à l’occasion de la classe d’école du sabbat virtuelle d’Adventist Today, j’ai fait une présentation sur le sujet complexe des personnes LGBTQ+. J’y ai expliqué que les gens supposent souvent que le sexe et le genre sont binaires, que la conséquence normale de la reproduction et du développement est clairement mâle ou femelle, et qu’il est normal que les individus soient attirés par le sexe opposé. Cependant, Dieu a créé les êtres humains, ainsi que tous les autres organismes vivants, avec des systèmes génétiques conçus pour changer et apporter de la diversité grâce à des modifications génétiques appelés, par les généticiens, des «mutations».
Certains adventistes considèrent le processus de mutation dans l’ADN comme le résultat de l’entrée du péché dans le monde. Il est vrai que, sans ces mutations, il n’y aurait pas de traits génétiques néfastes tels que l’hémophilie et la phénylcétonurie. Mais il n’y aurait pas non plus de variations entre les traits génétiques déterminant la couleur des cheveux, la couleur des yeux, le tempérament psychologique, la forme du corps, etc. Les mutations sont indispensables pour créer la diversité fantastique que nous observons dans tout ce qui vit.
J’ai aussi expliqué que la recherche moderne en génétique supporte de plus en plus l’assertion que l’organe sexuel, le genre et l’attraction sexuelle sont grandement influencés par les gènes. En se basant sur la complexité des processus génétiques de développement qui prennent place entre la formation du zygote et la naissance, il serait surprenant que personne ne naisse trans; c’est-à-dire, des individus qui présentent toutes les caractéristiques physiques d’un sexe mais qui, mentalement et psychologiquement, se perçoivent comme appartenant au sexe opposé. Il serait tout aussi surprenant s’il n’y avait aucun individu qui naisse intrinsèquement attiré par des individus de leur propre sexe. Ces deux fins sont considérées normales et comme faisant partie de l’éventail des expressions de genre et des manifestations sexuelles. Les personnes LGBTQ+ sont certainement plus rares, mais elles ne sont pas anormales ou contre nature.
En dépit de l’interprétation traditionnelle de quelques textes bibliques qui interdiraient la non-conformité en matière de genre ainsi que les relations sexuelles entre deux personnes de même sexe, la Bible ne donne pratiquement aucune indication quant à la manière dont les individus LGBTQ+ devraient être traités par les croyants.
Vu que le fait d’être une personne LGBTQ+ est essentiellement inné, il me semble injuste d’exiger d’elle de rester célibataire si elle souhaite être membre d’église. Elle devrait avoir le droit d’épouser qui elle souhaite. En reconnaissant que tout l’éventail des variations de genre et des diversités sexuelles chez les humains est quelque chose de naturel, nous affirmons l’humanité de tous les individus, et nous reconnaissons que chacun de nous est aimé de Dieu, tel qu’il est.
Le mot «homosexuel»
En réponse à certains commentaires que j’ai reçu après coup, je pense qu’il serait utile de dire quelques mots en ce qui concerne les termes que nous utilisons dans l’église lorsque nous abordons les questions LGBTQ+. En effet, même si deux mots sont synonymes, ce qu’ils évoquent peut être compris de façons différentes. En effet, certains mots sont accompagnés de connotations négatives.
L’un de ces mots est «homosexualité».
Le terme «homosexualité» ainsi que ses dérivés sont utiles dans un contexte clinique ou médical, mais lorsqu’ils sont utilisés dans des discussions de tous les jours, ils peuvent être blessants ou dégradants pour les personnes gays. La raison pour laquelle ils sont ainsi considérés, c’est que le mot «homosexuel» décrit essentiellement l’acte sexuel et non la personne.
Les actes homosexuels décrivent des comportements entre deux sexes identiques, que la personne soit gay ou pas. Un être humain ne se résume pas à un acte sexuel ou même à une orientation sexuelle. Beaucoup de personnes gays trouvent le mot «gay» ou «queer» plus respectueux, et en ce qui concerne l’orientation sexuelle, elles préfèrent souvent l’expression «attirance pour le même sexe» car elle décrit le sens plus large de l’attirance selon la perspective romantique de tomber amoureux.
Le terme «homosexuel» est aussi, depuis longtemps, le mot qui est le plus souvent utilisé par les personnes religieuses lorsqu’elles font référence au péché des personnes gays, ce qui, bien évidemment, ajoute au mot une connotation négative supplémentaire. Des dérivés de ce mot ont aussi été utilisés dans des traductions modernes de 1 Corinthiens 6.9 et 1 Timothée 1.10 pour décrire des relations sexuelles entre deux hommes, même si les mots grecs d’origine ont un sens incertain et même si, selon de nombreux spécialistes de notre époque, ces versets font référence à des actes exprimant un désir de dominance ou d’exploitation sur autrui ou bien, de façon plus générale, à la promiscuité sexuelle.
Pour ces raisons, parmi d’autres, il serait probablement sage d’éviter d’utiliser le terme «homosexualité» lorsque nous tenons des discussions au sujet de la communauté LGBTQ+.
Le célibat et l’abstinence
Un autre mot qui peut sembler relativement innocent est le mot «célibat». Un célibat à vie, c’est ce que l’église, en tous cas en Amérique du Nord, requiert des personnes LGBTQ+ si elles veulent être membres d’église et y tenir des responsabilités.
Appliquée de cette manière, l’expression «célibat à vie» affecte les individus LGBTQ+ parce qu’elle suggère quelque chose de final. Rester célibataire signifie ne jamais avoir l’opportunité de créer un lien solide, intime et à vie avec la personne avec laquelle ils pourraient tomber amoureux.
Un mot qui pourrait être perçu de façon moins absolue est le terme d’abstinence. «Abstinence» est le mot que nous employons souvent lorsque nous expliquons aux jeunes gens qu’ils doivent rester abstinents jusqu’au mariage. L’abstinence suggère quelque chose de temporaire, alors que le célibat parle de permanence.
Alors qu’il est vrai qu’à l’heure actuelle l’église exige un célibat à vie des gays, en parler comme d’une abstinence à vie donne à cette demande un aspect plus doux et suggère même peut-être la possibilité d’une relation affective intime, même sans relations sexuelles.
Pour nous autres qui sommes des alliés, il serait sage de commencer à utiliser le terme «abstinent» plutôt que célibataire, dans l’espoir que cela fasse peut-être évoluer doucement la conversation. Suggérer cet ajustement de notre langage me remémore un autre aspect de la conversation qui est souvent négligé.
L’amour et le sexe
Quand deux personnes tombent amoureuses, il ne s’agit pas premièrement d’attraction sexuelle, en dépit de la force que peut avoir l’élément sexuel dans la relation. Tomber amoureux, lorsque c’est de façon sincère, c’est un désir profond d’intimité physique, psychologique et spirituelle avec l’autre personne. Quand on étudie des couples mariés, l’élément sexuel a peu à voir avec les mariages réussis. Les aspects psychosociaux et spirituels de la relation jouent un rôle bien plus important.
J’ai échangé des conversations avec des couples gays mariés, et ils m’ont dit qu’ils souhaiteraient que les autres cessent de percevoir leur relation comme si elle n’était que sexuelle. Ils m’ont dit qu’ils détestent particulièrement l’expression «le style de vie gay». Cela n’existe pas. Le style de vie des couples gays mariés est le même que celui des couples hétérosexuels, et ils souhaiteraient que tout le monde s’en rende compte.
Il nous faut cesser de considérer les personnes LGBTQ+ seulement comme des êtres sexuels; ils sont bien plus que cela. Lorsque nous réfléchissons à la beauté du mariage, nous commençons à nous rendre compte du sacrifice terrible que l’église requiert de cette communauté. On leur demande non seulement de s’abstenir à vie de relations sexuelles avec le même sexe, on leur demande aussi de renoncer à développer, avec un autre être humain, un lien psycho spirituel intime.
En tant qu’êtres humains, l’un de nos besoins le plus intense, c’est la création des liens; et la relation dans le mariage répond à ce besoin à son niveau le plus profond. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la relation dans le mariage soit souvent utilisée pour symboliser la relation intime entre Dieu et le Christ d’une part, et l’église et le croyant d’autre part. Comment pouvons-nous, en toute conscience, demander à une personne gay de renoncer à un cadeau si profondément important? Il n’est pas étonnant que le taux de suicides au sein de la communauté LGBTQ+ chrétienne soit plus élevé qu’ailleurs lorsque tout ce à quoi ses membres peuvent aspirer dans cette vie, c’est une longue période de solitude au sein d’une église qui ne les considère acceptables que s’ils restent célibataires et abstinents sexuellement.
Double standard
Mon rêve, c’est que l’église traite les individus LGBTQ+ comme tous ceux qui ne font pas partie de cette communauté. On demande aux hétérosexuels de rester abstinents jusqu’au jour du mariage, et le contrôle de cette abstinence est, en grande partie, laissé entre les mains des individus eux-mêmes. A l’heure actuelle, même les démonstrations publiques d’affection entre individus LGBTQ+ sont sanctionnées par l’église, car tout ce qui pourrait suggérer intimité est perçu comme une expression de leur péché. Si l’église pouvait reconnaître les mariages entre individus de même sexe et ne pas se concentrer sur ce qui se passe dans la chambre à coucher, et si elle pouvait valider le côté sacré de tous les mariages, quel que soit le sexe/genre des participants, nous serions vraiment l’église aimante et compatissante que Jésus avait à l’esprit.
La Bible et les individus LGBTQ+
Finalement, lorsque j’ai écrit, un peu plus haut dans cet article, que la Bible ne donne pratiquement aucune indication quant à la manière dont les individus LGBTQ+ devraient être traités par les croyants, je ne veux pas dire que la Bible n’a rien à dire à cette communauté ou à propos d’elle. Je veux dire qu’il n’y a rien qui soit aussi spécifique que ce que l’église affirme encore et encore. L’église part du principe que la Bible est totalement claire en ce qui concerne la manière dont les chrétiens devraient entrer en relation avec les individus LGBTQ+.
Elle affirme que la Bible identifie de tels individus comme des pécheurs qui vivent dans le péché et qui doivent se repentir et permettre à Dieu de les changer. Dans ce cas aussi, les mots ont de l’importance – et il s’agit ici de mots anciens, écrits dans une langue différente et baignés dans une culture antique.
Si nous souhaitons connaître ce que la Bible dit au sujet des individus LGBTQ+, il nous faut comprendre correctement les mots du texte, dans leur contexte scripturaire et culturel correct. Il est erroné de supposer qu’à chaque fois qu’un acte sexuel entre deux personnes de même sexe est mentionné dans les pages de la Bible, on est en train de décrire une personne gay telle que nous comprenons de tels individus aujourd’hui. A cette époque, personne ne reconnaissait que certains individus avaient une attraction innée pour les membres de leur propre sexe. Alors que les gays existaient sans doute à cette époque, ils n’étaient pas reconnus en tant que tels. Tout le monde était considéré hétérosexuel, et les actes sexuels entre partenaires de même sexe étaient simplement perçus comme anormaux – tolérés dans certains contextes, condamnés dans d’autres. Traditionnellement, ce malentendu nous a poussés à exiger des gays qu’ils deviennent hétérosexuels par le biais de thérapies de réorientation sexuelle, et des trans qu’ils gardent le genre établi à leur naissance puisque le fait d’entreprendre une transition serait une violation du genre que Dieu leur a attribué.
Les grands principes moraux
Si on considère les grands principes dans leur ensemble, je pense que la Bible a beaucoup à dire sur la manière dont l’église devrait traiter les individus LGBTQ+ mais, malheureusement, celle-ci semble incapable d’appliquer ces principes lorsqu’elle maintient que les «styles de vie» LGBTQ+ sont immoraux. Ne serait-il pas bien mieux si l’église prenait exemple sur l’approche de Jésus et aimait de tels individus où ils en sont et tels qu’ils sont? Même s’ils ne sont pas directement identifiés dans le texte suivant, je pense qu’une bonne exégèse de Matthieu 19.11-12 nous éclaire:
«Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. En effet, il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère, d’autres le sont devenus par les hommes, et il y en a qui se sont faits eux-mêmes eunuques à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne.» Matthieu 19.11-12 (SG21)
Les eunuques sont les équivalents antiques les plus proches des individus LGBTQ+. Ceux qui sont nés eunuques sont probablement les individus que nous décrivons aujourd’hui comme intersexués, trans ou queer et peut-être même aussi gays. Ils étaient les parias sexuels de leur époque, et Jésus parle d’eux avec compassion. Si nous ajoutons à cela la référence que fait Jésus à Osée 6.6 (Il le cite deux fois dans Matthieu), «Je prends plaisir à la bonté et non aux sacrifices» (SG21), ainsi que le baptême de l’eunuque éthiopien par Philippe, je crois que nous avons assez d’évidences qui nous révèlent que Dieu désire que l’église soutienne pleinement les individus LGBTQ+ et les accepte en son sein, tels qu’ils sont. Comme je l’ai déclaré ailleurs, je pense que la Bible, comprise correctement, soutient toute la communauté LGBTQ+.
Si vous faites partie de cette communauté, je voudrais vous assurer que vous pouvez trouver du réconfort dans la certitude que Dieu vous aime et qu’une théologie pro-LGBTQ+ signifie que vous pouvez continuer à aimer la Bible, à être fidèles à ses enseignements, à exprimer votre genre profond et à épouser la personne que vous aimez, même si elle est du même sexe/genre que le vôtre.
Car, réellement, «il n’y a plus ni Juif ni non-Juif, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ» Galates 3.28 (SG21).
Bryan Ness est professeur de biologie à Pacific Union College. La version originale de cet article a été publiée le 15 septembre 2022 sur le site d’Adventist Today. Au début de cet article, Bryan Ness fait référence à une classe d’école du sabbat virtuelle. Si vous êtes intéressés, vous pouvez la visionner en utilisant l’adresse suivante. La présentation est en anglais. https://www.youtube.com/watch?v=SAl1csSQ5r0