Une Bible compatissante et accessible qui nous parle d’un Dieu compatissant et accessible
par Loren Seibold | 5 décembre 2022 | Cet essai a été initialement publié dans le magazine Adventist Today de l’automne 2021.
Je suis un exégète avec une orientation vers l’homilétique, c’est-à-dire qu’au cours des années, j’ai interprété des textes pour prêcher Jésus à mes différentes congrégations. Je n’ai écrit que peu d’articles – du genre de ceux qui incluent des mots grecs et hébreux – sur l’exégèse biblique.
Ce n’est pas parce que je ne sais pas le faire; c’est parce que je ne veux pas. En effet, j’ai sérieusement réfléchi aux limites du texte biblique. Je suis conscient de certaines choses qui m’ont toujours empêché de m’immerger dans des micro-analyses du type de celles qui prennent chaque mot du texte trop au sérieux.
Par exemple, je sais que des humains (à notre connaissance, tous des hommes) – et non Dieu – ont écrit la Bible, et je sais que les auteurs mentionnés ou traditionnellement reconnus ne sont pas forcément les vrais auteurs. De plus, les textes ont été recopiés des centaines de fois, à la main – des copies faites à partir de copies; et bien que les copistes étaient pour la plupart des gens consciencieux, au fil du temps, des erreurs se sont glissées dans le texte.
Je sais que, pour créer le canon, des rabbins juifs et des ecclésiastiques de l’église catholique romaine ont choisi entre des centaines de biblios (manuscrits) en circulation, à une époque où les outils pour une authentification religieuse sérieuse n’existaient pas. Certains de ces choix étaient appuyés par des factions politiques, pour des raisons politiques, et ils ont été rendus officiels par des conciles dont nous rejetons maintenant l’autorité sur d’autres décisions.
Je sais que ce qui était écrit dans le contexte d’une culture particulière ne signifie peut-être pas la même chose – parfois même, quelque chose de complètement différent – pour ceux qui le lisent dans un tout autre contexte. Les langues mortes et le passage de 2.000 à 3.000 ans rendent certainement l’interprétation difficile. Les grands principes sont sans doute similaires, mais la plupart d’entre nous ne sont pas conscients des différences regardant la manière dont ils étaient appliqués (par exemple, quelle était la signification du mot «adultère» dans un monde où les femmes étaient des propriétés et non des compagnes romantiques).
Je sais qu’en traduisant, on interprète aussi. Lorsque nous avons compris un texte dans la version à laquelle nous avons été exposés en premier, il nous est difficile d’accepter sa signification originale, même lorsque le texte est lu dans sa langue d’origine. La Bible est un livre assez gros et assez vague, dans bien des domaines, pour susciter bon nombre d’interprétations conflictuelles.
Par ailleurs, je sais que beaucoup de nos idées bibliques bien-aimées ne peuvent être prouvées qu’hors contexte, en utilisant une méthode qui vise à sélectionner ici et là plusieurs versets, dans le but de supporter une doctrine particulière.
Interprétation personnelle
Cela ne signifie pas que le message cœur de la Bible ne transparaît pas. Mais cela explique pourquoi mon attention diminue considérablement lorsque certains se perdent dans des détails d’interprétation microscopiques. Si celui qui interprète est en train de se faire une opinion sur un point particulier en se basant sur le fait s’il y a, oui ou non, une dasia au-dessus de la voyelle d’un mot grec, ou s’il essaie de choisir entre la version d’un manuscrit qui date de la première ou de la dernière partie du 8ème siècle, ou encore, s’il est en train de décider de la signification obscure d’hapax legomenon (un mot qui n’apparaît qu’une seule fois et dont le contexte est insuffisant pour que nous puissions être certains de sa définition), je peux sans doute deviner deux choses.
Premièrement, celui ou celle qui interprète cherche à lire dans le texte probablement plus de choses que celui-ci est capable de lui dire. Et deuxièmement, si cette personne est un membre du clergé, elle en fera une lecture orthodoxe, quel que soit le message du texte.
En effet, en faisant référence à ce deuxième point, une «interprétation personnelle» (2 Pierre 1.20, S21) – ou plutôt, une interprétation préférée – semble être impossible à éviter. La personne qui déclare: «Le Seigneur m’a montré ce que ce texte signifie; je ne considèrerai donc aucune autre interprétation» est aussi alarmante que celle qui dirait: «Mon église m’a dit ce que ce texte signifie; je ne considèrerai donc aucune autre interprétation».
Ainsi, un autre obstacle dans le processus d’interprétation, c’est que celle-ci est inévitablement influencée par les croyances préexistantes du membre d’église.
Tout ça pour dire que j’ai le sentiment que l’interprétation à laquelle nous arriverons sera autant un reflet de la personne que nous sommes qu’une explication de ce que Dieu est en train d’essayer de communiquer – une sorte de test de Rorschach spirituel. Et les milliards d’interprétations bibliques partagées tout au long de notre histoire le confirment bien.
En parfaite harmonie?
Certains d’entre vous sont maintenant en train de grincer des dents et de penser: «Oui, mais toute Ecriture est inspirée. Elle doit toute s’harmoniser, comme une équation mathématique, n’est-ce pas?»
C’est impossible. Elle ne le peut pas. Elle a été écrite par des êtres humains – bons pour la plupart, mais faillibles malgré tout – qui étaient le produit de leurs propres cultures et qui adressaient des circonstances qui leur étaient propres.
Les adventistes ne disent pas que la Bible est infaillible, mais nous préférons ne pas trouver, dans ses pages, des déclarations qui détonnent. C’est pourquoi les étudiants de la Bible adventistes sont mal à l’aise lorsque vous leur faites remarquer les difficultés géologiques et paléontologiques du récit de la création en six jours ou l’absence d’une quelconque prohibition biblique de la polygamie ou le clash entre le sixième commandement et la violence du peuple d’Israël obéissant aux ordres divins.
Notre réponse, c’est d’expliquer simplement que tout ce qui se situait avant la croix était soumis à une alliance différente. Mais cette position n’est pas confortable pour les adventistes. Des arguments essentiels concernant le sabbat (Exode 20; Esaïe 58.13), l’état des morts (Ecclésiaste 9.5), le sanctuaire (Daniel 7-9) et les animaux purs et impurs (Lévitique 11) reposent sur notre interprétation, non seulement sérieuse de l’Ancien Testament, mais aussi littérale. Il n’est donc pas surprenant que nous soyons facilement tentés de croire que tout, dans l’Ancien Testament, a une claire raison d’être – comme par exemple le fait que nous nous abstenons de bacon parce que c’est moins bon pour la santé qu’un bifteck occasionnel.
Il y a quelques mois, une discussion sur Facebook au sujet des règles détaillées concernant les menstruations a attiré mon attention. Le raisonnement semblait être le suivant: si Dieu a donné ces préceptes, ils ont une valeur pratique, au-delà de leur contexte temporel et spatial. Entre autres, la théorie que les femmes juives orthodoxes ont moins de cancers du col de l’utérus parce qu’elles ne font pas l’amour pendant leurs menstruations a été partagée – bien que les preuves à l’appui soient minimes.
Mais il y a là plus que de s’abstenir de relations sexuelles: au verset 19, le mot hébreu niddah, attaché au suffixe possessif féminin et précédé du verbe «être», a souvent été traduit par l’idée que la femme était séparée du reste de sa famille – en quarantaine, hors du camp.
Je n’ai pu contenir un petit rire en lisant l’application qu’une personne en a fait: «Dieu est si bon: tous les mois, il accordait aux femmes une semaine de répit – du temps, juste pour elles!» Hum. Alors que le peuple avançait lentement et péniblement dans le désert, rassemblait tant bien que mal ses troupeaux de chèvres et vivait sous des tentes… toutes les femmes profitaient d’une semaine de vacances mensuelles pendant que leurs maris prenaient soin des enfants et faisaient la cuisine?
Voilà un exemple de conclusions absurdes auxquelles nous pouvons arriver lorsque nous insistons sur le fait que toute la Bible doit s’harmoniser. (Dans la discussion Facebook, c’était surtout des hommes qui soutenaient cet argument. J’ai été tenté de demander: «Est-ce que vous offrez tous les mois à vos femmes une semaine de répit pendant laquelle elles n’ont pas à cuisiner et à s’occuper des enfants? Est-ce que vous les envoyez passer du temps dans un spa à la montagne?» Je parie que non.)
Il est impossible de faire s’harmoniser certains textes de la Bible hébraïque avec les enseignements et les actions de Jésus. Jésus lui-même a dit: «Vous avez entendu qu’il a été dit … mais moi, je vous dis…». Cette déclaration seule remet en question la notion que chaque mot de l’Ancien Testament peut et doit être considéré comme le reflet parfait de la volonté éternelle de Dieu.
Les écrivains bibliques étaient des pécheurs qui recherchaient aussi leurs propres intérêts, et beaucoup d’entre eux l’admettent (cf. par exemple 1 Timothée 1.15). Ils avaient une idée générale de ce à quoi ressemblait une vie de dévotion à Dieu – une idée assez conséquente pour pouvoir nous instruire – mais leurs voix n’étaient pas celle de Dieu. Donc, si dans l’Ancien Testament nous observons quelqu’un déclarer: «Dieu m’a dit d’aller massacrer toutes ces personnes», nous devrions instinctivement savoir que ce sont des balivernes.
La raison pour laquelle les règles ne sont pas suffisantes
«Mais que se passera-t-il si nous ne prenons pas chaque mot de la Bible littéralement?» Personne ne le fait. Personne ne le peut. Beaucoup ont essayé. Ceux qui se perdent dans cette quête deviennent névrotiques. «Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu» est autant une affirmation psychologique que spirituelle: nous ne pouvons tout simplement pas nous conformer à une liste de préceptes écrits. C’est pourquoi, «le don de Dieu … est la vie éternelle» (Romains 6.23, NBS, italiques miennes).
«Mais que se passera-t-il si nous ne vivons pas selon des lois strictement établies? Tout le monde fera ce qu’il veut, et ce sera le chaos complet!»
Il y a un mythe qui suggère que tous les principes moraux viennent de la Bible et que ce que les cultures du monde ont de bon, elles l’ont reçu de la Bible. Nous avons là été induits en erreur. Les principes de moralité dépassent largement les déclarations scripturaires, ou bien tous les athées se seraient entretués depuis longtemps.
Dieu a donné à tous un sens inné de ce qui est bien. Il se trouve là, au beau milieu de nos interactions humaines, et c’est pourquoi Jésus pouvait dire: «Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux», et les gens pouvaient suivre ce conseil, de façon intuitive. A l’université, lorsque j’ai lu pour la première fois l’essai de C.S. Lewis, The Abolition of Man, j’ai surtout été fasciné par l’appendice dans lequel l’auteur expliquait qu’il avait trouvé, dans virtuellement tous les systèmes culturels et religieux du monde, les principes moraux de base selon lesquels les gens devaient se traiter les uns les autres; et beaucoup d’entre eux prédataient les Ecritures.
Quand Jésus a dit: «Faites pour les autres tout ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous» (Matthieu 7.12, PDV), il était en train de proposer une sorte de théologie naturelle: nous avons, en nous, la capacité (appelez-le le Saint-Esprit si vous préférez) de connaître la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal. Nous ne l’utilisons pas toujours. Nous sommes souvent égoïstes. Mais, lorsque nous prenons le temps de nous observer nous-mêmes au travers du regard des autres, nous avons une idée de ce que signifie être bons. Nous devinons que ce qui nous ferait du mal blesserait sans doute l’autre; ce qui nous rendrait heureux rendrait sans doute aussi l’autre heureux. Le seul moyen d’ignorer cela (et nous le faisons souvent), c’est de devenir insensibles aux besoins des autres.
Non, ce n’est pas facile. Et cela ne fonctionne pas toujours. Mais c’est un bon début. «Faites pour les autres…» ébranle au moins la notion que nous sommes en train de traverser la vie en cherchant constamment à suivre toutes sortes de règles plutôt qu’en permettant à Dieu de placer «[sa] loi au dedans [de nous]» et de l’écrire «sur [notre] cœur» (Jérémie 31.33, NBS).
Le principe dominant
Dans Luc 4, quand Jésus inaugure son ministère, quel texte choisit-il?
Il aurait pu choisir Nahum 1.2 (S21): «L’Eternel est un Dieu jaloux, il se venge. L’Eternel se venge, il est plein de fureur.» Ce qui aurait fait plaisir à tout ceux qui sont fans du jugement et de la critique.
Ou, pourquoi pas?: «Les vivants savent qu’ils mourront, mais les morts ne savent rien du tout» (Ecclésiaste 9.5, PDV). Cela nous aurait évité beaucoup de délibérations!
Ou peut-être: «Souviens-toi du sabbat, pour en faire un jour sacré» (Exode 20.8, NBS) et même citer l’ensemble des dix commandements.
Ou encore, pourquoi ne pas déclarer à ce moment-là les paroles de Jean 3.16 plutôt que de les transmettre, plus tard, dans une conversation privée?
En cette occasion, Jésus aurait pu affirmer clairement toute la doctrine adventiste! Mais au lieu de faire cela, qu’a-t-il dit? Il a cité la version de la Septante du texte d’Esaïe 61.1-2: «L’Esprit du Seigneur est sur moi. Oui, il m’a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé pour annoncer aux prisonniers: Vous êtes libres! Et aux aveugles: Vous verrez clair de nouveau! Il m’a envoyé pour libérer ceux qui ne peuvent pas se défendre, pour annoncer: C’est l’année où vous verrez la bonté du Seigneur» (Luc 4.18-19, PDV)!
C’est cela – et non les règles au sujet de l’adoration, de la nourriture ou de l’habillement, aussi bonnes soient-elles – que Jésus voulait que nous sachions au sujet de son Père.
Donc, compte tenu de ce que nous connaissons au sujet des origines de la Bible et des interactions entre Dieu et les êtres humains, considérons quelques nouvelles recommandations herméneutiques.
Principe 1: La Bible doit nous parler d’un Dieu dont le caractère déborde de bonté et de compassion.
Ceux qui lisent la Bible littéralement ont réquisitionné l’expression «haute opinion des Ecritures». Ils affirment qu’ils donnent ainsi à la Bible l’autorité ultime pour leur parler de Dieu. (Cela diffère de la «haute critique» qui signifie essayer de comprendre d’où vient la Bible et comment elle en est arrivée à être ce qu’elle est aujourd’hui. Ceux qui utilisent les outils de la haute critique pour expliquer l’origine et les limites du texte sont critiqués pour avoir une basse opinion des Ecritures alors qu’ils cherchent à en avoir une opinion réaliste.)
L’ironie, c’est qu’une haute opinion des Ecritures engendre une basse opinion de Dieu. Ceux qui approchent la Bible littéralement doivent essayer de défendre tout ce qu’elle contient, même si c’est moralement répugnant.
Certaines parties de la Bible diffament Dieu. Moralement, on ne peut pas défendre l’histoire qui se trouve dans Nombres 25 et 31 où Dieu dit à Moïse de se venger des Madianites (Nombres 31.2). Moïse s’adresse aux leaders de l’armée: «Maintenant, tuez tout mâle et tuez toute femme qui a couché avec un homme en ayant des relations avec lui; mais toutes les filles qui n’ont jamais couché avec un mâle, gardez-les en vie pour vous» (versets 17-18, NBS).
Il en va de même pour Samuel qui dit à Saul: «Voici ce que le Seigneur de l’univers te dit: ‘Quand le peuple d’Israël est sorti d’Egypte, les Amalécites lui ont coupé la route, et je ne l’ai pas oublié. Eh bien, maintenant, va les attaquer. A cause de moi, détruis complètement tout ce qui leur appartient. Sois sans pitié pour eux! Fais mourir tout le monde: les hommes et les femmes, les enfants et les bébés, les bœufs et les moutons, les chameaux et les ânes’» (1 Samuel 15.2-3)!
Uzza, frappé à mort pour avoir essayé d’empêcher l’arche de tomber ne peut être considéré comme un acte divin. L’esclavage – souvent, pour les femmes, l’esclavage sexuel – ne peut être défendu. «Heureux qui saisira tes enfants et les écrasera contre le roc» (Psaume137.9) est indéfendable. Ce qui est arrivé à Ananias et Saphira (Actes 5.1-11) est indéfendable. Exécuter un homme à coups de pierres parce qu’il a ramassé du bois le jour du sabbat (Nombres 15.32-36) est indéfendable.
Malgré tout, j’ai entendu des chrétiens déclarer que si Dieu a fait cela, ou s’il l’a ordonné, cela n’était pas immoral. Ils raisonnent et expliquent que les Madianites et les Amalécites étaient si mauvais que même leurs bébés méritaient la mort et que la Bible doit être considérée aussi sérieusement lorsqu’on lit ces textes que lorsqu’on lit Jean 3.16. Un jour, un pasteur conservateur m’a même dit qu’il lisait la Bible de façon si littérale qu’il serait prêt à défendre l’esclavage et la polygamie de manière à ne pas saper l’autorité de la Bible sur la question de l’autorité masculine!
De quel Dieu sommes-nous là en train de parler? D’un Dieu d’amour ou d’une divinité tribale et tyrannique?
Nous chantons: «Dieu est amour; nous sommes ses petits enfants.
Dieu est amour; nous voulons être comme lui.» (F.E. Belden, «’Tis Love That Makes Us Happy”, Illustrated Bible Object Lessons and Songs for Little Ones [1892].)
Vraiment? Souhaitons-nous vraiment que nos enfants imitent ces actes que nous attribuons à Dieu? Une personne de bonne moralité ne voudrait rien avoir à voir avec un tel Dieu. Je préfère questionner la justesse du texte de manière à maintenir l’intégrité de Dieu plutôt que de défendre l’exactitude du texte et avilir ainsi le caractère de Dieu.
A choisir, je veux croire que le Dieu auquel Jésus-Christ faisait référence n’a jamais dit ou conseillé de telles choses. Sur ces points particuliers, la Bible a tout simplement tort au sujet de Dieu. Il s’agit de quelque chose que quelqu’un pensait au sujet de Dieu, il ne s’agit pas de Dieu lui-même.
Donc, si je suis peut-être accusé d’avoir une basse opinion des Ecritures, j’ai une très haute opinion de Dieu et de son caractère. Je ne permettrai pas qu’on parle en mal de lui, même si cela vient de la bouche d’anciens auteurs qui, il s’avère, faisaient face à leurs propres difficultés. Dieu doit être amour, ou il n’y a aucune raison de continuer à s’intéresser aux Ecritures.
En tant que chrétiens, nous voyons le caractère de Dieu en Jésus. L’histoire de Jésus est le verre au travers duquel nous portons un regard sur l’ensemble des Ecritures. Selon Abélard (1079-1142), «Jésus est mort, telle une démonstration de l’amour de Dieu» – un argument qui a le pouvoir de changer les cœurs et les esprits des pécheurs et de les attirer à Dieu.
Principe 2: Une interprétation pratique
Un ami pasteur m’a parlé d’un couple qui était particulièrement actif dans le ministère d’évangélisation de son église; il les décrivait comme étant profondément bons et engagés. Quelqu’un a un jour fait remarquer leur croyance particulière concernant la Trinité, et continuait de revenir sur le sujet. Le couple a finalement quitté l’église.
Comment en sommes-nous arrivés au point où l’essentiel de ce que nous trouvons dans la Bible concerne des concepts abstraits (Un égal Trois et Trois égal Un) ou des idées philosophiques en rapport avec l’incarnation? Nous pouvons en partie blâmer les écrits du rabbin Saul/Paul sur lesquels St Augustin a élaboré, suivi par les premiers pères de l’église et leurs conciles sans fin, suivis (d’une autre manière) par Thomas d’Aquin et les scolastiques. Lorsque la Réforme se produit, le christianisme semble avoir une base assez solide de compréhensions abstraites au sujet de Dieu, et il semble que tout peut se résumer à un crédo auquel les gens doivent souscrire.
Je confesse que mon herméneutique biblique personnelle ne s’intéresse pas à de telles questions. Je cherche un Dieu bien réel, pas un Dieu philosophique.
J’ai grandi dans un légalisme bien intentionné: le salut, c’était faire plaisir à Dieu en prêtant attention à ce qu’on mange et à ce qu’on fait le sabbat, en donnant la dîme et en faisant d’autres actions similaires. Je ne sais pas pourquoi j’ai dû attendre d’aller à l’université avant d’apprendre que j’étais sauvé par ce que Dieu fait, et non par ce que je fais.
De retour à la maison, lorsque j’ai partagé avec mon pasteur ce que j’avais appris, il m’a regardé d’un air sombre, et il m’a mis en garde contre une «grâce à bon marché». Mais j’avais essayé, pendant longtemps, d’être assez parfait pour obtenir un quelconque espoir de salut, et je n’ai pas été dissuadé. Tout au long de mon ministère, j’ai prêché que ce que Jésus était venu nous apporter étaient, littéralement, des bonnes nouvelles concernant la bonté de Dieu et la sécurité de notre salut.
Aujourd’hui, dans mon étape de vie actuelle, j’ai nuancé ma compréhension de la justification par la foi. Croire n’est pas suffisant. Si notre foi en Jésus ne fait pas de nous de meilleurs êtres humains, elle ne vaut probablement pas grand-chose. Cependant, mon nouveau «légalisme» (ou de façon plus appropriée, mon «aspiration») ne concerne plus la façon de garder le sabbat ou ce que je peux ou ne peux pas manger, mais il s’intéresse au fruit de l’Esprit: «l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi» (Galates 5.22-23, NFC). Quand Paul dit que «la loi n’est certes pas contre de telles choses», il est en train de dire que s’il diminue l’importance de l’obéissance à la loi comme méthode de salut, ce qui la remplace, c’est le fruit de l’Esprit.
En d’autres termes, ne pas croire en la doctrine de la Trinité n’empêchera personne d’entrer au paradis, alors que d’y croire et exhiber un esprit venimeux et malfaisant le fera sans doute. Voilà qui nous amène naturellement au principe suivant.
Principe 3: Une interprétation éthique
S’il vous plaît, ne vous laissez pas distraire par le mot «éthique» au cas où le cours d’éthique que vous avez suivi à l’université traitait de choses auxquelles, nous autres individus ordinaires, avons rarement à faire face – comme ces situations ambigües que l’on rencontre dans la salle des soins intensifs d’un hôpital. Lorsque je parle d’éthique, je parle de la façon dont nous traitons les autres… ce qui devrait être assez simple si l’on se base sur le principe «Faites pour les autres…», mais, malheureusement, nous avons été passablement distraits par les manières littérales et étranges dont nous lisons la Bible.
Si le caractère de Dieu, c’est la bonté et la bienveillance, l’une des choses essentielles que nous devrions tirer de la Bible, c’est qu’il nous faut agir de même envers les autres.
Une chose surprenante en ce qui concerne la foi chrétienne, c’est que nous comprenons bien ce que Jésus a fait pour notre salut, mais que, dans certaines circonstances (lorsque nous considérons les personnes que nous réprouvons), nous minimisons la bonté débordante dont il a fait preuve envers tous. Comprenons bien que la théorie du salut (c.-à-d. la justification et la sanctification), dont nous autres chrétiens parlons souvent, ne vient pas de Jésus. Elle vient de Paul. Ce que Jésus a fait, en plus de nous dire comment est Dieu, c’est de nous montrer comment être bienveillants envers les autres et de nous enseigner à faire de même. Qu’avons-nous fait de cela?
Voici où les gens se perdent. Puisqu’ils ne comprennent pas «Faites pour les autres tout ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous», ils se cachent derrière des préceptes bibliques secondaires – souvent tirés de leur contexte – qu’ils analysent et appliquent tels des avocats sournois; et ils finissent généralement par blesser les autres.
Devenir comme Jésus ne dépend pas de notre capacité à suivre des règles. (Jésus a transgressé la plupart des règles de l’Ancien Testament telles qu’elles étaient comprises par les pharisiens.) Jésus a appliqué, encore et encore, ce principe: «Faites pour les autres…». Il traitait les autres avec bienveillance, de la manière dont il souhaitait être traité.
Une interprétation éthique signifie que nous trouvons, dans la Bible, les principes de base de notre comportement moral. Beaucoup les résument en un mot: «l’amour». C’est en effet un mot englobant, mais sa signification a été altérée. J’ai donc commencé à considérer remplacer le mot «amour» par le mot «bonté», parce que le mot «amour» est trop abstrait, et il nous est trop facile d’esquiver ce qu’il requiert – comme c’est le cas pour l’expression «hais le péché, mais aime le pécheur» qui a été utilisée au cours du temps pour déguiser toutes sortes de cruautés.
Une règle qui entraîne un comportement haineux envers l’autre ne vient pas de Dieu, même si elle est clairement stipulée dans certains passages des Ecritures. Dieu se réserve le privilège de juger, ne l’oublions pas (Matthieu 13.24-30).
Détérioration herméneutique
Dans son témoignage devant le Congrès au sujet de l’attaque sur le Capitole des Etats-Unis du 6 janvier, un officier de police du nom de Daniel Hodges a déclaré: «Il était clair que les terroristes se considéraient chrétiens.» Il a ensuite décrit de façon détaillée les attaques lancées sur la police. «Devant mes yeux, j’ai vu défiler le drapeau chrétien. Plus loin, un autre drapeau portait l’inscription: ‘Jésus est mon Sauveur, Trump est mon président’. Et un autre: ‘Jésus est Roi’». M. Hodges raconte aussi qu’il avait remarqué le tee-shirt d’un autre émeutier sur lequel il pouvait lire: «Dieu, des Armes et Trump.» (Lexi McMenanim, «The Terrorists Perceived Themselves to Be Christians», Sojourners [Juillet 27, 2021]. En ligne à sojo.net/articles/terrorists-perceived-themselves-be-christians.)
Si vous questionnez mon assertion que notre approche traditionnelle de la Bible ne fonctionne plus, je vous demande simplement de considérer ce que le christianisme conservateur est devenu aux Etats-Unis. Non, cela ne concerne pas toute la chrétienté américaine – mais une bonne portion. A l’heure actuelle, de nombreux chrétiens défendent les structures de pouvoir plutôt que les gens en se basant sur des passages tirés hors de leur contexte plutôt que sur les grands principes de la moralité.
Des concepts totalement immoraux sont défendus – Bible à l’appui – dans la culture chrétienne d’aujourd’hui. C’est cela qui m’a convaincu que nous avons besoin d’une herméneutique plus compatissante.
Je ne ressens plus la compulsion de toujours essayer de défendre ou d’harmoniser des histoires et des déclarations bibliques qui sont tout simplement immorales. Je ne ferai plus de logique de bretzel pour essayer d’expliquer la cruauté décrite dans Nombres 31 ou 1 Samuel 15. Quelqu’un pensait que c’était un ordre divin, mais ce n’était pas le cas. Si de telles choses se sont passées, c’était ce qu’un être humain – pas Dieu – a expliqué de manière à justifier ses actions. Si l’auteur dit que Dieu était à l’origine, soit il ment, soit il se leurre.
Ou bien, pour l’exprimer de façon différente: je défends le caractère de Dieu, pas un texte imparfait. Si on prend le texte littéralement, telle une expression de la personne divine, il nous faudra aussi expliquer pourquoi Dieu a donné l’ordre que des bébés soient assassinés et des vierges violées.
Le Dieu de la Bible doit comprendre la faiblesse humaine. Il doit être plein de compassion et riche en pardon, et il doit exprimer cela de façon consistante. Il ne nous ferait jamais ce qu’il nous demande de ne pas faire aux autres.
Quelle que soit l’herméneutique que vous choisissez, elle doit vous présenter un Dieu avec lequel vous aimeriez passer toute l’éternité.
Le Dr Loren Seibold est le rédacteur en chef du magazine et du site Web Adventist Today. Cet essai est tiré du numéro d’automne 2021 du magazine Adventist Today et a été traduit pour le site Web par Colette Gauthier Carr.