Ted Wilson et la réprimande de l’église
par Loren Seibold | 26 octobre 2023 |
Je veux me sentir chez moi dans cette église dans laquelle j’ai grandi et à laquelle j’ai consacré ma vie – je le souhaite profondément. J’aspire à une communion heureuse avec ces personnes avec lesquelles je partage tant d’expériences spirituelles.
C’est peut-être pour cela que le sabbat matin du 7 octobre, même si j’avais besoin de me préparer pour l’Adventist Today Sabbath Seminar, j’ai écouté le discours de frère Ted Wilson alors qu’il s’adressait aux participants du Concile annuel de la Conférence Générale.
Notre président, m’ont dit ceux qui le connaissent personnellement, est amical et courtois. J’espère un jour voir ce côté de lui.
Car chaque fois que je l’écoute, ce n’est pas ce que je ressens. Et une fois de plus, ce sabbat matin, j’ai vu un homme qui s’adresse à l’église de manière négative et critique. Un ami qui l’écoutait en même temps que moi m’a envoyé ce message: «Il semble vraiment en colère, tu ne trouves pas?»
Bien sûr qu’il est en colère: il pense que, dans l’église, c’est la pagaille. Il y a des multitudes de choses qui ne vont pas. Et c’est lui qui porte tout sur ses épaules.
En fait, chaque argument qu’il a avancé (il y en avait 16) mettait en garde contre la gravité de la situation, non pas dans le monde, mais ici, dans l’église! Plusieurs de ses arguments m’ont inquiété, car ils ne décrivent pas une église protestante qui est en recherche et souhaite grandir dans la vérité. Ce qu’il décrit ressemble davantage à une secte.
Et je m’inquiète pour l’homme lui-même. Combien il doit être effrayé et en colère pour ressentir le besoin, à chaque fois qu’il monte en chaire, d’attaquer sa propre église et d’insister à toujours plus la contrôler!
Défendre la Bible
Au début de son discours (il est difficile de le considérer comme un sermon car il s’agissait principalement de réprimandes), frère Wilson a indiqué qu’il allait parler de la Bible, ce livre qui regorge d’espoir et de pardon. C’est un bon début, n’est-ce pas?
Mais il s’avère qu’il ne s’inquiétait que du dénigrement de la Bible. Cela a engendré un ressenti différent – un sentiment critique qui a duré toute la matinée. «Nous sommes attaqués par la méthode historico-critique, a-t-il déclaré, et par toute autre méthode d’interprétation biblique, inacceptable pour les adventistes du septième jour.»
Mais alors, comment lire la Bible? La réponse se trouve dans Ellen White – ou, comme il l’appelle, «l’Esprit de prophétie». L’Esprit de prophétie nous dit de «lire la Bible telle qu’elle se lit».
Désolé, mais «lire la Bible telle qu’elle se lit», c’est un truisme, pas une méthodologie. La plupart d’entre nous qui ont étudié la théologie ont compris assez tôt que la Bible ne développe pas de façon parfaitement claire le message adventiste; si c’était le cas, nous n’aurions pas besoin de l’étudier pendant des décennies, et encore moins de défendre notre méthode d’interprétation.
Heureusement, il a rapidement expliqué: «Lire la Bible telle qu’elle se lit» signifie que nous la lisons à travers la lunette de l’Esprit de prophétie, des 28 croyances fondamentales et de la voix d’autorité que représentent les dirigeants de l’église.
Je suis préoccupé par le fait que parmi ces quatre choses – la Bible, Ellen White, les 28 croyances fondamentales et la Conférence générale – l’homme qui se décrit fièrement comme «le président de l’église adventiste du septième jour mondiale» semble ne voir que peu de distinctions.
La diatribe sexuelle habituelle
Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi obsédé par l’homosexualité que Ted Wilson. Il ne manque jamais une occasion de fulminer contre les individus appartenant à la communauté LGBTQ. (Cette fois, pour faire bonne mesure, il y a associé le terme de «bestialité».) Alors qu’il dit que «nous sommes tous des pécheurs au pied de la croix» et que nous devons traiter tout le monde avec amour, bienveillance et respect, être gay entre clairement dans une catégorie avancée de péché et, sur ce point, il ne peut contenir sa colère. Ainsi:
L’église adventiste du septième jour mondiale n’accepte pas et n’acceptera pas en tant que membres d’église ou dirigeants élus des individus qui n’adhèrent pas à la compréhension biblique et à la pratique biblique de la sexualité humaine.
C’était la section la plus longue des 16 points, et c’est là qu’il s’est montré le plus implacable. Je suis moins offensé par sa désapprobation de l’homosexualité que je ne le suis par son remède: «Une conversion biblique profonde qui, par la puissance du Saint-Esprit, transforme la vie.» J’apprécie l’idéalisme, mais son manque d’expérience pastorale l’a laissé dans l’ignorance: Je n’ai jamais rencontré quelqu’un que le Saint-Esprit ait «guéri» de son homosexualité, et lui non plus.
Bien sûr, nous répète-t-il encore, c’est que nous ne «lisons pas la Bible telle qu’elle se lit».
Paul nous dit de ne laisser personne nous prendre au piège par la philosophie, par des tromperies sans fondement (Colossiens 2.8). … Nous avons de nombreux théologiens merveilleux dans notre église – l’Institut de recherche biblique est une organisation merveilleuse. … Mais il y en a certains, dans nos propres rangs, qui déforment la parole de Dieu et ne la lisent pas telle qu’elle se lit. Eloignez-vous d’eux!
Je connais certains de ces théologiens dont il fait mention. Ce dont des hommes et des femmes bienveillants, intègres et réfléchis qui confrontent honnêtement le texte et pondèrent son application pastorale, en particulier lorsqu’il s’agit de la communauté LGBTQ qui est si souvent rejetée. Que ressentent-ils lorsqu’ils entendent leurs efforts sincères décrits comme de la tricherie et des tromperies?
Partez – et bon débarras
C’est sous la rubrique du comportement sexuel que nous avons eu droit à la déclaration suivante qui a été pour moi la plus décourageante de la matinée.
Si, pour une raison ou une autre, vous ne pouvez pas faire entièrement confiance à ce livre… Je suis en train de parler de nos croyances fondamentales, 28 au total, et si vous n’êtes pas capable de lire la Bible telle qu’elle se lit – si vous, en tant que leader … vous ne pouvez pas accepter la parole de Dieu telle qu’elle est, je vous exhorte à démissionner de votre poste. … Je ne veux pas de purge, je ne veux pas d’une sorte de chasse aux sorcières – et je parle pour moi et pour ma position: je veux des dirigeants qui croient entièrement et complètement en la parole de Dieu, à 100%.
Je me suis souvent interrogé sur l’enthousiasme manifesté à Silver Spring lorsqu’il s’agit de débarrasser l’église de toutes voix critiques. Frère Wilson laisse rarement passer l’occasion de dire «ou vous êtes d’accord avec moi, ou vous partez».
Au cours d’un service de culte, je trouve cette déclaration particulièrement choquante. Je me suis demandé ce qui se passait dans la tête des dirigeants de l’église qui se trouvaient dans la chapelle: devoir rester assis pendant une heure, avoir l’air engagé et intéressé alors qu’une caméra panoramique plane au-dessus de vous, tout en se demandant: «Est-il en train de parler de moi?» Est-ce que certains pensaient: «J’ai des doutes et des questions. Je ne vois pas l’église comme frère Wilson la voit. Souhaite-t-il que je parte?»
A deux reprises, frère Wilson a mentionné que nous traversions la période du criblage de l’église. Il semble que le criblage soit l’un de ses thèmes favoris. C’est une façon de dire que «Dieu a déjà prédit que vous partirez, donc, bon débarras!»
J’aimerais qu’il puisse parfois se demander pourquoi tant de gens quittent l’église et comment on pourrait endiguer l’exode. Mais je ne pense pas qu’il puisse le faire. Parce qu’il sait déjà pourquoi les gens partent: c’est le temps du criblage, et vous êtes éliminés. Il est donc satisfait – et même impatient – de vous envoyer sur votre chemin.
L’organisation de l’église est le fondement de tout
Je ne suis jamais surpris d’entendre les membres qui se trouvent au plus haut niveau du leadership de l’église de se vanter de leur pouvoir. Il est rare qu’une réunion de direction à Silver Spring ne se déroule sans que frère Wilson ou l’un de ses assistants ne nous rappellent que l’Esprit de prophétie dit que la Conférence générale est la plus haute autorité de Dieu sur terre.
Une fois de plus, sabbat dernier, nous avons appris que «le Saint-Esprit œuvre à travers des organisations structurées qui ont été organisées par le ciel lui-même». Mais – ce qui est quelque peu alarmant – il ne s’agit plus seulement de la Conférence générale en session.
Lorsque les décisions des comités au niveau mondial sont prises sur la base des instructions bibliques et de l’Esprit de prophétie et guidées par une prière humble, les opinions et les convictions personnelles doivent être mises de côté.
J’ai participé à ces réunions basées sur le système des comités. Je sais comment elles fonctionnent. Oui, on y prie, mais je dois admettre que cela semble forcé et un peu louche.
Et il y a quelque chose que les prières ne semblent jamais changer: le fait que frère Wilson puisse dire à chacun ce que veut le Saint-Esprit. J’ai rarement vu des «aveux sincères qui réaffirment que nous travaillons ensemble sous la puissance du Saint-Esprit». J’ai vu manipulation et démonstration de pouvoir. J’ai vu frère Wilson réprimander de vénérables dirigeants d’église comme s’ils étaient de vilains petits gamins.
N’est-ce pas surprenant de constater à quel point nous sommes devenus semblables à la perception que nous avons de notre ennemi juré, l’église catholique romaine?
Attaquée de tous les côtés
J’ai été à la fois rassuré et troublé d’apprendre que, parmi toutes les choses qui menacent l’église, toutes ne sont pas des croyances libérales.
D’accord, il s’agit principalement de nous, les libéraux, mais pas seulement.
Ce qu’on nous reproche, c’est un manque de dévouement à l’Esprit de prophétie, à l’église du reste, aux évènements prophétiques, au sanctuaire, au mode de vie adventiste, au dimanche représentant la marque de la bête et à l’évangélisation publique.
Mais l’église est aussi menacée par ceux qui (comme James White) remettent en question la doctrine de la Trinité, ainsi que par ceux qui accusent l’église d’être œcuménique.
Bref, la pauvre église est assiégée de droite et de gauche! Dieu merci, frère Wilson place son pied exactement au milieu, comme il a pris soin de nous le rappeler.
Avertissements prophylactiques
Alors que j’écoutais son discours, quelque chose m’est venu à l’esprit: pour présenter un bon argument en faveur du message adventiste du septième jour (et frère Wilson l’a fait de la façon la plus convaincante que j’ai jamais entendu, et certainement avec le plus de passion), il faut jouer en défense; c’est-à-dire que vous devez rappeler aux gens, avant qu’ils ne commettent une erreur, que l’erreur qu’ils envisagent a été anticipée par l’Esprit de prophétie.
Ellen White a prévenu (servant ses propres intérêts me semble-t-il, quand je me rappelle qu’elle recevait les bénéfices de ses livres) que «la toute dernière tromperie de Satan sera de rendre inutile le témoignage de l’Esprit de Dieu».
Quant à la Bible,
Dans les derniers jours, la terre sera presque dépourvue de vraie foi. Sous n’importe quel prétexte, la Parole de Dieu sera considérée comme peu fiable, tandis que le raisonnement humain sera accepté, même s’il est en claire opposition avec les faits incontestables des Ecritures.
Ensuite, il y a la création (qui, selon frère Wilson, s’est produite il y a seulement 6.000 ans).
Les hommes et les femmes s’efforceront d’expliquer, à partir de causes naturelles, l’œuvre de la création. Mais il n’a jamais été révélé aux mortels comment Dieu a agi lors de la création.
Et, comme mentionné ci-dessus, elle a également averti que, dans les derniers jours, les gens ne respecteront pas l’autorité de l’église – ce qui signifie que frère Wilson et ses collègues se sentent justifiés de ne jamais changer d’avis.
L’Adventisme est, par nature et historiquement, un mouvement défensif. Nous avons commencé en nous défendant, et nous sommes encore en train de le faire. Cette stratégie a bien servi notre entropie adventiste.
Se pourrait-il que ce soit la raison pour laquelle nous faisons preuve d’un tel «manque d’enthousiasme pour l’évangélisation personnelle et publique»? Qui voudrait inviter quelqu’un dans une église aussi effrayante que celle contre laquelle frère Wilson a passé une heure à nous mettre en garde?
Un leader effrayé et en colère
Je suis inquiet pour frère Wilson. Je me demande si c’est bon pour la santé d’être si certain et si opiniâtre. Les morceaux de son monde s’emboîtent trop étroitement. Il n’admet aucune flexibilité quant à ce que signifie être adventiste du septième jour. Je crains que cela ne le rende fragile, voire même dangereux.
Il dit qu’il croit totalement en cette église, que c’est la seule et véritable église de Dieu et qu’elle ira jusqu’au bout. Mais le croit-il vraiment? Si l’église est destinée à être ce qu’il prétend, pourquoi se sent-il le devoir de la défendre avec une telle indignation? Pourquoi est-il si désireux de dire «bon débarras» à tant d’entre nous?
Ce monsieur proteste trop, il me semble. Il essaie de se convaincre lui-même. Il est comme ce petit hollandais qui met son doigt dans le trou de la digue pour tenter de contenir l’inondation. Son pantalon théologique est trop serré: s’il devait réajuster sa position, une couture pourrait céder.
Tout au long de ma carrière, je me suis souvent senti châtié par mes doutes, mes incertitudes, mon infidélité. Habituellement, ces sentiments étaient provoqués par des réunions comme celle-ci. Mais maintenant, en voyant un homme exprimer tant de certitudes, un homme avec une foi si rigide, exaspérée et désapprobatrice, je pense que sa certitude est plus dangereuse que mes doutes.
Alors que la caméra se promène sur l’audience, je me demande: Combien de ces dirigeants se sentent mal à l’aise? Combien sont en train de penser: «Je ne vois pas Dieu comme ça. Je ne vois pas l’église de Dieu comme ça.» Mais que peuvent-ils dire? Comment peuvent-ils réagir alors qu’ils se trouvent au sommet de la hiérarchie de l’église, assis en sécurité dans des bureaux confortables et leurs noms inscrits près de budgets déplacement potelés. Qui aura le courage de répondre: «Non, monsieur, avec tout le respect que je vous dois, ce n’est pas l’église dont je veux faire partie. Ce que vous prescrivez va provoquer une hémorragie de croyants et certainement pas les attirer.»
Je crains que personne ne va prévenir frère Wilson qu’il est en train de s’aliéner une partie importante de son église. Et nous continuerons tous à souffrir de son inélasticité.
J’avoue qu’écouter ce discours ne m’a pas amené à me sentir chez moi, dans mon église.
Je me suis senti secoué par le criblage adventiste, et c’est Ted Wilson qui le fait.
Loren Seibold est le directeur exécutif d’Adventist Today. La version anglaise de cet article est parue le 11 octobre 2023 sur le site d’AdventistToday.
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