Quelle est la raison d’être des leçons de l’école du sabbat?
par Alvin Masarisa | 28 mars 2023 |
Selon les statistiques de la Conférence Générale, plus de 20 millions de membres de l’église Adventiste du septième jour, vivant dans plus de 200 pays différents, rendent un culte dans plus de 52.000 congrégations. Chaque assemblée est unique, et il serait difficile de savoir comment les membres d’église, à travers le monde, ont accueilli le manuel d’étude de l’école du sabbat du premier trimestre 2023.
Le thème de ce trimestre est «Gestionnaires du maître – Jusqu’à son retour», et l’accent est mis sur les richesses, l’argent, les actifs, la dîme, les offrandes, etc. Il est très clair que l’objectif est d’enseigner, d’éduquer ou de rappeler aux membres les principes d’une bonne intendance tels qu’ils sont enseignés par l’église adventiste, en particulier en ce qui concerne l’argent. Si on en croit les conversations passionnées échangées entre adventistes sur les plateformes des réseaux sociaux, ce sujet a soulevé bien des questions pour bon nombre d’entre eux.
Comme pour chaque manuel d’école du sabbat trimestriel, il y a un contributeur ou auteur principal. Dans ce cas précis, il s’agit de G. Edward Reid. C’est un pasteur qui a été ordonné, un avocat agréé, et il a servi l’église en tant que directeur de l’intendance pour la division nord-américaine. Il a publié de nombreux articles sur le thème de la gestion financière, et c’est donc, pour lui, un terrain familier. Le manuscrit du contributeur principal passe ensuite par un processus éditorial et devant des comités pour s’assurer qu’il est en accord avec les enseignements de l’église.
La leçon de l’école du sabbat
Il pourrait être intéressant de se pencher sur l’origine du manuel de l’école du sabbat dans l’église adventiste et sur les principaux objectifs qu’il est censé viser. En 1852, alors que James et Ellen White voyageaient en calèche de Rochester, dans l’état de New York, à Bangor, dans le Maine, ils se sont arrêtés le long d’une route de campagne poussiéreuse pour déjeuner. James a alors sorti un stylo, de l’encre et du papier et, utilisant sa boîte à déjeuner comme bureau, il a écrit quelques-unes des premières leçons de l’école du sabbat. James White était un enseignant certifié, et on peut supposer qu’il avait la formation nécessaire pour rédiger un manuel de leçons qui pourrait être utilisé pour enseigner la doctrine biblique.
Voilà la genèse de ce qui est devenu aujourd’hui le manuel de l’école du sabbat, bien que le concept d’une approche hebdomadaire de l’étude de la Bible – communément appelée «école du dimanche» – ait commencé, dans les églises chrétiennes, près d’un siècle auparavant.
Dans l’église adventiste, l’heure de la leçon d’étude biblique fait généralement partie du programme plus large de l’école du sabbat, et il existe des guides d’étude pour tous les groupes d’âge – le guide d’étude pour adultes n’étant que l’un d’entre eux. Ces manuels d’étude, ainsi que le temps mis à part pour l’école du sabbat, font tellement partie intégrante de l’expérience du sabbat que beaucoup ne se posent pas de questions en ce qui concerne les objectifs que ces leçons et discussions étaient censées atteindre.
Avant d’aller plus loin, je voudrais mentionner que je soutiens fortement l’idée de procurer ces manuels d’étude aux congrégations et de les encourager à les utiliser afin de prendre du temps pour l’étude de la Bible, le jour du sabbat. C’est l’un de ces moments que j’attends avec impatience. En ce qui concerne nos interactions avec la Parole, j’ai parfois l’impression que ce temps d’échange est plus important que le moment de la prédication. Les leçons de l’école du sabbat offrent aux adventistes (du berceau des débutants aux adultes) une excellente occasion d’étudier la Bible, de participer au service et de s’instruire, seuls ou en petits groupes. Cette approche est différente de celles de certaines églises où la Parole est présentée, tel un monologue, par le prédicateur, avec de rares opportunités de pouvoir participer.
Cela m’amène à partager avec vous ce que je pense avoir été les premiers objectifs des manuels d’étude biblique, et pour cela, je me concentrerai principalement sur les guides d’étude pour adultes. Premièrement, ceux-ci étaient censés être un guide pour l’étude personnelle de la Bible au cours de la semaine. Tout le monde ne peut pas développer son propre programme d’étude biblique systématique, et ces manuels devaient contribuer en fournissant un tel plan d’étude.
Unité de la foi?
D’un peu plus de 100 congrégations et d’environ 3.000 membres à la fin des années 1850 et début des années 1860, l’église est devenue ce qu’elle est aujourd’hui et, avec le temps, le rôle des manuels d’étude biblique de l’école du sabbat a évolué (ou a été changé). Il semble en effet qu’un objectif supplémentaire a été ajouté: utiliser ce manuel d’étude comme un outil pour présenter (ou mettre l’accent sur et faire comprendre) les enseignements de l’église que le leadership de l’église mondiale veut voir être acceptés et crus par tous les adventistes du monde. Ces leçons et ces enseignements ont évolué de telles manières qu’ils ne sont pas ouverts au débat ou à la discussion. Au fil des années, ces thèmes ont porté sur le mode de vie adventiste, la réforme sanitaire, le sanctuaire, la création, la vie de famille, le mariage, le sabbat et bien d’autres sujets.
De plus en plus, dans tous les coins du monde, les adventistes souhaitent débattre de ce qu’est la compréhension correcte de la Bible. Et il semble que l’une des plus grandes inquiétudes (peut-être même des craintes) des dirigeants de l’église mondiale, c’est la divergence croissante des points de vue entre des membres vivant dans des zones géographiques différentes; ce qui est considéré comme une menace pour «l’unité de la foi». L’église adventiste a accordé une grande valeur à «l’unité», bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la définition de cette unité tant désirée. Au fil du temps, le manuel d’étude de l’école du sabbat a évolué, et il est considéré et utilisé comme un outil pour favoriser, sur les questions doctrinales, une compréhension et des croyances communes.
Cela permet d’expliquer comment les thèmes des leçons trimestrielles ainsi que les principaux contributeurs sont choisis, et cela éclaire le processus éditorial de révision avant la publication des leçons. Cela explique également la politique de l’église sur la traduction des manuels de l’école du sabbat, de l’anglais en d’autres langues. Les traductions sont généralement effectuées par une union qui rassemble plusieurs fédérations (par exemple, l’union des fédérations allemandes les traduit en allemand, et l’union des fédérations du Zimbabwe les traduit dans les langues locales, telles que le shona ou le ndebele). Il existe cependant des directives strictes dictées par la Conférence générale sur la façon dont cela doit se faire afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de changements apportés au message clé de la leçon.
Les traducteurs sont parfois autorisés à modifier certains symboles ou exemples contenus dans le document en anglais (comme, par exemple, éviter d’utiliser l’exemple de la neige dans les pays qui ne la voient jamais) tant que cela n’altère pas le message principal. La Conférence générale veut que rien ne se perde ou ne soit changé dans le processus de traduction. Certaines unions du monde ont parfois demandé d’être autorisées à rédiger leurs propres manuels d’école du sabbat pour pouvoir mettre l’accent sur des questions qu’elles jugent pertinentes pour leurs fédérations. Ces demandes ont bien sûr été refusées, et on peut supposer qu’une telle permission aurait nié à la Conférence générale le contrôle d’un outil «d’enseignement» important de l’église mondiale. Le souci semble être que chaque région/territoire développerait ses propres points doctrinaux et menacerait «l’unité de la foi».
Les leçons de ce trimestre
Examinons plus précisément les leçons pour adultes de ce premier trimestre 2023 sur le thème général de l’argent. Nous sommes presqu’à la fin du trimestre, et les discussions sur les plateformes de réseaux sociaux sont houleuses. Je ne sais pas exactement comment se déroulent les discussions dans les classes d’école du sabbat des églises de par le monde, mais je soupçonne qu’elles sont tout aussi passionnées.
A cela, il y a sans doute plusieurs raisons. L’une d’elles, c’est que l’argent est toujours une question sensible, et nous avons tous beaucoup à dire sur «notre» argent.
Une autre raison, c’est que nous venons tous de traverser des moments difficiles avec la COVID-19, et pendant cette période, beaucoup ont eu l’occasion de réfléchir à toutes sortes de choses, et même à la probabilité de leur propre mort. La COVID-19 a amené les gens à poser de nombreuses questions difficiles, y compris le rôle de la religion organisée et de sa pertinence, car ils venaient, entre 18 et 24 mois, de rendre un culte dans leurs propres maisons. Certains membres ne sont toujours pas retournés dans les locaux de leur église.
Les médias sociaux nous ont aussi fourni une plate-forme pour y tenir des discussions et pour connecter avec le monde entier, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant. Plutôt que de nous disputer entre nos quatre murs, avec ceux qui nous entourent, nous pouvons maintenant nous disputer en public avec n’importe qui de l’autre côté de l’océan qui souhaite le faire. Le brouhaha est plus fort et même parfois assourdissant.
Mais le fondement de la discussion semble être cette question: pourquoi l’institution de l’église croit-elle être le seul véhicule qui devrait être financé d’une manière spécifique pour répandre l’évangile? Qui a dit que c’est la seule entité qui peut prétendre aux dîmes et aux offrandes, étant donné que la situation est aujourd’hui très différente de «l’église» de l’Ancien Testament et de l’église primitive du Nouveau Testament?
Les principales questions litigieuses ont porté sur la base biblique du système de la dîme tel qu’il a été adopté par l’église adventiste. Des questions ont été soulevées quant à savoir s’il est correct d’appliquer le système de la dîme de l’Ancien Testament, étant donné que la dîme était donnée aux prêtres (par exemple, Melchisédech) ou aux Lévites (dans le sanctuaire) qui représentaient Dieu. L’église adventiste d’aujourd’hui ne croit plus en cette forme de sacerdoce.
Il n’y a que peu de références à la dîme dans le Nouveau Testament et aucune preuve concluante (le cas échéant) que l’église primitive était financée par le système de la dîme. Beaucoup ont exprimé l’opinion que la théologie de la dîme est faible dans l’église adventiste.
(Bien sûr, Ellen White a beaucoup à dire sur la dîme, mais l’église adventiste affirme que sa théologie n’est pas basée sur Ellen White, mais sur les Ecritures.)
Je m’empresse de dire que, selon ce que j’ai pu observer, personne ne s’oppose à l’idée de financer la propagation de l’évangile. Tout le monde sait et accepte que l’église a besoin d’argent pour accomplir sa mission, et que l’argent doit principalement venir de ses membres. Les questions soulevées concernent la méthode utilisée et sa base biblique.
Avons-nous le droit de ne pas être d’accord?
Mon souci principal n’est pas ici de savoir si l’enseignement de l’église sur la dîme est bibliquement valable ou non. Ce qui me préoccupe plutôt, c’est que certains membres et dirigeants d’église pensent que ce débat vigoureux et cette remise en question de certains enseignements de longue date sur le sujet de la dîme est inacceptable. Certains appellent même cela «semer les graines d’une rébellion de la dîme».
Ce que je trouve étrange, c’est qu’en tant qu’église, nous nous vantons souvent auprès des autres chrétiens du haut niveau de connaissances bibliques de nos membres. Les adventistes, même ceux qui n’ont aucune formation théologique, peuvent étudier et discuter de sujets bibliques, et nous encourageons cela. Nous parlons souvent des Béréens (Actes 17.11) qui n’ont pas simplement accepté les enseignements qu’ils entendaient, mais qui les ont étudiés eux-mêmes de manière critique. C’est pourquoi un malaise se crée lorsque les membres remettent en question les enseignements de leur église et entendent en réponse celle-ci qui semble leur dire: «Ne pensez pas par vous-mêmes. N’acceptez aucun enseignement qui ne vienne pas de nous». Cette position ignore totalement l’essence de la pensée critique, car ceux qui pensent de façon critique posent des questions difficiles.
Voici ma question: quand (et à l’initiative de qui) le guide d’étude qu’était le manuel de l’école du sabbat est-il devenu un outil – ou même une arme – pour insister sur un point de doctrine? Si cela est devenu sa raison d’être, cet outil devrait-il être encore entre les mains d’un contributeur/rédacteur principal et d’une petite équipe éditoriale? Cela ne devrait-il pas devenir la responsabilité d’une institution, tel un institut de recherche biblique qui ferait un rapport devant le comité exécutif de la Conférence générale ou même devant la Conférence générale en session?
Mais vraiment, l’idée même d’un guide d’étude n’est-elle pas incluse dans le terme guide «d’étude» – quelque chose qui nous aide à approfondir, à entrer en discussion et à participer? Pourquoi s’attend-on à ce que nous soyons d’accord avec l’auteur? Pourquoi crée-t-on l’impression qu’être en désaccord avec les auteurs du guide d’étude est une rébellion?
Cela ne peut être le cas que si la direction de l’église, à la Conférence générale, s’efforce de s’assurer que les gens entrent dans le rang. Et qui décide à quoi ce rang doit ressembler? Et qui insiste que ce rang doit être une ligne droite?
Un retour à des conversations robustes
En tant qu’église – oui, même en tant que mouvement – l’une de nos plus belles caractéristiques a été notre capacité à avoir de solides conversations. Au cours de notre histoire, il y a eu de nombreuses discussions publiques, voir même des désaccords, comme lors de la fameuse session de la Conférence générale de 1888 à Minneapolis qui, selon les historiens de l’église, ont menacé de diviser l’église. La session a abordé des questions théologiques cruciales, telle que la signification de la justification par la foi, la nature de la Divinité, la relation entre la loi et la grâce et la justification en relation avec la sanctification.
Puis, dans les années 1980, nous avons été confrontés aux questions posées par Desmond Ford. Le Dr Ford contestait l’enseignement de l’église sur le jugement investigatif et a même été en désaccord avec l’église quant au niveau d’autorité qu’elle attribue aux écrits d’Ellen White. Nous avons encore des points de vue différents en ce qui concerne la nature du Christ lorsqu’il est venu sur terre: avait-il la nature d’Adam d’avant la chute ou d’après la chute? La position que l’on adopte sur cette question a des implications sur la façon dont nous croyons que nous serons sauvés. Et dernièrement, la question de l’ordination des femmes au ministère de l’Evangile a été soulevée, bien que la question ait été adressée pour la première fois lors de la Conférence générale de 1881.
Les adventistes ne sont pas étrangers aux débats théologiques passionnés, et c’est une pratique saine car elle nous permet de nous rapprocher de plus en plus de la vérité biblique.
Dans la Review and Herald du 26 juillet 1892, Ellen White écrit:
Nous avons beaucoup de leçons à apprendre et beaucoup, beaucoup d’autres à désapprendre. Seuls Dieu et le ciel sont infaillibles. Ceux qui pensent qu’ils n’auront jamais à renoncer à une opinion chère ou qu’ils n’auront jamais l’occasion de changer d’avis seront déçus. Tant que nous serons attachés à nos propres idées et à nos opinions avec une persistance déterminée, nous ne pourrons pas atteindre l’unité pour laquelle le Christ a prié.
L’église adventiste du septième jour serait encouragée par l’accueil de ces discussions animées. Continuons à nous poser des questions difficiles et remettons même en question les positions que nous tenons depuis bien longtemps. La vérité ne devrait pas avoir peur d’être examinée.
Alvin Masarira est originaire du Zimbabwe. Il est consultant en ingénierie structurelle et vit à Johannesburg, en Afrique du sud. Lui et sa femme, Limakatso, médecin, ont trois enfants. La version anglaise de cet article est parue le 16 mars 2023 sur le site d’AdventistToday.