Quand les gens trouvent Jésus dans une église différente – Première partie: notre côté du mur
par Loren Seibold | 19 septembre 2024 |
Il y a quelques années, un de mes amis qui a grandi et été instruit dans l’église adventiste du septième jour, a annoncé à ses parents qu’il allait rejoindre une autre confession religieuse. Il est important de savoir qu’il n’était pas en train de devenir un spiritualiste, un scientologue ou un catholique. Il souhaitait rejoindre une église protestante conservatrice qui s’appuyait sur la Bible et se réunissait le dimanche matin.
Avec le recul et la perspective que j’ai aujourd’hui, le simple fait de me remémorer cet évènement est douloureux. En effet, son père ne lui a plus jamais parlé et l’a formellement déshérité dans son testament, alors que sa mère a pleuré abondamment et a demandé à l’église de prier pour son fils tout en se lamentant publiquement qu’il ne serait pas avec elle au paradis. Certaines réactions de sa congrégation d’origine ont été moins dures, mais tout autant désapprobatrices: il a reçu des lettres et des cartes qui déclaraient «Nous prions pour toi afin que tu te rendes compte que tu avances dans l’erreur et que tu décides de retourner au sein de la véritable église de Dieu.»
Un détail intéressant de l’histoire, c’est que la sœur de mon ami avait aussi arrêté de fréquenter l’église et avait un style de vie que beaucoup considèreraient non-adventiste. Cependant, elle n’a pas été soumise aux mêmes traitements que son frère. Sa mère m’a expliqué que leur fille croyait toujours aux vérités; elle ne les mettait pas en pratique, tout simplement. Elle était toujours membre, inscrite dans nos registres. Mais son frère, qui reconnaissait sincèrement la valeur du message de l’Evangile dans lequel il avait été élevé, avait sacrifié son appartenance à l’église adventiste en rejoignant les rangs d’une église du dimanche; et c’était impardonnable.
Quand quelqu’un s’en va
Ce souvenir m’est revenu lorsqu’il y a quelques années, le pasteur Dan Wysong est allé servir dans l’église unie du Christ. Lorsque je l’ai interviewé, il a expliqué à quel point il appréciait son éducation adventiste. Cependant, il sentait qu’il était arrivé, dans son cheminement, au moment où il désirait exercer son ministère et son rôle de leader dans une ambiance de fraternité plutôt que de toujours voir son travail assombri par une orthodoxie étroitement définie et le magistère hautain d’une dénomination religieuse. Il a exprimé à quel point cela l’avait blessé lorsque sa fédération avait interdit à sa congrégation de baptiser une femme qui se trouvait dans un mariage homosexuel, ou lorsque le vote de San Antonio sur l’ordination des femmes lui avait donné l’impression que l’église reculait plutôt qu’elle n’avançait. Il souhaitait maintenant ardemment intégrer un contexte où il pourrait répondre aux besoins de tous, comme Jésus l’avait fait.
Quelques lecteurs ont compris ce qu’il exprimait et ont reconnu ses intentions. Mais une certaine anxiété est également rapidement apparue. En lisant les commentaires sur Facebook, il était difficile de ne pas comparer cette situation à ce qui se passe dans l’église lorsqu’un couple divorce et que l’on confronte la parole de l’un à la parole de l’autre. Certains lui ont reproché de ne pas dire toute la vérité lorsqu’il avait déclaré que son église avait soutenu la décision de baptiser une lesbienne mariée – et même si l’auteur du commentaire n’était pas présent lors des évènements, il tenait quand même à répandre la rumeur. Certains autres étaient dérangés par le fait qu’il soit immédiatement passé du statut de pasteur adventiste à celui de pasteur de l’église unie du Christ – avant de «divorcer» d’avec nous, avait-il attendu d’avoir une maîtresse à ses côtés, prête à l’accueillir? Depuis combien de temps avait-il commis, dans son cœur, une infidélité envers nous en se faisant passer pour notre pasteur? Peut-être n’a-t-il jamais vraiment été l’un des nôtres? Dan a entendu toutes les bonnes raisons pour lesquelles il devrait rester: son départ bouleverserait certains, et il devrait aider l’église à s’améliorer plutôt que la quitter. Mais peu de personnes semblaient vouloir l’écouter lui. Pourquoi l’œuvre de sa vie devrait-elle dépendre des sentiments de personnes plus disposées à le critiquer qu’à le comprendre?
Il est peut-être temps pour nous d’explorer pourquoi quelqu’un qui quitte notre communauté pour en intégrer une autre cause tant d’anxiété.
Le mur
La barrière psychologique et sociologique qui nous sépare des autres confessions religieuses est comme un mur frontalier. D’un côté, vous êtes des nôtres. De l’autre, vous êtes une créature étrange que nous ne comprenons pas. Si vous partez, voici ce qui pourrait arriver.
Désormais, chacune de nos interactions sera teintée par le fait que vous êtes parti(e). Certaines personnes continueront de projeter leur déception sur vous pendant des années, voire même toute votre vie. Certains d’entre nous prieront pour vous; certains seront en colère contre vous; certains d’entre nous vous ignoreront et vous oublieront; et quelques-uns d’entre nous vous déclareront perdu(e) pour l’éternité.
Vous voudrez peut-être continuer à rester amis, et nous dirons peut-être la même chose. Mais nous serons mal à l’aise. Il y aura toujours une sorte de barrière entre nous. Chaque fois que nous vous verrons, nous ressentirons un sentiment d’inconfort. Lorsque nous vous croiserons au supermarché, nous ne vous tournerons pas le dos, mais votre défection sera la première chose qui nous viendra à l’esprit. Nous ne manquerons jamais l’occasion de vous inviter à revenir à l’église; invitation que nous souhaitons chaleureuse. Mais vous saurez qu’elle cache une désapprobation, et cela pourrait engendrer une conclusion inconfortable à notre rencontre, comme un arrière-goût après ce qui aurait pu être un bon repas.
Nous ne reconnaîtrons jamais que vous avez trouvé ailleurs une expérience spirituelle plus riche, même si c’est le cas. C’est parce que votre départ fait plus que de nous menacer, nous et notre église, il menace le mur de séparation lui-même. Vous nous forcez à regarder par-dessus le mur, et nous ne pouvons pas admettre que vous puissiez être heureux, en Jésus, là-bas. Cela nous fait peur. Alors, nous nous dirons que vous vous leurrez. Comment pourrait-il en être autrement? Mais le simple fait d’avoir dû considérer ces pensées bouscule le couvercle que nous avions étroitement resserré sur certains de nos doutes, et cela nous rend plutôt anxieux.
Quelque part, au plus profond de nous, notre déception en ce qui vous concerne peut même être teintée d’envie, comme si vous aviez choisi un chemin plus facile – même si cette voie plus facile est probablement mauvaise parce qu’elle est plus facile; comme un mari qui échappe à ses promesses d’époux pour vivre une série d’aventures au sein desquelles il n’a pas besoin de s’engager. Nous nous demanderons peut-être si vous avez fait ce choix dans le but de pouvoir faire toutes ces choses interdites, comme fumer, boire et papillonner. Parce que certains d’entre nous pensent que c’est ce que font les gens de l’autre côté du mur.
Votre départ est un peu insultant. C’est plus qu’un simple changement. Vous avez rompu avec nous, et vous êtes entré(e) en relation avec une autre dénomination. Vous agissez comme si vous étiez trop bien pour nous – c’est pourquoi nous nous rappelons rapidement qu’en fait, nous sommes trop bien pour vous parce que nous sommes «dans la vérité» et vous ne l’êtes pas.
Tout cela pour dire que, sans le vouloir, peut-être même sans le savoir, nous vous en tiendrons rigueur – pour toujours, ou du moins jusqu’à ce que vous vous repentiez et reveniez vers nous.
Et en vérité, vous aussi aurez peut-être du mal à nous quitter. Dans mon cercle d’amis, il y a d’anciens adventistes qui sont partis physiquement mais dont le cœur n’a jamais vraiment trouvé de foyer. Il reste un lien ennuyeux, une sorte de laisse entre eux et nous. Ils n’arrivent pas vraiment à s’en libérer. Certains ont tendance à s’attarder, à nous harceler, à nous rappeler nos nombreuses contradictions et hypocrisies.
Alors pourquoi avons-nous tant de mal à nous séparer les uns des autres?
La semaine prochaine: L’identité sectaire
Loren Seibold est un pasteur à la retraite et le directeur de rédaction à Adventist Today. La version originale de cet article a été publiée le 5 février 2019 puis le 23 avril 2023 sur le site d’Adventist Today.
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