Le problème avec l’autoritarisme adventiste
par Raj Attiken | 10 octobre 2024 |
Depuis de nombreuses années maintenant, les efforts ou les projets mis en place par les dirigeants de l’église Adventiste semblent manifester une obsession démesurée pour la conformité et l’uniformité. Plus précisément, on a pu observer une préoccupation grandissante et persistante en ce qui concerne l’exercice de l’autorité et du pouvoir pour assurer le respect des règles.
Beaucoup a été dit et écrit sur ces préoccupations. Il existe l’idée convenue que l’autorité, dans l’église Adventiste du septième jour, devrait être partagée car chaque niveau de l’église fait également figure d’autorité. Chacun se développe de manière équilibrée et proportionnelle, dans le respect des sphères de responsabilité et de compétence des autres. Une dénomination saine est composée de nombreux centres d’autorité de ce type; une dénomination dysfonctionnelle se caractérise par des efforts malavisés qui cherchent à développer l’un de ces centres au détriment de tous les autres.
Quoi qu’on comprenne par l’expression utilisée par Ellen White, «la plus haute autorité que Dieu a sur terre» (et autres désignations similaires) en référence à la Conférence générale ou à la Conférence générale en session, il nous faut la comprendre dans le contexte d’une intendance responsable de l’autorité au bénéfice de tous les segments de l’église. Rien dans la théologie ou l’ecclésiologie adventiste ne permet à la Conférence générale, ou à tout autre niveau de l’administration, de se considérer comme un magistère sacré habilité à imposer certaines de ses convictions à l’ensemble de l’église mondiale ou à certaines sphères en particulier. L’autorité ne doit pas être confondue avec le contrôle et la coercition.
Il y a eu, et il y aura toujours, une variété de théories et d’arguments concernant les diverses façons de comprendre l’ordination, les relations administratives, l’autorité, etc. Mais toutes convergent vers une seule réalité: l’exercice du pouvoir ou de la coercition pour imposer une perspective culturelle, morale ou théologique préférée inflige une blessure importante à l’église.
Une âme endommagée
Indépendamment des résultats ou des conséquences (intentionnelles ou non) des actions, des politiques et des documents votés sur les fonctions administratives et institutionnelles au sein de la dénomination, l’église Adventiste du septième jour a déjà perdu quelque chose de précieux en raison des intentions qui se dessinent derrière certaines de ces actions. L’âme de l’église a été endommagée et les conséquences sont profondes. Même si le contenu des documents, des initiatives et des votes peut sembler purement procédural ou transactionnel – visant les fonctions de gouvernance et de leadership de l’église – leur impact va bien au-delà. L’esprit qui anime ces actions, ainsi que les attitudes et les motivations du leadership qu’elles trahissent, affecte inévitablement l’esprit et l’âme de l’église de manière profonde et durable. Ces actions donnent le ton au tissu social et communautaire de notre église. Elles influencent le type de communauté que nous sommes et celui que nous serons à l’avenir.
L’un des biens les plus précieux de notre église, c’est son tissu social: la qualité des relations que nous entretenons en tant que sœurs et frères dans la foi. Et c’est ce qui se déchire lorsque des approches autoritaires sont utilisées en matière de leadership et de gouvernance. Lorsque des dirigeants deviennent trop rigides et sont enivrés par l’attrait du pouvoir et le désir de contrôle, l’église en est diminuée. Le désir d’atteindre la conformité et l’uniformité entrave la capacité de l’église à «[garder] la bonté et la justice» (Osée 12.7), à «[mettre] en pratique le droit, [à aimer] la bonté et [à marcher] humblement avec […] Dieu» (Michée 6.8).
Le recours au pouvoir et à la coercition pour imposer une perspective culturelle, morale ou théologique préférée met en danger le siège de notre âme ainsi que les libertés qui animent notre foi et notre dévotion à Dieu. Il en résulte une érosion de la confiance, un affaiblissement de l’autorité morale et une diminution des ressources humaines, financières et émotionnelles. Il se produit un déchirement de la communauté, une déshumanisation et une délégitimation des personnes. Il en résulte une diminution de la dignité que Dieu a conférée aux êtres humains en tant que «porteurs de son image», un ralentissement de la créativité et une suppression subtile de la vérité. Car, chaque fois que le pouvoir est utilisé pour légitimer une erreur ou une déformation de la vérité sous prétexte de défendre la vérité, il se produit aussi une suppression subtile de la vérité et de l’ouverture à des vérités additionnelles qui pourraient être reçues par l’ensemble du corps de l’église.
Qui suivre?
Le paradoxe de cette situation, c’est que l’église prétend suivre les directives divines dans toutes les questions de foi et de pratique. Pourtant, le récit cosmique auquel nous rattachons l’histoire de notre église parle d’un Dieu qui gouverne son univers selon les principes de l’amour, de la confiance et de la liberté plutôt que de la force et de la coercition. Lorsque nous ignorons ces principes dans nos actes de leadership et de gouvernance, la trame de notre tissu relationnel se défait. Le ton donné par un tel mépris altère et endommage l’âme de l’église, et nous en sommes tous appauvris.
Pour qu’une communauté s’épanouisse, il doit exister en son sein un climat d’amour, de confiance et de liberté. En dépit des risques d’abus, ces principes de gouvernance et de leadership offrent le meilleur espoir de voir se développer une communauté qui grandit dans «l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur [et] la maîtrise de soi» (Galates 5.22). Dans un tel contexte, les uns et les autres atteignent leur plus haut potentiel. Ils apportent leurs plus grandes contributions. Ils atteignent leurs objectifs les plus élevés. Ils deviennent cocréateurs avec le Créateur, des agents de transformation et des partenaires responsables sur lesquels on peut compter pour l’avancement de la mission de l’église.
L’autoritarisme religieux, lorsqu’il prospère dans l’église, est un sujet délicat à aborder. Mais il a fait surface encore et encore dans les organes de planification et de décision de l’église. Pour que l’église en soit vraiment une, elle doit posséder plus que des doctrines, des politiques et des règlements. Elle doit posséder une âme robuste et vibrante. L’autoritarisme et le contrôle sont les ennemis de la santé de l’âme. Si ces attitudes persistent, l’église risque de perdre son âme. C’est ce que je crains.
Le Dr Raj Attiken étudie les interconnexions entre la foi, la culture, l’Evangile et l’église. Il est professeur de religion adjoint à Kettering College. La version anglaise de cet article est parue pour la première fois en octobre 2016, puis le 14 juin 2023 sur le site d’AdventistToday.
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