Le criblage ou le filet de pêche?
par Reinder Bruinsma | 24 novembre 2023 |
Au cours du récent Concile annuel de la Conférence générale, notre président, dans son sermon, a fait plusieurs fois allusion au criblage. Dans notre jargon adventiste, ce terme fait référence à une phase spécifique et intense des évènements de la fin des temps, juste avant la fin du temps de probation. Dans ce scénario, un grand nombre de croyants abandonneront notre vérité, tourneront le dos à l’église du reste et seront perdus pour l’éternité.
Le concept du reste, la conviction que le temps de probation prendra fin et l’attente d’un criblage imminent soulèvent toutes sortes de questions. Plus précisément, lorsque je me penche sur tous les passages bibliques dans lesquels le mot «criblage» (ou un synonyme) apparaît, je ne trouve aucune confirmation biblique concernant la notion d’un processus de criblage au cours duquel le nombre des croyants seraient considérablement réduit. Même de nombreux livres adventistes traditionnels traitant du temps de la fin parlent très peu, voire pas du tout, du criblage.
Pour ne citer que deux exemples: dans son livre très détaillé de 500 pages sur le scénario adventiste de la fin des temps, le professeur Norman Gulley n’utilise pas une seule fois le mot «criblage».[1] Je ne l’ai pas non plus trouvé dans le Handbook of Seventh-day Adventist Theology.[2]
Ellen White et le criblage
Ce criblage s’intègre parfaitement dans la théologie de la dernière génération, mais il ne peut être défendu que par une combinaison de quelques déclarations d’Ellen G.White. L’auteur populaire (et conservateur), Marvin Moore, a écrit de manière prolifique sur les derniers temps. Dans son livre, The Crisis of the End Time, il a consacré un chapitre entier au criblage. Celui-ci ne contient qu’une ou deux références indirectes aux Ecritures et s’appuie presqu’entièrement sur une série de citations d’Ellen White.[3]
Pour Ted Wilson, cela n’est guère un problème, car il est un promoteur non critique des écrits d’Ellen White et considère tout ce qu’elle a écrit comme étant tout aussi inspiré que la Bible et totalement applicable à notre vie d’aujourd’hui.
Il semblerait cependant que Ted Wilson ait négligé certaines déclarations d’Ellen White concernant le temps du criblage.
Dans son sermon, il a insisté sur le fait que le criblage était en train de se produire. Et il semble déterminé à faire tout son possible pour faire avancer ce processus. Il exhorte les dirigeants de tous les niveaux administratifs de l’église qui ne sont pas d’accord avec ses vues théologiques à démissionner de leurs fonctions. Et tous ceux qui ont des doutes sur l’une des croyances fondamentales et/ou n’acceptent pas l’autorité de la structure confessionnelle ne sont plus les bienvenus dans l’église adventiste. Ils sont actuellement secoués hors de leur foyer spirituel.
Ted Wilson ferait bien de revoir certaines des déclarations d’Ellen White sur le sujet du criblage. En 1882, elle écrivait que le temps du criblage n’est «pas très loin».[4] En 1895, elle disait: «Nous sommes dans le temps du criblage, le temps où tout ce qui peut être secoué le sera.»[5] C’était il y a plus de 100 ans!
Laurence Turner et le filet de pêche
La déclaration de Wilson à propos du criblage est pour le moins partiale et opiniâtre. En écoutant sa longue diatribe, il m’est revenu à la mémoire un sermon beaucoup plus court que j’ai entendu il y a quelques années lors d’une rencontre de professeurs de théologie. Dr. Laurence Turner, professeur émérite de Newbold College, prêchait.
Cette rencontre avait été négativement impactée par l’attitude critique de certains qui étaient fortement en désaccord avec un collègue sur un aspect particulier de sa théologie du sanctuaire. Certains se demandaient ouvertement: comment cet homme (il ne s’agissait pas du Dr. Turner pour être clair) pouvait-il rester membre de la communauté adventiste alors qu’ils ne souscrivait plus au point de vue traditionnel?
A la fin de la rencontre, pour le service du sabbat, le Dr. Turner a prêché un merveilleux sermon sur Matthieu 13.47-50 (la parabole du filet). Son sermon convenait parfaitement à l’occasion.
Le Christ, a dit Turner, a comparé son royaume au genre de filet qui attrape toutes sortes de poissons, les bons comme les mauvais. Les pêcheurs tiraient le filet sur le rivage et séparaient les poissons comestibles de tout ce qui était impropre à la consommation humaine. En comparant le chalut au royaume, le Christ a souligné que le filet du royaume contient inévitablement toutes sortes de personnes et doit donc être trié.
Mais ce tri n’aura lieu qu’à la fin des temps. Ce n’est qu’alors que les anges viendront séparer ceux qui entreront dans le royaume de ceux qui n’y entreront pas!
Une pêche très diverse
Ted Wilson n’est peut-être pas satisfait de ce qui a été attrapé dans le filet adventiste, et il semble désireux d’en garder certains et de se débarrasser des autres.
Pour être honnête, je partage parfois ce sentiment: il y a beaucoup de gens super dans notre église, mais il y a aussi des hommes et des femmes que, de temps en temps, je souhaiterais ne pas les y rencontrer. Il s’y trouve des légalistes, des extrémistes, des fondamentalistes qui gâchent l’esprit communautaire et sèment la discorde ou pire. Parfois, je suis content lorsque certains membres transfèrent leur adhésion à une autre congrégation!
Mais je dois sans cesse me rappeler que je ne suis pas appelé à faire le tri! Ce travail est réservé aux anges, à la fin des temps.
J’ai de sérieux doutes en ce qui concerne le fait que la façon dont Wilson voit le criblage soit bibliquement défendable. Plus important encore, je suis absolument certain que s’il y a quelque chose comme le criblage, aucun d’entre nous – Ted Wilson inclus – n’est responsable de son exécution. La parabole du filet le prouve très clairement.
Un peu plus haut, dans Matthieu 13, le même principe est souligné dans la parabole de la bonne semence et de la mauvaise herbe: il y aura inévitablement un mélange de bonne semence et de mauvaise herbe (v.24-30). Ce n’est qu’à la récolte que les mauvaises herbes seront séparées du blé.
En fait, nous ferions tous de graves erreurs si nous essayions de faire cela: alors que les plantes sont en train de grandir, nous pourrions avoir du mal à distinguer le bon du mauvais.
Je peux comprendre, compte tenu de ses idées rigides et de la façon dont il lit sa Bible et adule Ellen White, Ted Wilson considère ceux qui ont des opinions différentes des siennes comme une menace sérieuse pour l’église. Il doit cependant se rendre compte que même sa «lecture simple» des paroles de Jésus lui interdit de pousser à la séparation – c’est-à-dire le criblage – de ceux qui devraient rester dans l’église de ceux qui devraient la quitter.
Ce n’est tout simplement pas le travail de Wilson et de ses collègues. Dieu a confié cette tâche, le moment venu, aux anges du ciel et non à la Conférence générale!
- Christ Is Coming, Hagerstown, MD: Review and Herald Publishing Association, 1998. ↑
- Hagerstown, MD: Review and Herald Publishing Association, 2000. ↑
- Boise, ID: Pacific Press Publishing Association, pp.181-190. ↑
- Testimonies for the Church, vol. 4, p. 400. ↑
- Testimonies for the Church, vol. 6. p. 331. ↑
Reinder Bruinsma vit aux Pays-Bas avec sa femme, Aafje. Sur trois continents, il a servi l’église adventiste dans les domaines de l’édition, de l’éducation et de l’administration. Il maintient toujours un emploi du temps bien chargé partagé entre la prédication, l’enseignement et l’écriture. Il blogue sur http://reinderbruinsma.com/. La version anglaise de cet article est parue le 18 octobre 2023 sur le site d’AdventistToday.
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