Dieu le perdant!
par Jack Hoehn | 25 janvier 2024 |
Ma femme Deanne prétend que lorsque je gagne un match, je suis bavard et je veux discuter de chaque jeu; lorsque je perds, je suis silencieux et maussade, je m’ennuie et j’ai immédiatement envie de passer à autre chose. Elle est animée d’un tel esprit compétitif que je ne peux nier sa remarque. Perdre un jeu face à elle est une compétence que je maîtrise très bien.
Alors oui, je préfère être un bon gagnant qu’un bon perdant.
J’aurais dû m’en apercevoir, mais pendant de nombreuses années, il m’a échappé que le livre saint le plus fiable et le plus influent de l’histoire de l’humanité est presque entièrement axé sur l’échec et la défaite des humains et ceux de leur Dieu. Qui d’autre que Dieu pourrait prétendre au titre de «plus grand perdant»?
Dieu a-t-il gagné en Eden? Le déluge de Noé a-t-il été un tour victorieux? Quelle a été l’issue du déménagement de la famille de Jacob en Égypte, même si Joseph l’y a accueillie ultérieurement? Moïse a-t-il permis aux anciens esclaves de faire le voyage en quelques semaines vers Canaan? Les 12 tribus se sont-elles vraiment entendues entre elles? Dieu a-t-il choisi des «juges», – des vainqueurs comme Samson ou Jephté? Même Samuel, choisi dès son enfance, a été totalement rejeté par le «peuple élu». Saül, le roi choisi par Dieu, a passé des années à essayer de tuer son remplaçant. David était un grand guerrier, mais son royaume n’a pas survécu à un fils dévoyé.
Adam Gopnik le résume ainsi: «La Bible hébraïque, ou Ancien Testament, est peut-être unique sur la planète… essentiellement comme une histoire de perdants. Les Juifs furent les grands souffrants du monde antique – persécutés, exilés, battus à plate couture. Cependant la fable de leur élection particulière et du démiurge qui, du point de vue d’un incroyant, a renié toutes ses promesses et a échoué à chaque tournant de leur existence, est le texte le plus admiré, le plus influent et le plus permanent de tous les textes jamais écrits.»
Qu’en est-il du Nouveau Testament ?
Certes, nous sommes chrétiens. Faut-il alors passer sans autre de l’Ancien Testament au Nouveau? Poursuis ta route, Roi Jésus, jusqu’au Calvaire. Demande, en araméen, «Eloi, Eloi, Lama Sabachthani? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?»
Gopnik dit encore: «Quelle que soit la conclusion des spécialistes, la force de l’exemple chrétien réside certainement dans l’extrême abaissement de la divinité, torturée à mort de la manière la plus humiliante que l’on puisse imaginer et enterrée comme un criminel.» Cet auteur a-t-il tort de suggérer que la religion chrétienne se concentre sur la mort du Christ? Il constate que les crucifix sont plus fréquents dans les églises chrétiennes que les images de l’ascension.
«Jésus avait tendance à honorer les perdants de ce monde, et non les gagnants. Notre culture moderne récompense de manière extravagante la beauté, les compétences athlétiques, la richesse et les réalisations artistiques, des qualités qui ne semblaient pas du tout impressionner Jésus.» (Philip Yancey)
Paul, le plus grand défenseur du Christ, l’admet (1 Corinthiens 4.9-13, BFC):
Car il me semble que Dieu nous a mis, nous les apôtres, à la dernière place: nous sommes comme des hommes condamnés à mourir en public, nous sommes donnés en spectacle au monde entier, aux anges aussi bien qu’aux hommes. Nous sommes fous à cause du Christ, mais vous êtes sages dans l’union avec le Christ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts; nous sommes méprisés, mais vous êtes honorés! Jusqu’à cette heure même, nous souffrons de la faim et de la soif, nous manquons d’habits, nous sommes battus, nous passons d’un endroit à l’autre; nous nous fatiguons à travailler pour gagner nous-mêmes notre vie. Quand on nous insulte, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance. On nous considère maintenant encore comme les balayures du monde, comme le déchet de l’humanité.
Propositions perdantes
Les adventistes et toutes les autres dénominations veulent absolument expliquer pourquoi notre Bible prescrit l’exécution des enfants désobéissants. Ou pourquoi les «saints hommes d’autrefois» présentent Dieu comme ordonnant des génocides. 50 % de nos membres de 13 à 50 ans ont du mal à accepter une Bible qui traite les femmes menstruées comme des êtres impurs alors que c’est Dieu qui les a ainsi créées. Qui est alors le plus grand perdant? Les enfants rebelles, les saints hommes faillibles d’autrefois, toutes les femmes, ou Dieu?
Aucun d’entre nous ne connaît aujourd’hui la date exacte de la naissance d’Ellen White. Comment pouvons-nous prétendre connaître la date de la naissance de la terre? Jésus n’est pas revenu le 22 octobre 1844, ni au cours de la vie de ceux qui l’attendaient ce jour-là. «Bientôt», ce n’est plus bientôt, quel que soit le critère utilisé. En tout cas, bientôt n’est pas bientôt si l’on considère les 4,6 milliards d’années de l’histoire du système solaire. Ou si l’on considère les 2 000 ans qui se sont écoulés depuis que les apôtres ont contemplé le ciel lors de l’ascension de Jésus. Encore moins
pour le membre baptisé le plus âgé de l’Église adventiste du septième jour.
Jésus a dit qu’il était le Seigneur du sabbat. Pourquoi prétendons-nous que les adventistes qui adorent le samedi sont les seigneurs du sabbat, et que tous les autres sont des adorateurs de bêtes ou de la Bête? Le septième jour est certainement le sabbat, mais où est l’humilité de part et d’autre de la ligne internationale de changement de date? D’où vient la sainteté du vendredi soir qui n’est pas biblique, mais une tradition intertestamentaire? Où est la bienveillance chrétienne selon laquelle nous vous souhaiterions un sabbat le jeudi, le vendredi ou le dimanche plutôt que pas de sabbat du tout? Pourquoi ne pas célébrer notre sabbat au lieu de légiférer sur le sabbat?
Tous des perdants
Chacun d’entre nous, au cours de sa courte vie, s’est trompé. Nous avons tous perdu. Nous sommes tous des perdants. En fin de compte, la vie est toujours perdue. La chute de l’humanité est la seule doctrine dont la preuve est irréfutable. Pourquoi ne pas admettre que la chute des doctrines adventistes l’est tout autant? Bien sûr que nous nous sommes trompés. Bien sûr que nous devons nous repentir de notre perception erronée de la vérité et nous départir de nos erreurs. Bien sûr que nous devons désapprendre certaines de nos idées et en apprendre de meilleures.
Pourquoi est-ce si difficile à admettre?
Si notre Dieu adventiste a perdu 1/3 de ses anges, 100 % des premiers humains, et la plupart de ses plans décrits dans la Bible concernant leur salut et leur gouvernement, alors notre Dieu est le plus grand perdant. L’amour est la voie des perdants. Les personnes gentilles sont les dernières, sur terre comme au ciel. Notre Dieu de bonté se «repent» librement de ce qu’il a fait, et trouve le salut dans l’échec de ses plans.
Si seulement les institutions adventistes se chargeaient d’améliorer nos doctrines au lieu de les défendre! Combien d’explications meilleures de la vérité pourraient être apportées par l’Institut de recherche biblique ou l’Institut de géoscience, avec de nouvelles perspectives pour comprendre la création. Si seulement notre projet «La foi pour aujourd’hui» (Faith for Today) signifiait une foi renouvelée, améliorée, mise à jour pour être présentée au monde, au lieu d’un projet «Défense de la foi d’hier dans ses égarements», comme cela semble être malheureusement le cas?
Aujourd’hui, pourquoi un adventiste du septième jour, n’importe où, n’importe comment, n’importe quand, serait-il encore coupable du péché de certitude, de l’imposture de l’inerrance et de la supercherie consistant à prétendre que nos ancêtres détenaient la vérité absolue? Dans quelle mesure devrions-nous admettre nos erreurs, corriger nos méprises et faire preuve d’humilité dans nos relations avec les autres religions? Je peux me tromper, bien sûr, mais je suis sûr d’une chose, comme nous tous, que notre Dieu veut que nous admettions librement et ouvertement: dans
l’économie du ciel, ce sont les bons perdants qui remportent la victoire.
Jack Hoehn est l’auteur du best-seller publié par Adventist Today: Adventist Tomorrow-Fresh Ideas While Waiting for Jesus. La version anglaise de cet article est parue le 27 octobre 2023 sur le site d’AdventistToday. Cet essai a été traduit par Jean-Claude Verrecchia et est également publié sur son blog.