Comment l’Eglise adventiste est programmée à ne pas changer
par Admiral Ncube | 27 juillet 2023 |
Dans son essai intitulé «Redundancy, Relevance & Resources: Taming our overgrown church bureaucracy» (Redondance, pertinence et ressources: Apprivoiser la bureaucratie démesurée de notre église), Raj Attiken, administrateur de l’église à la retraite, explique de manière convaincante que la transformation structurelle de l’église est l’un de ses besoins les plus importants et les plus urgents. Il termine par un plaidoyer passionné, suppliant que la dénomination
s’excuse auprès de ses membres pour la position d’autoprotection qu’elle a adoptée à maintes reprises lorsqu’on lui a présenté des recherches crédibles démontrant que, pour les besoins de l’église, sa structure actuelle est trop lourde aux niveaux supérieurs de la hiérarchie. En ce qui concerne ces ressources gaspillées, un repentir radical de l’institution est nécessaire, et il doit s’accompagner d’actions intentionnelles dans le but d’éliminer les redondances et le gaspillage.
Les arguments de Raj en faveur d’un changement sont clairs. Mais comment et pourquoi avons-nous maintenu, pendant des décennies, une structure dont l’efficacité est démontrée par si peu de preuves? Voilà une question qui en soulève bien d’autres. Le leadership de l’église est-il inconscient du besoin de changement ou y a-t-il d’autres intérêts en jeu?
Je soutiens que, dans l’Adventisme, le plus grand obstacle au changement est l’Adventisme lui-même. Il y a quelque chose, en nous, qui nous empêche de faire notre autocritique ou même d’imaginer que nous pourrions nous tromper et que nous avons besoin de changer.
Autrement dit, nous sommes programmés à résister au changement. Cette résistance est fondée sur une sorte de cohérence que nous interprétons comme une fidélité à l’éthos de l’Adventisme.
Mais lorsqu’on y regarde de près, il ne s’agit de rien d’autre que d’un intérêt personnel glorifié ou de naïveté.
Programmés à se défendre
Suite à la déception de 1844, nos pionniers ont jugé nécessaire de démontrer au monde qu’ils étaient un mouvement inspiré par Dieu. Ils ont adopté un ton défensif en prêchant que le 22 octobre était une «déception magnifique» et qu’elle faisait partie d’un grand plan divin. Ils ont développé un cadre doctrinal centré sur le message du sanctuaire ainsi qu’une orientation doctrinale argumentative insistant sur le fait que l’existence de l’église adventiste du septième jour est inscrite dans la prophétie biblique.
Il s’ensuit donc que nos démarches sont, par définition, la meilleure expression de la volonté de Dieu pour l’église du reste. Et on ne va pas contre la volonté divine. Même si nos pionniers avaient une attitude d’élèves disposés à apprendre, ouverts à l’auto-critique et aux questions, nous en sommes venus maintenant à rejeter toutes allusions qui suggèreraient que nous nous trompons ou que nous faisons des erreurs, car nous sommes l’église du reste et nous appartenons à Dieu.
Par conséquent, ceux qui soulèvent des questions sont considérés comme des ennemis, et nous ne sommes pas capables de voir les problèmes qu’ils nous font remarquer. Nous devons défendre le statu quo, même s’il existe des preuves claires que cela ne marche pas. En attachant une valeur morale à tout ce que nous faisons, nous devenons sensibles à la critique. Nous commençons à voir des ennemis derrière chaque arbre. Nous nous sentons menacés par la moindre critique. Nous devenons idolâtres dans le sens que nous refusons de considérer tout autre point de vue.
La structure organisationnelle actuelle a été développée par nos pionniers en réponse aux conditions auxquelles l’église était confrontée à leur époque. Ils ont fait de leur mieux pour développer une structure en s’inspirant de ce qu’il y avait de mieux au sein des dénominations avec lesquelles ils étaient familiers.
Mais plutôt que de nous accrocher coûte que coûte à ce qu’ils nous ont légué, nous devrions nous poser les mêmes questions qu’ils se sont posées. Si la mission est ce qui nous anime, dans quelles mesures sommes-nous certains que notre configuration actuelle offre encore le meilleur retour après l’investissement de notre argent et de nos efforts? Avons-nous encore besoin d’une redondance des rôles et des fonctions, à tous les niveaux, depuis l’église locale jusqu’à la Conférence générale?
La politique et la chaire
Chaque fois que des élections ont lieu, nous suggérons que la main de Dieu choisit les dirigeants. Le système des comités de nomination est une tentative d’assurer une large représentation lors des élections. Nous voulons croire que le processus est exempt de manipulations politiques – que l’Esprit de Dieu sabotera tout intérêt égoïste.
Mais après l’élection d’un président, celui-ci fait partie du comité de nomination, utilisant ainsi sa nouvelle position pour influencer la sélection des autres dirigeants. A ce stade, la main de Dieu qui a élu le nouveau président cesse d’être digne de confiance. Il n’y a rien de plus politique que les pressions appliquées par le nouveau président pour que soient exclues les personnes avec lesquelles il ne veut pas travailler tout en invitant ses alliés à le rejoindre et à occuper une position en or.
Est-ce ainsi que le Saint-Esprit agit? Placer le système représentatif sous l’autorité d’un leader? Non. Il s’agit d’une pratique empruntée au monde de la politique séculaire. Nous professons avoir une forme de gouvernance représentative où le pouvoir réside dans les membres; mais au lieu de cela, nous avons un système qui transforme ceux qui sont élus en patrons.
Lorsque nous conférons le pouvoir exécutif à ceux que nous élisons, nous faisons de l’élection à un poste administratif un objectif de carrière. Le ministère pastoral n’est plus une carrière mais un tremplin vers quelque chose de meilleur. Les intérêts conférés à ceux qui ont maintenant un pouvoir exécutif ne les incitent pas à réformer la structure – car quel dirigeant ambitieux souhaiterait se restructurer lui-même en dehors d’une position de pouvoir?
L’église est à l’heure actuelle soumise aux initiatives présidentielles, ce qui est typique de ce que l’on peut observer dans les processus politiques de nombreux pays. Au lieu de se soumettre à la vision et aux priorités collectives fixées par l’église, nous avons des dirigeants qui définissent leur propre vision et leurs propres priorités derrière lesquelles l’église est ensuite censée se rallier. Celui qui est élu apporte avec lui ses initiatives et ses projets qui sont ensuite lancés à l’aide de slogans et de journées spéciales ajoutées au calendrier de l’église.
Après un certain temps, le nouveau programme est discrètement abandonné sans évaluation ou feedback – et un autre programme est lancé. Si un nouveau dirigeant est élu, il abandonnera tout ce que son prédécesseur a mis en place et commencera à ajouter ses propres programmes et journées spéciales au calendrier de l’église.
Il n’y a rien de plus inutile. Comment peut-on s’attendre à des changements dans une structure qui accorde ce genre de pouvoir exécutif et de privilèges?
La loi du marteau
Le psychologue Abraham Maslow a dit: «J’imagine qu’il est tentant, si le seul outil dont vous disposiez est un marteau, de tout considérer comme un clou.»[1] C’est ce qu’on appelle «la loi de l’instrument» ou «la loi du marteau»: lorsque nous acquérons une nouvelle compétence, une nouvelle connaissance ou un certain pouvoir, nous verrons partout des opportunités de les utiliser, même là où cela n’est pas approprié.
Une dépendance excessive envers un processus qui nous est familier signifie que nous restons coincés dans une certaine façon de faire les choses. Par conséquent, rien ne change.
Bien que certains postes de direction soient ouverts à tous, quel que soit votre sexe ou vos antécédents théologiques, les structures de l’église sont dominées par la présence de pasteurs de sexe masculin. Ainsi, l’église est privée d’une opportunité d’exploiter les compétences et les expériences diverses de ses membres.
Pas étonnant que les questions de développement et de changement organisationnel ne retiennent pas l’attention! Les pasteurs ne sont pas formés pour cela! Il est déraisonnable d’attendre d’eux qu’ils entament une réflexion sur la restructuration organisationnelle. C’est, d’une manière générale, en dehors de leurs compétences. Et, comme je l’ai souligné plus haut, il n’y a aucune incitation à se restructurer soi-même hors de son trône.
Nous avons parmi nous des membres compétents et craignant Dieu qui dirigent de grandes entreprises mais à qui on ne donne pas la possibilité d’apporter leur contribution. Même les comités exécutifs à chaque niveau de l’église sont dans l’incapacité de changer, car ils sont principalement composés de fonctionnaires de l’église. Le président des comités est aussi le président en exercice. Comment peut-on s’attendre à ce qu’il soit objectif lorsque les rapports sur les performances de son équipe sont discutés?
Il n’y a pas d’obstacle au changement plus grand qu’une structure de gouvernance criblée de conflits d’intérêts et dont la séparation des tâches est peu claire. Encore une fois, la loi du marteau: nos dirigeants utilisent les outils dont ils disposent, mais ce ne sont pas les bons outils lorsqu’il faudrait changer une structure d’église obstinée.
Comment avancer?
Nous sommes coincés dans un système conçu pour résister au changement. De plus, il s’associe à un état d’esprit qui n’aime pas être critiqué ou corrigé.
Mais un mouvement mondial qui comprend plus de 22 millions de membres exige que nous soyons plus efficaces, souples et féconds. Cela ne peut se produire lorsque nous sommes configurés pour les années 1900.
Dans de nombreuses régions du monde, ce qui se passe est exactement le contraire de ce dont nous avons besoin. Par exemple, dans de nombreuses parties de l’église mondiale, c’est devenu une preuve de succès de créer, chaque année, de nouvelles fédérations et unions. Cela signifie ôter plus de pasteurs du ministère paroissial et les récompenser avec des emplois administratifs et des budgets de voyage. Cela signifie détourner plus d’argent du ministère de première ligne pour faire fonctionner le nombre croissant d’emplois de bureaux, ce qui signifie plus de dépenses.
Pire encore: le système récompense davantage les pasteurs servant dans les bureaux que ceux qui se trouvent en première ligne. Les congrégations sont constamment harcelées par les dirigeants de l’église pour qu’elles soient de bonnes intendantes, mais de bons principes d’intendance ne sont pas appliqués au niveau du leadership. J’ai entendu parler de fédérations qui exigent, en plus de toutes les dîmes, 50% de toutes les offrandes collectées dans les églises locales alors qu’elles sont aussi censées rassembler les fonds nécessaires à leurs propres coûts de fonctionnement, de construction et d’évangélisation.
Pas étonnant que nous ayons maintenant des processus électoraux toxiques qui se concentrent davantage sur le résultat des élections que sur le développement et la stratégie de l’église! Pas étonnant que nous ne sachions pas comment démanteler la structure incontrôlable que nous avons créée!
Quelque chose doit changer.
- Maslow, Abraham (1966). The Psychology of Science: A Reconnaissance. South Bend, Indiana: Gateway Editions. ↑
Admiral Ncube (PhD) est originaire du Zimbabwe. Il est analyste du développement et réside au Botswana. Il est l’époux de Margret et le père de trois enfants. La version anglaise de cet article est parue le 16 mai 2023 sur le site d’Adventist Today.
Pour rejoindre la conversation, cliquez ici.