A propos de tresses, d’or, de perles et d’habits somptueux
par Loren Seibold | 27 février 2024 |
Lorsque j’avais cinq ans, je me souviens clairement aller avec mon père au magasin de pièces mécaniques, à Jamestown. Tout en attendant, je regardais par terre (à cette époque, j’étais plus près du sol) et j’ai vu rouler près de ma chaussure un petit étui en carton doré qui entourait la partie en porcelaine des bougies d’allumage neuves pour les protéger lors du transport.
(Petite info sans intérêt, pour les plus jeunes: à l’époque, les bougies d’allumage devaient être remplacées fréquemment, elles étaient donc disponibles en grande quantité dans les magasins. De nos jours, elles durent 160.000 kms.)
Sans même y réfléchir, j’ai ramassé la petite bague et je l’ai mise à mon doigt. Ce n’était qu’un morceau de carton doré, mais il était joli, et je me souviens d’avoir admiré ma petite main et de me sentir satisfait!
Puis, quelle déception! Le petit bandeau est tombé, et il a roulé sous les étagères. Je me suis allongé sur le sol, et j’ai essayé de le récupérer. A ce moment-là, mon père en avait fini avec ses achats. «Pourquoi es-tu allongé sur ce sol dégoûtant?» m’a-t-il demandé. «Tu vas abimer tes vêtements. Lève-toi, on y va.»
De retour dans la voiture, je me suis senti triste – ce qui est peut-être la raison pour laquelle je me souviens de cet évènement aussi clairement. Je n’ai pas dit à mon père ce que je cherchais sous les étagères parce que j’avais honte d’avouer combien cette petite bague en carton doré m’avait donné de la joie.
Les bijoux étaient un péché – et j’en avais tiré du plaisir.
C’est toujours d’actualité
Dans ma communauté d’adventistes progressifs ou en convalescence, les gens sont surpris lorsque je leur dis que les bijoux sont toujours un problème dans certaines parties de la culture adventiste. Cela ne cause plus l’anxiété que cela provoquait lorsque j’étais jeune, mais certains de mes amis adventistes, qui ne réprimanderaient pas quelqu’un à ce sujet, continuent à ne pas porter de bijoux pour ménager «le frère ou la sœur plus faible». Peu d’employés de l’église ou leurs conjoints portent une alliance, bien qu’il y ait une citation d’Ellen White qui les absoudrait. Dans certaines conférences, les alliances sont interdites aux employés et à leurs familles, et des boucles d’oreilles ou un collier pourraient causer votre renvoi.
Il existe aussi un groupe (plus grand que vous ne l’imaginez) qui croit que le port de bijoux est une transgression grave qui irrite Dieu. Dans ces recoins de l’adventisme, les bijoux ne sont pas seulement quelque chose que les pieux choisissent de ne pas porter: ils méritent d’être critiqués ouvertement et entraînent peut-être même le rejet de ceux qui les portent.
La brigade anti-bijoux justifie tout cela à l’aide d’arguments qui font partie des plus stupides mais des plus durables que nous, adventistes, avons élaborés.
1 Timothée 2.9-10 et 1 Pierre 3.3-4
Ces deux textes opposent une obsession concernant sa propre apparence à un bon caractère. Mais, dans les deux cas, seule la désapprobation des bijoux a survécu. Tresser ses cheveux, qui est également mentionné, n’a jamais fait, à ma connaissance, son apparition dans un sermon adventiste. Les vêtements coûteux, non plus. De même, vous n’entendrez pas ces passages être utilisés pour parler de bonne moralité sans que la majeure partie du sermon soit concentrée sur l’idée que le port de bijoux est, de facto, le signe d’une mauvaise moralité.
On pourrait facilement faire valoir que ces textes parlent de caractère et que la mention des bijoux est un obiter dictum. Les adventistes les ont interprétés dans l’autre sens: la partie concernant les bijoux représentent une instruction contraignante et le caractère n’est qu’une remarque secondaire.
Pourtant, compte tenu de notre histoire, cela se comprend: dans nos milieux, l’apparence extérieure a toujours été plus importante que le caractère. C’est compréhensible. Oter ses bijoux est bien facile à faire que de devenir une personne de bonne moralité!
Mais tous ceux qui ont côtoyé notre église de près ou de loin savent que le fait de ne pas porter de bijoux ne transforme personne en un individu aimable, et vice versa.
Cela dit, vous et moi pouvons regarder à l’apparence d’une personne et nous demander ce qu’elle a dans le cœur; parfois, l’apparence extérieure est le seul indice que nous ayons sur la personne intérieure.
Mais, lorsque cette idée surgit dans notre tête, rappelons-nous de deux choses.
Premièrement, ce n’est pas à nous de juger, car Dieu seul connaît le cœur et l’histoire d’une personne. Il vaut mieux lui accorder le bénéfice du doute et chercher plutôt à découvrir qui elle est en faisant connaissance.
Et deuxièmement, si on pense que ces textes concernent les bijoux, ils offrent, tout au plus, des conseils sur la meilleure façon de montrer au monde que vous êtes une personne spirituelle, et non une qualification que vous pouvez exiger des autres avant de les autoriser à communier avec Jésus.
Le jour antitypique des expiations
Il s’agit d’une métaphore de l’Ancien Testament qui s’est en quelque sorte transformée en un commandement concernant le style de vie. Depuis 1844, disent certains de nos théologiens, nous vivons le «jour antitypique des expiations». A l’origine, le but de cette journée était «d’humilier nos âmes» (Lévitique 16.29), ce qui, selon les dirigeants masculins de l’église, signifiait que les femmes devaient cesser de porter des bijoux. Cette bêtise remonte à la fondation de l’église, bien que P. Gerard Damsteegt en soit toujours un représentant moderne.
Comprenons cependant que le jour antitypique des expiations n’est qu’une théologie allégorique – elle ne s’élève même pas au niveau de la métaphore – basée sur une pratique obsolète de l’ancienne religion juive. De plus, l’interprétation manque de cohérence biblique: le texte dit également que les gens ne doivent «pas travailler du tout» le jour des expiations, et les rabbins ont déclaré que le passage «humiliez vos âmes» signifie que nous devons jeûner et ne pas avoir de relations sexuelles.
Gerard Damsteegt et d’autres qui partagent ce point de vue ont occupé des emplois, eu des enfants et, apparemment, ils ont aussi mangé de temps en temps. Autant que je sache, la seule application faite par l’église de cet enseignement antitypique du jour des expiations a concerné les femmes qui portent des bijoux, et rien d’autre.
Ellen White
Ellen White aussi parle avec force contre les bijoux:
Nos sœurs n’ont-elles pas assez de zèle et de courage moral pour se placer sans excuse sur la plate-forme biblique? Sur ce point, l’apôtre a donné des instructions très explicites: «Je veux aussi que les femmes, vêtues d’une manière décente, avec pudeur et modestie, ne se parent ni de tresses, ni d’or, ni de perles, ni d’habits somptueux, mais qu’elles se parent de bonnes œuvres, comme il convient à des femmes qui font profession de servir Dieu.» Ici, par son apôtre, le Seigneur parle expressément contre le fait de porter de l’or. Que ceux qui ont de l’expérience veillent, par leur exemple, à ne pas égarer les autres sur ce point. Cet anneau qui entoure votre doigt est peut-être très simple, mais il est inutile et le port de celui-ci a une mauvaise influence sur les autres. (Testimonies for the church, vol.4, 630.1)
Son autre argument contre les bijoux concerne les finances:
Ne dépensez pas un franc en futilités. Votre argent signifie le salut des âmes; ne le gaspillez pas en bijoux, en or ou en pierres précieuses. (Ministère de la bienfaisance, 202.1)
Il existe des photos où Ellen White et certaines femmes de sa famille portent une broche et un collier, et bien que ces babioles ne semblent pas être de «précieuses parures», elles ont suffisamment inquiété les dirigeants de l’église que les imprimeurs les ont effacées – ce qui est, pour le moins, trompeur.
Ces mauvaises femmes!
Le christianisme conservateur est, par nature, patriarcal. Il a blâmé les femmes pour le péché originel, et il continue de projeter sur les femmes le désir sexuel masculin.
Et apparemment, les bijoux sont considérés par les hommes adventistes comme intentionnellement provocateurs.
Il y a des années, il y avait, dans notre conférence, un pasteur qui se comportait comme un paon. Il portait toujours des cravates et des costumes exquis, des chemises blanches amidonnées avec des boutons de manchette, une épingle de cravate et une belle montre-bracelet. (Sa femme, je me souviens, était une simple petite paonne qui ne portait pas de maquillage, ne se colorait pas les cheveux et faisait peu pour se rendre attractive.) Un jour, une matriarche l’a confronté et lui a demandé pourquoi il pouvait porter des bijoux, mais pas elle. Il a souligné que sa cravate était en tissu et non en or; que ses boutons de manchette et l’épingle de cravate étaient utilitaires – pour maintenir ses poignets fermés et empêcher sa cravate de tomber dans sa soupe. Et que, de plus, toutes les interdictions bibliques concernant les bijoux et les parures coûteuses concernaient les femmes et pas les hommes. Parce que, vous savez, les femmes sont tout simplement trop irrésistibles si vous leur permettez de se pomponner, mais ce n’est pas un problème pour les hommes.
Ce sont là, je n’ai pas besoin de vous le dire, des arguments stupides. Mais ils ne surprendront pas la plupart des femmes: elles savent à quoi ressemblent les doubles standards. Elles ont compris depuis longtemps qu’elles peuvent être blâmées pour les tentations des hommes, et cela est vrai, même dans l’église.
Rien de tout cela n’est biblique!
Soyons clairs: dans l’Ancien Testament, comme dans le Nouveau, la plupart des références aux bijoux ne sont pas péjoratives.
Ezéchiel 16.11-12: [Dieu dit] « Je t’ai parée de bijoux: j’ai mis des bracelets à tes poignets, un collier à ton cou, un anneau à ton nez, des boucles à tes oreilles et une couronne magnifique sur ta tête.»
Esaïe 61.10: «Je me réjouirai en l’Eternel… il m’a couvert du manteau de la justice. Je suis pareil au jeune marié qui, tel un prêtre, se coiffe d’un turban splendide, à la jeune mariée qui se pare de ses bijoux.»
Proverbes 1.8-9: «Mon fils, écoute l’instruction de ton père et ne rejette pas l’enseignement de ta mère! En effet, ce sera une couronne de grâce pour ta tête et un collier pour ton cou.»
Genèse 24.47: «Je l’ai interrogée en disant: ‘De qui es-tu la fille?’ Elle a répondu: ‘Je suis la fille de Bethuel, le fils de Nachor et de Milca.’ J’ai mis l’anneau à son nez et les bracelets à ses poignets.»
Jacques 2.2-4: «Supposez en effet qu’entre dans votre assemblée un homme portant un anneau d’or et des habits somptueux, et qu’entre aussi un pauvre aux habits crasseux. Si vous tournez les regards vers celui qui porte les habits somptueux… ne faites-vous pas en vous-mêmes une distinction et ne devenez-vous pas des juges aux mauvais raisonnements?»
Proverbes 25.12: «Un anneau en or, un collier en or fin, voilà ce que sont des paroles dites à propos.»
Luc 15.22: «Mais le père dit à ses serviteurs: ‘Apportez [vite] le plus beau vêtement et mettez-le-lui; passez-lui un anneau au doigt et mettez-lui des sandales aux pieds.»
Vous trouvez aussi des passages qui parlent de donner ses bijoux en offrande ou de les retirer pour des périodes de deuil ou de jeûne. Et, comme je l’ai expliqué ci-dessus, les épîtres mentionnent la parure pour mettre en lumière une bonne moralité.
Mais vous ne pouvez pas trouver un seul passage biblique qui déclare que les bijoux sont, en soi, un péché.
Une vie simple?
Le procès biblique contre les bijoux est purement et simplement tendancieux: il repose sur une lecture biaisée du texte. Les arguments sont anti-femmes, incohérents et, dans la mesure où ils sont présentés comme l’opportunité de donner à l’église plus d’argent, ils servent l’intérêt de ceux qui les avancent.
Pourtant, la vie de ceux qui ont promu cette idée ridicule n’est pas particulièrement humble. Si vous êtes déjà allés à Elmshaven, vous vous êtes rendus compte qu’Ellen White vivait dans ce que beaucoup considéreraient comme un petit manoir. Aujourd’hui, vous voyez des voitures de luxe dans les parkings des immeubles des bureaux de l’église qui, eux, valent plusieurs millions de dollars. Certains de ces dirigeants vivent dans de magnifiques maisons. Ils parcourent le monde. Ted Wilson est connu pour voyager avec style, et il y a au moins une histoire confirmée racontant qu’il a embauché son propre chef pour ne pas avoir à manger avec la populace. Il existe bon nombre de photos de lui participant à des cérémonies de bienvenue extravagantes dans de nombreuses régions du monde.
Je ne les critique pas pour tout cela. Je ne fais que souligner l’hypocrisie de ces hommes qui affirment que les femmes qui portent des bijoux sont dépensières et vaniteuses alors qu’ils sont en train de développer des caractères débordant d’humilité avant la venue de Jésus.
Si cette dénomination veut vraiment promouvoir une vie simple, que les dirigeants de l’église donnent l’exemple. Devenez des gens simples, comme les Amish et les Mennonites, ou bien, abandonnez cette hypocrisie à propos des bijoux.
Transporter, dans votre BMW, des épouses et des filles sans parures n’équivaut pas à une vie simple.
Des questions mineures en problèmes majeurs
Les bijoux ne sont tout simplement pas une préoccupation spirituelle valable. La plus grande préoccupation spirituelle concerne les personnes qui créent des divisions autour de ces problèmes mineurs.
Considérons quelques-unes des choses qui, bibliquement, relèvent du domaine de la responsabilité spirituelle des chrétiens. En ce moment-même, il y a des milliards de personnes qui ne savent pas d’où viendra leur prochain repas. Des millions d’autres sont dans des zones de guerre. (En Irak seulement, les morts civiles causées par la guerre sont au nombre d’environ 200.000.) Des adultes et des enfants meurent de maladies, certaines évitables ou traitables par des médicaments auxquels ils n’ont pas accès. Quant à l’injustice, aux abus, aux drogues et à tout le reste, par où commencer?
Et nous continuons à protester contre les bijoux?
Nous autres, adventistes, avons depuis longtemps placé l’accent sur de petites conformités à des règles d’une importance purement imaginaire, plutôt que sur la mise en pratique des fruits de l’Esprit. Quand j’étais jeune, la parente d’un membre d’église a rendu visite à notre petite église de Cleveland, dans le Dakota du nord. Elles portaient des boucles d’oreille. Si les yeux des membres avaient été équipés de rayons laser, sa tête aurait explosé dans la première minute et demie. Cela n’arriverait plus de nos jours, mais c’est une bonne illustration qui démontre combien il est plus facile d’exclure quelqu’un en raison de son apparence plutôt que de pratiquer «l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la générosité, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi»!
Les êtres humains aiment se présenter de belles manières, et nous aimons les jolies choses, même une bague en carton au doigt d’un enfant de cinq ans. De telles choses sont généralement inoffensives et sans conséquence – sauf lorsqu’elles sont transformées en un problème par les pharisiens adventistes.
Quand allons-nous cesser d’établir des règles et commencer à ressembler à Jésus?
Loren Seibold est directeur de rédaction à Adventist Today. La version de la Bible utilisée dans cette traduction est la Segond 21. La version originale de cet article a été publiée le 4 janvier 2022 sur le site d’Adventist Today.
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