A propos du pape François
par Loren Seibold | 24 avril 2025 |
En tant que chrétien élevé dans une tradition religieuse où le pape, dans l’histoire de mon église, semblait souvent aussi central que Jésus, il me semble nécessaire de réagir à l’annonce du décès du pape François.
Mon éducation adventiste m’a appris que le pape François était forcément, de par son titre, sa position et ses convictions, un homme mauvais. Je me souviens de sermons où le pape était présenté comme «l’homme de péché» de 2 Thessaloniciens 2.3-4, assis sur un trône dans un temple, invitant les gens à l’adorer. D’autres disaient qu’il était l’antéchrist de 1 Jean. Uriah Smith a identifié la première bête d’Apocalypse 13 comme étant le pape – une identité qui semble avoir perduré.
Dans Testimonies to Ministers and Gospels Workers, Ellen White décrit un conclave quelque part dans les cieux où Satan rencontre ses anges maléfiques pour planifier sa stratégie:
Mais notre principale préoccupation est de réduire au silence cette secte d’observateurs du sabbat. Nous devons susciter l’indignation populaire contre eux. […] Nous avons conduit l’église de Rome à infliger l’emprisonnement, la torture et la mort à ceux qui refusaient de se soumettre à ses décrets, et maintenant que nous rassemblons les églises protestantes et le monde entier grâce à ce bras droit de notre force, nous aurons enfin une loi pour exterminer tous ceux qui ne se soumettront pas à notre autorité. Lorsque la peine de mort sera infligée à la violation de notre sabbat, beaucoup de ceux qui sont actuellement classés parmi les observateurs des commandements se joindront à nous.
C’est une accusation remarquablement forte: elle affirme que le pape est complice de Satan et qu’il s’arrangera pour mettre à mort les observateurs du sabbat.
Je trouve cette façon de penser répréhensible à tous égards. De plus, il est profondément malsain de se définir en accusant les autres d’être nos ennemis – des gens qui, il faut le dire, ne nous ont jamais rien fait de mal.
Un homme d’église bon et honnête
Le pape François était, me semble-t-il, un homme honnête. Pas parfait, mais bon. Certes, il s’habillait bizarrement et accomplissait des rituels que nous ne comprenons pas, mais, lorsqu’il parlait, son ton était compatissant. Je ne vois pas sur quoi d’autre me baser pour évaluer son impact.
Voici quelques propos du pape François qui, à mon avis, méritent un regard sérieux et positif.
Sur l’environnement: «Le rythme de la consommation, du gaspillage et des changements environnementaux a tellement sollicité les capacités de la planète que notre mode de vie contemporain, insoutenable tel qu’il est, ne peut que précipiter des catastrophes.» Encyclique, 18 juin 2015.
Sur la guerre: «L’hostilité, l’extrémisme et la violence ne naissent pas d’un cœur religieux: ce sont des trahisons de la religion.» Lors d’une visite en Irak en mars 2021.
Sur l’immigration: «C’est une hypocrisie que de se dire chrétien et de chasser un réfugié, quelqu’un qui cherche de l’aide, quelqu’un qui a faim ou soif; de mettre dehors quelqu’un qui a besoin de mon aide.» Lors d’une réunion de catholiques allemands au Vatican en octobre 2016.
Sur le capitalisme: «Le libéralisme (économique) effréné ne fait que rendre les forts plus forts, les faibles plus faibles, et les exclus encore plus en marge.» Au journal La Repubblica en octobre 2013.
A propos des personnes LGBTQ: «Si une personne est homosexuelle, si elle cherche Dieu et est de bonne volonté, qui suis-je pour la juger?» S’adressant à des journalistes, dans un avion, de retour du Brésil en 2013.
A propos des abus sexuels commis par des membres du clergé: «Devant Dieu et son peuple, j’exprime mon désarroi pour les péchés et les graves crimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé contre vous tous. Et je vous demande humblement pardon.» Homélie au Vatican adressée aux victimes d’abus, le 7 juillet 2014.
A propos de la science et des origines: «Le ‘Big Bang’, considéré aujourd’hui comme l’origine du monde, ne contredit pas l’intervention créatrice de Dieu; au contraire, il l’exige. L’évolution dans la nature ne s’oppose pas à la notion de création (divine), car l’évolution requiert la création des êtres qui évoluent.» A l’Académie pontificale des sciences, en octobre 2014.
Malgré la célébrité qui lui a été imposée, il semble avoir été un homme humble qui aurait préféré une église plus humble. Dans une interview accordée à un journal italien en 2014, il déclarait:
«Décrire le pape comme une sorte de surhomme, une sorte de star, me paraît offensant. Le pape est un homme qui rit, pleure, dort paisiblement et a des amis, comme tout le monde, une personne normale.»
Et encore:
«Oh, comme je voudrais une église pauvre, et pour les pauvres!» (mars 2013).
Ses manquements
Il y avait des choses que le pape François ne voulait ou ne pouvait pas faire. Il a parlé plutôt timidement en faveur des femmes et, bien qu’il ait plaidé pour une plus grande présence féminine à la tête de l’église, il a refusé de les nommer prêtres ou d’autoriser les prêtres à se marier.
Malgré son objectif affiché de réduire les excès de la Curie – l’imposante bureaucratie catholique romaine – il n’y est pas parvenu. Des rumeurs de corruption ont circulé concernant les banquiers du Vatican; on a parlé notamment de blanchiment d’argent. En décembre 2017, il déclarait: «Réformer Rome, c’est comme nettoyer le Sphinx d’Egypte avec une brosse à dents.»
Bien qu’il ait personnellement mené une vie simple, de nombreux hauts dignitaires de l’église catholique romaine étaient connus pour leur grande complaisance. En Corée du Sud, en 2014, il a déclaré: «L’hypocrisie de ces hommes et femmes consacrés qui professent des vœux de pauvreté tout en vivant comme les riches, blesse l’âme des fidèles et nuit à l’église.»
Quant aux abus sexuels commis par le clergé, beaucoup ont estimé qu’il n’avait tout simplement pas saisi l’ampleur de la crise et qu’il n’était pas allé assez loin pour demander des comptes aux auteurs de ces abus, ni aux évêques qui avaient dissimulé leurs crimes. Et bien qu’il se soit prononcé contre la guerre en termes généraux, il n’a pas condamné sans équivoque des actions telles que l’agression russe en Ukraine ou la persécution des catholiques par la Chine.
Eux et nous
Je m’attends à entendre les voix adventistes habituelles s’élever pour condamner cet homme au moment de sa mort. Mais c’est inconvenant et déplacé. Nous n’avons pas ôté suffisamment de poutres de nos yeux pour le condamner – lui et son église – sur la base de preuves aussi minces que celles que nous avons pu recueillir à partir de quelques prophéties énigmatiques.
D’autres de mes amis progressistes ont loué le pape François comme s’il avait été un saint. Il n’était pas cela non plus.
Certains ont été tentés de comparer le pape à notre président de la Conférence générale – une tentation que je comprends. La seule chose que je dirais, c’est que l’un a exercé moins d’autorité personnelle qu’il aurait pu le faire en tant que catholique romain et a encouragé davantage de dialogues entre croyants que ne l’exigeaient l’histoire et la doctrine de son église, tandis que l’autre semble craindre le dialogue ouvert et exerce une autorité plus directe que ne le permettent les principes du protestantisme. (Je suppose que certains de ses collaborateurs seront discrètement d’accord avec moi.)
Certains ont critiqué le pape parce qu’il semble s’adresser à tous les chrétiens en tant que voix morale et spirituelle, et je suppose que l’on pourrait en avoir peur, mais ce n’est pas mon cas. Je pense qu’il est bien préférable d’adopter une vision large du christianisme plutôt que d’être une église dont la seule perspective passe au travers du pare-brise du triomphalisme adventiste.
Le problème de l’église
Je reviens sans cesse à une phrase du philosophe chrétien John Hick: «C’est parce que l’église devrait être incroyablement meilleure qu’en étant médiocre, elle est mauvaise.» L’église a échoué dans bon nombre des formes qu’elle a adoptées. Elle a échoué sous ses différentes formes monarchiques (catholiques), et je pense que le pape François l’avait compris. Elle est souvent gravement défectueuse dans ses formes protestantes, démocratique et celles qui souhaitent se centrer autour de la Bible – schismes répétés et refus d’adhérer aux valeurs chrétiennes fondamentales que nous partageons avec les autres. Et l’église a échoué dans ses formes congrégationnelles lorsqu’elle a donné naissance à de grandes entreprises de divertissement sous la direction de leaders riches et parfois corrompus.
C’est peut-être pourquoi des millions de personnes répondent «aucune» lorsqu’on leur demande leur appartenance religieuse.
De tous les dirigeants chrétiens que j’ai observés dans ma vie, seuls quelques-uns semblent avoir voulu exalter Jésus au-dessus de l’église. Billy Graham en était peut-être un. Je crois que Jan Paulsen aspirait aussi à cela. Et le pape François en était peut-être un autre. Mais c’est difficile à dire, car tous étaient aux commandes d’une machine ecclésiastique complexe et opulente. Les hommes d’église ont toujours eu du mal à distinguer l’église de sa raison d’être. Ils croient que leur mission est de sauver et de protéger l’église, qu’elle accomplisse ou non sa mission.
Je me demande parfois si les églises n’ont pas toujours été le problème.
Loren Seibold est le directeur de rédaction à Adventist Today. La version originale de cet article a été publiée le 21 avril 2025 sur le site d’Adventist Today.
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