Dieu n’a pas toujours favorisé les premiers-nés
par Horace Alexander | 22 juillet 2025 |
Nous sommes tous conscients qu’il existe une coutume culturelle de longue date selon laquelle le premier fils assume l’autorité et les biens de la famille. Cela a été largement attesté à travers l’histoire et cela se constate encore aujourd’hui dans les familles royales: le roi du Royaume-Uni, c’est Charles, pas Andrew.
Pourtant, dans les récits bibliques, les fils plus jeunes ont souvent la prééminence sur le premier-né. Les circonstances qui conduisent à cela varient, mais la tendance est évidente:
- Caïn est le premier-né d’Adam, mais la préférence va à Abel (Genèse 4.1-5).
- Ismaël est le premier-né d’Abraham, mais Isaac est celui que Dieu choisit (Genèse 17.15-22).
- Esaü est le premier-né d’Isaac, mais Jacob prend sa place, et sa descendance devient la nation d’Israël (Genèse 27.1-30).
- Joseph est l’avant-dernier fils de Jacob, mais c’est lui qui devient sauveur national et prend la prééminence sur ses frères plus âgés (Genèse 45.7).
- Ruben est le premier-né de Jacob, mais c’est Juda qui est béni de son père (Genèse 49.3, 8).
- Quand Tamar donne naissance à des jumeaux, Zérach essaie de naître en premier mais Pérets semble le tirer vers l’arrière et naît en premier. De Pérets descendent presque tous les rois de Juda (Genèse 38.27-30).
- Aaron est trois ans plus vieux que Moïse, mais c’est Moïse qui devient le leader du peuple d’Israël (Exode 7.7).
- David, le plus jeune des huit fils de Jesse, devient roi d’Israël (1 Samuel 17.12-14; 2 Samuel 5.1-4).
Que faire du parti pris apparent de la Bible contre la coutume ordinaire de placer automatiquement tous les honneurs sur le fils aîné?
Etude de cas: les fils d’Abraham
Les fils d’Abraham sont devenus les ancêtres des Israélites et de leurs cousins arabes, les ancêtres du judaïsme et de l’islam. C’est une affaire de famille abrahamique. Ismaël est le fils aîné d’Abraham. Isaac est clairement le second fils. Genèse 16.3 dit qu’Agar, une servante égyptienne, avait été donnée «pour femme» à Abraham par son épouse, Sarah. Agar donne naissance à Ismaël parce que Sarah était incapable de concevoir. Ismaël est donc un fils d’Abraham – un fils légitime d’Abraham.
Il est intéressant de noter que, dans le Coran, c’est Ismaël qu’Abraham tente d’offrir à Dieu sur le mont Morija, et non Isaac (Coran 37.103).
Remarquons aussi que, plus tard, parmi les douze tribus d’Israël, il y en a quatre qui sont les enfants des concubines de Jacob: Bilha a enfanté Dan et Nephtali, Zilpa a enfanté Gad et Aser (Genèse 30.4-12). Ce sont de véritables fils d’Israël, quelle que soit l’identité de leur mère, et leurs tribus sont considérées israélites à part entière (Genèse 35.21-26).
Ainsi, qu’Agar soit une seconde épouse ou une simple remplaçante, comme Bilha et Zilpa, Ismaël est le premier-né d’Abraham. Pourtant, suite à l’intervention divine avant qu’Isaac ne soit sacrifié, Dieu aurait déclaré:
Je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils unique (Genèse 22.12, 16).
Fils unique? (L’expression «fils unique» apparaît aussi au verset 16 quand un ange cite la parole divine.) Ismaël ne compte-t-il pas? Traditionnellement, le père des nations arabes, est-il une personne insignifiante?
Isaac n’a jamais été le fils unique d’Abraham. Ismaël lui est né alors qu’il était un «jeune» homme de 86 ans, tandis qu’Isaac lui est né quand il avait 99 ans. Pendant 13 ans, Ismaël a été le fils unique d’Abraham.
De toute évidence, la Bible fait preuve de parti pris. Paul délégitimise Ismaël en désignant Isaac comme «le fils de la promesse» (Galates 4.22-23), car la nation d’Israël descend du deuxième fils d’Abraham.
La sélection des histoires bibliques mettant en vedette le fils cadet suggère que cela fait partie du mode d’action de Dieu de choisir celui auquel les humains n’auraient pas prêté attention. Que les Israélites se considèrent comme le peuple élu de Dieu – et non leurs cousins ismaélites – met certainement en évidence la fierté nationale et les intérêts d’Israël, mais il y a là des leçons plus profondes à tirer.
Certaines d’entre elles devraient être apprises par les adventistes d’aujourd’hui.
Les façons de faire de Dieu ne sont pas les nôtres
Premièrement, Dieu n’est pas lié par les normes sociétales.
Même si, à l’époque biblique, c’était la norme que le premier-né soit l’héritier (par exemple, Esaü était l’héritier désigné jusqu’à ce que Jacob lui vole son droit d’aînesse), Dieu n’est pas lié par nos traditions culturelles.
Les coutumes humaines ne dictent pas son comportement. Comme, par exemple, lorsqu’il ordonne au prophète Osée d’épouser une femme adultère et d’être le père d’une progéniture dont la paternité est douteuse (Osée 1.2,3). L’ordre de naissance ou bien le fait que la mère soit une esclave ou une épouse légitime sont des préoccupations humaines qui n’ont qu’une importance dérisoire face aux plans et aux desseins de Dieu. Par ailleurs, Matthieu 1 inclut fièrement une prostituée, Rahab, et une femme adultère, Bath-Shéba, dans la lignée génétique de Jésus.
Pendant des siècles, dans l’église chrétienne, on a supposé que Dieu n’appelait que des hommes, et généralement des hommes d’une certaine race et d’une certaine classe. Qu’un ecclésiastique doive être instruit, blanc, vieux et avec des cheveux blancs semblait être la norme sociétale.
Mais les fondateurs de notre dénomination n’étaient pas de vieux hommes aux cheveux gris: beaucoup d’entre eux, telle la jeune femme nommée Ellen Harmon que beaucoup croient que Dieu a envoyée pour guider notre mouvement à ses débuts, étaient précisément ceux que nos dirigeants d’aujourd’hui refuseraient d’ordonner!
Dieu semble trouver du plaisir à bouleverser nos normes sociétales.
Equipés pour le leadership
Deuxièmement, Dieu choisit les hommes et les femmes pour des raisons plus importantes que ne le font les humains.
La succession dynastique des premiers-nés est une coutume pleine de risques. Le roi Edouard VIII d’Angleterre, grand-oncle de l’actuel Charles III, était un coureur de jupons et un sympathisant nazi qui, heureusement, a abdiqué en faveur de son jeune frère Albert. Celui-ci, couronné George VI, s’est révélé être un meilleur leader pour la Grande-Bretagne en temps de guerre, et cela malgré des problèmes d’élocution.
Lorsque Samuel et les autres Israélites étaient sous le charme du grand et beau Saül, Dieu a averti Samuel: «L’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Eternel regarde au cœur» (1 Samuel 16.7). Saül était un mauvais roi, tandis que David – choisi alors qu’il était encore très jeune – avait le talent pour devenir la superstar monarchique d’Israël.
Naître en premier ne vous qualifie pas forcément pour devenir un bon leader. Esaü et quelques autres premiers-nés n’étaient clairement pas adaptés aux rôles de leadership qu’exigeaient les plans de Dieu. Et plus tard, Paul, l’image du parfait pharisien (un groupe sur lequel Jésus a prononcé ses jugements les plus sévères), a été appelé à devenir le fondateur de l’église chrétienne!
Le message énigmatique de Jésus «Bien des premiers seront les derniers et bien des derniers seront les premiers» (Marc 10.31; Luc 13.30) nous rappelle que l’algèbre du royaume de Dieu ne correspond pas toujours à la logique humaine.
Combien de fois des employeurs ont-ils embauché des personnes charmantes et sûres d’elles, dont le curriculum vitae était parfait, pour les voir ensuite échouer misérablement? Je l’ai fait, et peut-être l’avez-vous fait aussi. J’ai aussi vu le contraire se produire: quelqu’un qui est jeune et sans expérience peut devenir, si on lui en donne la chance, un allié brillant et indispensable.
Cela devrait nous enseigner quelque chose. Pendant des années, les individus issus de certaines races n’étaient pas représentés dans le leadership de l’église. Lorsque le pasteur afro-américain, Charles Bradford, a été embauché pour devenir le premier président de la Division nord-américaine, il s’est révélé l’un des meilleurs administrateurs que l’église ait jamais eu.
Certains disent aujourd’hui que les femmes ne devraient pas être appelées au ministère. Mais voir des pasteures exceptionnelles comme Chris Oberg (pasteure de l’église de l’Université de La Sierra pendant des années) et Brenda Billingy de la Division nord-américaine (pour n’en citer que deux) prouvent que cela ne peut être vrai. Il semble que nous ayons négligé de lire Actes 2.17, 18:
Dans les derniers jours, dit Dieu, je déverserai de mon Esprit sur tout être humain… oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, durant ces jours-là, je déverserai de mon Esprit et ils prophétiseront.
Et si on donnait aux jeunes la chance de faire leurs preuves? «Mais ils n’ont pas d’expérience», diront les plus vieux. Comment l’obtiendront-ils si nous ne leur en donnons pas l’opportunité?
En outre, beaucoup d’entre nous peuvent attester que, parfois, les personnes «expérimentées» ne sont que de vieux dirigeants coincés dans une ornière qui répètent les erreurs de leurs prédécesseurs sans rien faire de nouveau ou d’intéressant. Parfois, dix années d’expérience ne représentent qu’une année d’expérience répétée dix fois. A l’heure actuelle, pourquoi les dirigeants les plus autoritaires et les moins innovants de notre dénomination sont ceux qui auraient pu prendre leur retraite il y a dix ans?
N’y a-t-il pas de place pour de nouveaux dirigeants? Peut-être que ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un leadership vieillissant avec un département de la jeunesse, mais d’un leadership jeune avec un département de gériatrie. Voilà une église qui aurait de l’avenir!
La leçon que les fils plus jeunes nous enseignent, c’est que Dieu, par sa vision et sa perspicacité divines, voit ce que les humains ne peuvent pas toujours voir. Tirons-en des leçons.
Horace B. Alexander est professeur émérite d’anglais avec une spécialité en littérature biblique. Auteur du roman historique Moon Over Port Royal, il a également été directeur d’école, surintendant de district, doyen de l’instruction et vice-président d’une université. La version de la Bible utilisée dans cette traduction est la Segond 21. La version originale de cet article a été publiée le 19 septembre 2023 sur le site d’Adventist Today.
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